"Les Bonobos" ou comment les singeries de Laurent Baffie s’avèrent être de l’audacieux théâtre comique.

"Les Bonobos" ou comment les singeries de Laurent Baffie s'avèrent être de l'audacieux théâtre comique.

Laurent Baffie a longtemps été, publiquement, un personnage atypique de la télé, faussement méchant, provocateur froid, sniper cynique des mécaniques télévisuelles. Mais Laurent Baffie a toujours été, parallèlement, un auteur, un inventeur quand il écrivait pour le petit écran, pour des programmes courts ou des scénarios de film ou lorsqu’il a commencé à faire du théâtre. Aujourd’hui, force est de constater qu’avec "Les Bonobos", actuellement à l’Affiche du Théâtre du Palais Royal, il est devenu un Auteur à part entière, excellant dans le genre pas facile, exigeant et casse gueule qu’est le Théâtre comique.

"Les Bonobos" est pour Baffie une pièce "Humaine" qui met en scène un fait sociétal connu, et pourtant jamais représenté au théâtre ou à l’écran, du moins en tant que sujet principal : la sexualité des handicapés.
Dans un monde d’apparence, de capitalisme sexuel, de désir tous azimuts, les handicapés sont les oubliés de l’Amour et doivent se rabattre, par défaut, vers des relations tarifées. C’est le point de départ des Bonobos.

Baffie est parti de la représentation des "singes de la sagesse", symbole représenté par trois singes, dont chacun se couvre une partie différente du visage avec les mains : le premier, les yeux ; le deuxième, les oreilles et le troisième, la bouche. Ils forment une sorte de maxime picturale : « Ne rien voir de mal, ne rien entendre de mal, ne rien dire de mal ». À celui qui suit cette maxime, il n’arrivera que du bien.

Baffie "humanifie" ces trois singes en trois copains d’enfance qui se sont rencontrés dans une école d’handicapés et qui vont unir leur énergie pour "caster" en speed dating trois femmes et ainsi espérer avoir des relations "normales" avec elles, des relations basées sur l’amour et le désir,et ce, en masquant leurs handicaps, dans un premier temps, pour ne pas les faire fuir.

Laurent Baffie n’a pas choisi un sujet simple, et son traitement subtil, sans pathos et avec une grande tendresse est une réussite totale.
Jamais aucun rire (nombreux) du public n’est honteux. On ressent presque une délivrance à rire sans se retenir de ces sujets tabous dont personne n’ose faire le prétexte d’une pièce comique.

Tout est dans le traitement. On peut rire de tout mais pas n’importe comment. Baffie ne rit pas du Handicap, il rit des situations mais cela va plus loin que cela, car il construit une vraie pièce sociale qui donne du sens, nous interroge sur notre propre rapport au handicap et à la maladie ou la Différence.
Du coup, à sujet scabreux, difficile et casse-gueule, la pièce n’en est que plus audacieuse, inventive, délirante et unique.

Fort de ses expériences télé, de sa bonne connaissance des médias et du cinéma, Baffie apporte un vent fais au théâtre comique.
Baffie, l’angoissé, le pudique, le gentil moqueur, l’expérimentateur, cherche, essaye, innove et prend des chemins nouveaux pour nous faire rire.
Combien sont-ils ceux qui au théâtre français aujourd’hui sont vraiment des auteurs qui inventent un style, une écriture, et nous apporte quelque chose de foncièrement nouveau ? Pas tant que cela, mais Baffie en est.

A partir de cela, il invente un monde à son image. Tout est pensé au millimètre : chaque costume, chaque morceau du décor, chaque réplique.
Il y a des trouvailles de mises en scène et d’écriture jubilatoires, des procédés vidéo qui servent le récit, un rythme, un amour du comédien et une mécanique qui fait qu’on ne regarde pas sa montre, on ne tweete pas, on ne facebooke pas pendant la pièce. On est pris par l’intrigue, le jeu, on rit, on pense, on s’émeut et passe un très, très bon moment.

Pièce chorale, presque familiale où le directeur et l’ administrateur du théâtre jouent des Guest sympathiques. Baffie s’est entouré de copains mais aussi de comédiens qu’il ne connaissait pas pour servir un spectacle d’1 heure 40 qui tient ses promesses.

Marc Fayet est tellement juste en aveugle qu’on se demande s’il n’est pas réellement non-voyant. Jean-Noël Brouté, en sourd sympathique campe à merveille le bon copain malin et frondeur. Caroline Anglade, l’atout beauté, triomphe dans son rôle de blonde avec cerveau, qui, en fin limier, fera tomber les masques. Camille Chamoux, pétillante à la gouaille charmante, tire bien son épingle du jeu en nunuche coincée qui va devenir femme de manière assez inattendue ; et Karine Dubernet, en Flikette camionneur amoureuse des malinois, offre un jeu puissant, drôle et qui sert magnifiquement la pièce.


Au plus près de "LES BONOBOS" de Laurent Baffie par fvignale

Les décors de Stéfanie Jarre sont une oeuvre d’art à part entière. Sincèrement, on ne peut que vous encourager à aller vérifier par vous-même que Laurent Baffie est bien devenu un auteur de Théâtre à part entière et qu’il va falloir désormais compter avec lui et avec son sens inné de l’innovation, de la trouvaille. Son regard sans concession, sensible et unique fait un bien fou. Laurent Baffie partait avec un handicap certain, en tant que mec de la télé... le handicap est devenu une force théâtrale majeure...

Une comédie écrite et mise en scène par Laurent Baffie.
Avec Laurent Baffie en alternance avec Alain Bouzigues. Marc Fayet, Jean-Noël Brouté, Caroline Anglade, Camille Chamoux, Karine Dubernet.

Décor : Stéfanie Jarre. Directeur de Scène : Serge le Malefant.

http://www.theatrepalaisroyal.com

LOCATION : 01 42 97 4000