Nicolas Dumontheuil fut l’invité du resto BD chez Gilles et Marika, un régal !

Nicolas Dumontheuil fut l'invité du resto BD chez Gilles et Marika, un régal !

Vendredi 17 novembre 2017, une bonne vingtaine de personnes se sont pressées pour accueillir le dessinateur Nicolas Dumontheuil chez Gilles et Marika à Vendays Montalivet. Invité par l’association BDM 33, il fut convié à présenter son œuvre très ouverte à l’humeur humoristique si bath et partager ensuite la table dressée de mets succulents.

Outre les Estivales à Monta, désormais célèbre salon de la BD dans le Médoc, l’association BDM 33 aime aller à la rencontre d’une ou d’un auteur de BD et se régaler les papilles en sa compagnie.
Ce fut le cas, une nouvelle fois avec Nicolas Dumontheuil, accueilli avec chaleur humaine à la table du cuistot Gilles, flanqué de ses deux aides et de Marika rayonnante en robe fleurie au service. Tous les convives sortirent comme toujours de cette soirée mémorable, des dessins et des bulles plein les mirettes et conquis par la palette de plats délicieux confectionnés avec amour de l’art par Gilles.
Au menu, en clin d’œil à l’invité, Gilles fana de BD avait concocté des plats en références à des ouvrages de Nicolas Dumontheuil.
Nems Maison de crevettes et crabes au safran au coulis, verdure d’herbes folles et coulis d’Asie pour "La longue marche des éléphants » ou soupe de raviolis aux cèpes sauce Africa retour de voyage pour « Le Landais volant". Avec en plats : ventrèche et travers de porc Basque sauce barbecue Maison façon western pour « Big Foot » ou Chili con carne du cow-boys pour « Big Foot » ou filet roulé de poisson sauce franchouillarde aux légumes d’hiver pour « Qui a tué l’idiot » et « La femme floue" et pour le dessert : brownie Maison et son coulis queue de renard pour « La forêt des renards pendus" ou tranché de pain perdu , coulis guerre de 14 pour « Le roi cassé » et « La colonne ».
Miam miam, j’en salive encore !

Mais au préalable, Maurice de l’association avait mené l’entretien ouvert et décontracté avec l’auteur. Maurice a pris soin d’évoquer certaines BD, car il était impossible d’échanger autour de toute l’œuvre déjà conséquente ce cet auteur prolixe. Nicolas ravi s’est pris au jeu et a éprouvé beaucoup de plaisirs à dialoguer autour de certains de ses ouvrages. Présentant même des planches originales et répondant aux questions du public. Comme quoi une fois encore, lors de ce type de manifestation, il est possible de se nourrir autant l’esprit que l’estomac avec des aliments de qualité.
Venons-en à Nicolas Dumontheuil dont l’œuvre se réclame d’un esprit loufoque alliant la démesure, la dérision de situation à travers ses personnages.
Il a commencé très jeune à griffonner pas loin de 30 à 40 cahiers d’écolier dès l’école élémentaire. Le baccalauréat en poche, il s’est jeté dans des études d’arts appliqués et s’est accordé un bref passage aux Arts décoratifs de Paname. Il devient alors illustrateur pour la pub qui nourrit très bien son homme mais le laisse sur sa faim de créations en liberté.
Il se jette dans la BD et enfreint les codes en vigueur qui consistent à présenter 3 ou 4 pages et le scénario à un éditeur. Lui se contente de présenter « L’enclos » son album achevé qui est publié en 1993.

Sur sa lancée, il reçoit le prix du festival de Sierre 95, mais aussi celui d’Alph-Art du Meilleur album à Angoulème et le prix René Goscinny pour « Qui a tué l’idiot ? » Il cultive déjà le côté absurde dans le comportement décalé de ses personnages tout comme d’ailleurs pour « Le roi cassé » dans le même esprit, qui subit les évènements.
Il s’attaque au genre western décalé avec la BD fleuve en trois tomes : « Big Foot » très très librement inspiré du roman de Richard Brautigan : « Le monstre des Hawkline ». Le Bartos me tape dans le dos à l’évocation du Brautigan. Il me crie dans les esgourdes que c’est un de ces potos d’écrivains préférés. De la bande des allumés du joint des Hunter S. Thomson, auquel justement j’ai consacré dernièrement un article enthousiaste à sa biographie graphique. Une fameuse BD que je vous recommande chaleureusement : http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article9326
Tout ça pour dire qu’il est pratiquement impossible d’adapter de tels auteurs si hauts en couleur, dont la littérature ne se traduit ni en BD ni en films. A ce propos, même le génial Terry Gilliam cinéaste et dessinateur de géni s’y est cassé le bec avec son « Las Vegas parano » véritable trip hallucinogène et célèbre roman de Hunter S. Thomson. Alors à plus forte raison, adapter un roman de Bautigan. Je vous rassure, Nicolas Dumontheuil ne s’y est pas trompé, lui non plus. Il s’en est juste inspiré. Il nous confia que les « westerns avant les années 1970 l’énervaient ». Que « la génération des westerns très cons, individualistes avec John Wayne », ce n’était pas sa chope de bière. Lui préfère renverser une nouvelle fois les codes pour notre plus grand plaisir. Ainsi, on trouve un héros tueur qui ne peut plus tuer ni tirer des coups, pour raison sexuelle. Bye bye les attributs habituels du cowboy, il est relégué au viagra et aux personnages « bas de plafond, pas très intelligents », comme il aime à les désigner. L’action se situe au 19 eme siècle, et même sous ses airs loufoques, Nicolas ne se gêne pas pour évoquer le génocide indien. Le héros a un pote noir et on retrouve aussi un héros métis indien de bon aloi.
Pour info, l’intégrale est parue le 16 novembre 2017 à un prix modique, si son éditeur me lit, qu’il sache que je serai honorée de la recevoir en service de presse et prendre mon pied à la chroniquer.

