Rencontre avec Rémy Julienne

Rencontre avec Rémy Julienne

Rémy Julienne est sans doute le plus grand cascadeur de l’histoire du Cinéma. Il est un modèle pour toute la profession.

Son travail "artistique" a inspiré le 7èm Art durablement. Certaines de ses cascades sont cultes, il a pendant plus de 40 ans été "LE Monsieur Cascades" des plus grands succès du Cinéma Français et aussi mondial en participant à de nombreux James Bond par exemple.

Rencontre avec un homme délicieux, attachant, qui, à 77 ans, a gardé la passion intacte dans ses grands yeux ouverts sur le monde. Entretien avec un modeste qui mérite toute notre reconnaissance de cinéphiles.

1. Comment êtes-vous arrivé dans le milieu du Cinéma Rémy Julienne ?

J’ai débuté ma carrière de cascadeur dans le film "Fantômas" en 1964 avec Jean-Marais et Louis de Funès. J’avais été recruté par le responsable des effets spéciaux du film, Gil Delamare, car j’avais été champion de France de moto-cross.
J’ai participé ensuite à plus de 1200 tournages en France et à l’étranger. Depuis 40 ans je n’ai jamais cessé vraiment de travailler.

2. Est-ce que vous vous rendez compte à quel point vous avez marqué la mémoire collective et réjoui les amoureux du Cinéma ?

J’ai toujours eu "le nez dans le guidon" comme on dit et pas vraiment de recul sur tout cela car j’ai enchaîné tournage sur tournage. C’est un métier passionnant mais prenant où il faut être très concentré, travailleur, pyschologue et patient.

J’ai toujours été très exigent avec moi-même et j’ai toujours conçu mes cascades comme des chorégraphies avec un grand sens de l’esthétique et surtout de la vraisemblance. J’ai toujours essayé de faire des cascades les plus naturelles possibles.

3. Vous avez traversé l’âge d’or du Cinéma français, côtoyé de grands acteurs et réalisateurs...

Oui j’ai eu beaucoup de chance, celle notamment de travailler avec Verneuil, Belmondo... et puis surtout quelqu’un que j’ai tant admiré et qui fut un immense réalisateur, Sergio Léone.

Il faut savoir que mon travail de cascadeur s’imbrique vraiment avec celui du réalisateur et/ou du scénariste. Dans certains films le rôle des cascades fut essentiel et du coup j’ai presque la paternité de quelques moments de cinéma, ce n’est pas rien de participer à de telles aventures.

4. Vous avez participé à plusieurs James Bond... pour un "petit" français c’est extraordinaire...

Oui un jour j’étais en Grèce avec Verneuil et la Production anglo-américaine des James Bond m’a contacté un peu énervée en disant qu’elle essayait de me joindre depuis une semaine et qu’elle avait eu du mal à me trouver.

Ils m’ont dit que c’était très embêtant car c’était un sacré honneur que d’être choisi par eux et qu’il fallait vite conclure un accord (rires).

Je me suis platement excusé de ce cafouillage de calendrier et j’ai été engagé par cette machine incroyable que sont les James Bond.

J’ai eu d’ailleurs un Award aux USA pour un épisode du super agent secret, "Rien que pour vos yeux", et c’était une belle récompense.

5. Est-ce que vous avez vu certaines de vos cascades copiées dans d’autres films ?

Oui ça m’est arrivé plusieurs fois et lorsqu’on voit cela au Cinéma ou à la télé, on oscille entre deux sentiments contractoires : on est à la fois énervé et flatté d’être ainsi copié.

J’ai vu une de mes trouvailles originales avec une voiture coupée en deux ainsi pompée dans un film de Gérard Oury... c’est un exemple parmi d’autres.

6. Non seulement vous avez participé à de très grands films devenus cultes mais vous avez diversifié très largement votre activité...

Oui parallèlement à mon activité cinématographique, j’ai été, avec mon équipe, contacté par Disneyland Paris pour mettre en place l’attraction "Moteurs, Action !" (qui est une des préférées du parc selon une enquête de satisfaction auprès du public).

Dans ce spectacle, on assiste à l’enregistrement des cascades d’un film imaginaire dont l’action se situe dans un petit village du sud de la France. Présenté depuis 2002, le spectacle est maintenant proposé au Disney-MGM Studios en Floride.

Je travaille en famille avec mon fils Dominique et mon petit-fils David, ce sont eux la relève.

J’ai également aidé la Justice afin de résoudre des questionnements dans la célèbre affaire Rézala, notamment en reconstituant la chute d’un corps projeté d’un train. Mes conclusions ont fait progresser l’enquête. C’était une collaboration très intéressante.

7. Suite à un accident qui avait endeuillé le tournage du film Taxi 2 en 1999, Bernard Grenet , producteur exécutif pour EuropaCorp et vous êtes poursuivis par la Justice. Je crois savoir que cet incident a été, et continue d’être, très douloureux pour vous...

Oui. Mes problèmes de santé ne sont pas étrangers à cette affaire. Je me bats avec mon avocat pour que la vérité triomphe.

Depuis 1999, j’ai été très fragilisé par les conséquences de ce tragique accident. Je suis un battant et j’ai bien l’intention d’être lavé de toute accusation car j’ai toujours fait preuve de responsabilité dans mon travail.

J’ai toujours essayé dans toute ma carrière de prendre le moins de risque possible, de tout prévoir et très honnêtement je sais que je ne suis pas responsable de ce dont on m’accuse et je le prouverai, c’est très important pour moi.

8. Le fait d’avoir participé à toute cette vie de cinéma, cela ne vous a jamais donné l’envie de tourner vous-même un film en tant que réalisateur ?

Oui ça a failli se faire plusieurs fois, j’avais envie de passer de l’autre côté, des gens étaient prêts à me faire confiance et j’aurais eu de grands acteurs comme Jean-Louis Trintignant... mais ça ne s’est pas fait et je le regrette.

9. Je vous laisse le mot de la fin cher Rémy Julienne...

Merci à tous ceux qui m’ont soutenu ces dernières années et qui m’ont fait part de leur sympathie, fidélité, amitié et amour. Ce qui m’a toujours intéressé dans mon métier c’était la technique bien sûr mais surtout le facteur humain et les merveilleuses rencontres que j’ai pu faire depuis plus de 40 ans !