Une taxe sur les gilets jaunes permettrait d’apaiser le (grand) débat

Une taxe sur les gilets jaunes permettrait d'apaiser le (grand) débat

Au moins 84.000 manifestants samedi, contre 50.000 le 5 janvier et 32.000 le 29 décembre 2018… Difficile de prendre la mesure d’un mouvement dont le nombre de manifestants augmente au fur et à mesure qu’il faiblit. Afin de remettre les pendules à l’heure avant ce grand débat qui s’annonce, et peut-être en espérant l’apaiser, des sources complètement désinformées incitent à avancer qu’une taxe pourrait être collectée préalablement aux cortèges de protestation auprès des participants, ou de leurs organisateurs. Qu’en est-il réellement ?

Soucieux de préserver la justice fiscale, juste après avoir jeté en pâture aux mécontents qui s’étaient violemment exprimés une dizaine de milliards d’euros d’argent public, le gouvernement souhaite rassurer commerçants et autres acteurs économiques épouvantés par ces nombreuses dégradations et atteintes aux biens perpétrées pendant les actes I, II et III du mouvement des gilets jaunes. Sans compter d’importantes sommes versées aux artisans de façon réitérée pour protéger et barricader les vitrines des magasins ! Qui doit payer la casse, le trouble à l’ordre public et le manque à gagner sur le chiffre d’affaires ? Le problème n’est pas neuf et se pose désormais à chaque manifestation sur la voie publique, à l’occasion de Nuit debout ou du 1er mai à Paris ou en province. Pour Anne Hidalgo, les violences des trois dernières semaines de décembre 2019 auraient par exemple engendré d’ores et déjà 3 à 4 millions d’euros de dégâts.

Parmi les pistes envisagées, on a vu l’efficacité du financement participatif ou crowdfunding (levée de fonds auprès des foules) notamment grâce à la fameuse cagnotte Leetchi. Il est certainement possible de limiter la casse en procédant à des arrestations préventives sur la base de la constitution par la police de fichiers d’individus les plus vindicatifs. Souvenons-nous qu’ils se sont déjà vus appréhendés préalablement à l’acte IV du 8 décembre, car les forces de l’ordre les pratiquent depuis de nombreuses années. Mais une telle mesure pose le problème corollaire de l’hébergement pendant la durée de la manifestation et les cellules de garde-à-vue des commissariats ne sont pas extensibles. D’autant plus qu’il faut compter avec la prise en charge des militants fichés qu’il convient d’interpeller, tandis que les effectifs de police sont déjà entièrement mobilisés pour le maintien de l’ordre sur l’ensemble du territoire.

La manifestation à péage, une innovation démocratique

Pour résoudre la quadrature du cercle, le gouvernement en est donc réduit à élaborer une nouvelle taxe, et il faut bien avouer que c’est ce pour quoi il se montre le plus imaginatif. Ironie du sort, ce sont les gilets jaunes qui lui ont soufflé l’idée, en procédant à leurs comptages alternatifs au moyen de tickets ou de bons pour manifester avant la formation des cortèges. Ainsi, l’Imprimerie nationale pourrait dorénavant être chargée d’imprimer de tels bons, mais payants. Les citoyens désirant exercer leur droit constitutionnel devraient ainsi s’acquitter d’une certaine somme, à établir en concertation avec ses organisateurs et la préfecture de police, pour s’époumoner dans de bonnes conditions de sécurité et avec toutes les garanties de légalité. Pour les services de Bercy toujours à l’affût de recettes fiscales et parafiscales, la manifestation à péage constituerait une innovation française que notre pays pourrait exporter à l’étranger, tandis que Christophe Castaner se réjouirait d’avoir ainsi contribué à faire progresser la démocratie en France.

Les manifestants une fois de plus taxés devraient néanmoins se consoler en collectionnant leurs bons à manifester, qu’ils pourraient fièrement exhiber à leurs enfants ou s’échanger comme on le fait avec les timbres de collection ou les figurines Panini.