Il nous conta aussi « Le Landais volant », une saga invitation au voyage. Personnage imaginaire basé à Cadillac, « une BD pour les parisiens » avec le sourire en coin de Nicolas pas vraiment chauvin. D’autant que le héros à particule toujours prompt à philosophie s’extasie : « La vie c’est comme le MASCARET, si on rate la marée, il n’y a pas d’autre vague » (page 8 du « Landais volant » 1 conversation avec un margouillat). Une réponse en quelque sorte à l’appel du pied des éditions Casterman et ses très sérieux récits de voyage, qu’il a toujours refusés. Il préférait conter « un personnage qui ne comprend rien ». Un baron qui a une autre idée de lui, un aristo moitié paysan foireux, qui a l’art de bien se comporter avec les gens, mais de façon très maladroite. Nicolas confit qu’il a le gout du voyage et qu’il s’inspire de ses périples. Non pas, à la manière des touristes basiques qui partent lors d’une courte durée pour uniquement se dépayser. Lui peut raconter en les détournant « des trucs qui se sont passés mais que je n’ai pas compris ». Il en profite pour accentuer le trait. Le mélange des genres entre les parties vécues et inventées rendent crédible les récits.

L’Amérique du Sud, la navigation à la voile, un séjour humanitaire… Tous prennent trait d’humour à sa table de travail et j’avoue que les zygomatiques se sont embellis de mon plus merveilleux sourire à chaque page.
Remarque importante, autant ses dessins sont léchés dans le sens du poil, autant on se poile à lire ses dialogues et légendes toujours bien senties et d’une langue alerte qui chatouille là où c’est bon.
Il a évoqué avec enthousiasme pour ces albums sa complicité avec Isabelle Merle coloriste de talent de Bordeaux.

Il a convoqué Arto Paasilinna, célèbre écrivain finlandais qu’il suit depuis 20 ans, et pour lequel il a adapté librement « La forêt des renards pendus » en 2016, roman graphique en noir et blanc. Des personnages incongrus qui n’ont rien à voir les uns avec les autres et se rencontrent autour de l’appât du gain. Du style : un braqueur qui se présente comme bibliothécaire
ou un militaire qui se dit chercheur d’or, alors qu’il lorgne sur des lingots.
Ce huis-clos se situe dans une cabane dans la forêt. Line Renaud dans sa Peugeot peut bien tirer la chansonnette de « Ma cabane au Canada ». Elle chante faux, comme les personnages de la génération des polars scandinaves actuels souvent très constipés, trop constipés, dont ne se réclame surtout pas Nicolas.

Plus sérieux, « La colonne » en deux tomes parus entre 2013 et 2014 raconte l’ultime expédition punitive française au Tchad en 1899 qui orientera ses massacres à ciel ouvert et par trop oubliés. Inspiré de faits réels autour du capitaine Boulet (le bien nommé) et son adjoint Lemoine (idem !), Nicolas flanqué de Christophe Dabitch au scénario parviennent à rendre compte de cet événement sur un ton d’humour noir macabre très réussi, par la voix d’un tirailleur survivant qui dialogue avec l’esprit de la colonne. Nicolas, à ce sujet, se revendique dans le même ton grave et l’humour du film « La victoire en chantant » de Jean-Jacques Annaud.
L’heure tournait trop vite et les estomacs commençaient à gargouiller… C’est alors que Nicolas évoqua son dernier album publié en 2017 : « La longue marche des éléphants ». Il s’agit d’une commande par une association qui se bat pour la préservation des éléphants.
Mao peut bien s’égosiller les arpions et chanter avec l’ami Boris Vian : « Moi j’prèfère la marche à pied » … A raison de 20 km par jour au Laos sur un parcours de 600 kms dans des conditions très difficiles, Nicolas a accompagné une caravane pachydermique. Il faut savoir que l’éléphant est un animal sacré au Laos au point d’incarner l’emblème du pays, mais il risque de disparaitre au même titre que la forêt, son milieu de vie. Il se partage l’album avec Troubs, un sacré voyageur de l’impossible qui œuvre généralement en solo, alors que Nicolas aime voyager accompagné. Les deux récits se complètent harmonieusement à travers l’évocation de cette expérience.
Nicolas a tonné sa révolte légitime et en connaissance de cause, contre la mesure de Trump de pousser à la réouverture de la chasse à l’éléphant pour l’exploitation de l’ivoire.

Enfin, Nicolas a évoqué son prochain album, un conte pour adulte toujours sur le registre du farfelu.
Un grand merci pour sa présence chaleureuse.
Un grand merci aussi à l’association BDM 33 pour l’organisation de ce resto BD et longue vie à elle et bonne continuation.

A suivre l’interview de Gilles et Marika dans une prochaine rubrique « Gens du Médoc » et toc !