Affaire Johnatann Daval : "Je voulais qu’elle se taise" de Randall Schwerdorffer et Frédéric Gilbert

Affaire Johnatann Daval : "Je voulais qu'elle se taise" de Randall Schwerdorffer et Frédéric Gilbert

Voilà un livre rare, important et pertinent concernant ce que les Média ont appelé "l’Affaire Daval," sans doute le fait divers puis l’affaire judiciaire et pénale les plus commentés depuis le meurtre sordide du petit Gregory en France.
C’est un livre courageux, pertinent et bien mené qui, avec intelligence et tact, raconte "l’autre Affaire Daval", celle que les Média, journalistes et commentateurs ont eu vite fait de caricaturer, de simplifier et d’analyser avec les mauvais outils critiques, beaucoup trop de moral, d’affect, des jugements à l’emporte-pièce et même les mauvais mots de lexique et vocabulaire. C’est aussi malheureusement un livre qui fera débat et certainement scandale auprès de celles et ceux qui ne voient Johnatann Daval que comme un monstre sans pitié, un meurtrier ou un homme qui aurait perpétré un "féminicide". Ainsi le journaliste Frédéric Gilbert et le désormais célèbre avocat de Johnatann Daval offrent une autre voix et d’autres pistes de réflexion(s) sans défendre aveuglement Daval, sans l’excuser ni minimiser son geste mortel, mais en apportant des nuances, une contextualisation nécessaire et une humanité un peu vite oubliée dans ce dossier bien trop et mal médiatisé. A lire absolument.

Présentation de l’’Editeur :

La tragédie amoureuse d’Alexia et Jonathann Daval.

Le 28 octobre 2017 au matin, Jonathann Daval, un jeune homme discret, entre à la gendarmerie de Gray, une petite commune de Bourgogne. Il vient signaler la disparition de sa femme, Alexia, âgée d’une trentaine d’année. Jonathann raconte que ce matin-là, Alexia est partie faire son jogging et n’est pas revenue.
Dès le lendemain de la disparition, l’affaire fait déjà la Une des journaux, régionaux et nationaux ! C’est lors d’un séjour à la Guadeloupe que l’avocat Randall Schwerdorffer apprend qu’il est désigné pour défendre les intérêts de Jonathann Daval. Il est choisi parce qu’il est à la tête du plus gros cabinet pénal de la région et a déjà une solide réputation, y compris auprès des médias nationaux. Il va défendre Jonathann tout a long de la procédure et jusque devant la cour d’Assises et les médias.
Jonathann Daval a raconté aux gendarmes que la veille au soir, son épouse et lui s’étaient battus en rentrant d’une soirée chez les parents d’Alexia. Alexia a voulu faire l’amour avec son mari et Jonathann savait que son impuissance allait l’en empêcher. Il repousse Alexia et a essaie de fuir. Alexia le rattrape dans l’escalier du garage pour l’empêcher de quitter la maison. Elle commence à lui griffer un bras, à lui mordre l’autre : les griffures, les morsure, profondes sont enregistrées dès la première audition et sont prises en photo. Avant même qu’on découvre le cadavre d’Alexia, Jonathan apparait comme le suspect N°1 ! Ce n’est qu’après la découverte du corps d’Alexia, 3 jours plus tard, qu’il bascule dans le déni et apparait comme un monstre, menteur, pervers et manipulateur.
Fou d’amour l’un pour l’autre, mais pas fait pour vivre ensemble, le couple modèle se délite jour après jour jusqu’au drame que personne n’a vu venir. La presse qui a abondamment couvert l’affaire Daval avec des milliers d’articles et d’émissions, n’a pratiquement jamais abordé le dossier sous l’angle de la tragédie amoureuse.
En analysant l’affaire Daval sous l’angle de l’amour permet de comprendre comment et pourquoi celle-ci est devenue en quelques jours le fait divers le plus médiatisé de ces 20 dernière années,et on comprend mieux aussi comment l’affaire Daval a pu se démarquer des 109 autres affaires de féminicides que la France a connue en 2017.

Notre avis :

Ce livre est un ouvrage rare qui ,par les temps qui courent, témoigne d’un grand courage intellectuel et d’une volonté farouche d’exprimer des vérités même si elles sont dérangeantes ou inacceptables pour la bien pensance et le politiquement correct. Ainsi il n’est pas facile à l’heure des #metoo, des #balancetonporc, des mouvements féministes misandres et moralisateurs de faire un livre bienveillant mais pas complaisant sur un homme qui, et personne ne le nie ni son avocat, ni son auteur, a bel et bien tué sa femme dans un acte violent et totalement inexcusable et irréparable.

Toutefois les auteurs qui fort judicieusement nous racontent que Johnatann Daval ce n’est pas le parcours tragique d’une homme sans histoires mais sans problèmes, ce qui n’est pas la même chose ont décidé de tordre le cou aux clichés et aux jugements erronés. Non Johnatann n’avait pas prémédité son crime, non ce n’était pas un homme violent, non il n’avait jamais levé la main sur sa femme, non Alexia n’est pas victime d’un Feminicide, le terme est impropre, il s’agit d’un fémicide ou encore plus justement d’un uxoricide. L’uxoricide (du latin uxor : « épouse » et -cide, de caedere : « couper, tuer ») étant le meurtre d’une femme par son conjoint ou son compagnon. Le terme peut désigner aussi bien l’acte lui-même que la personne qui le commet.

Les auteurs passent au peigne fin cette histoire qu’on croyait connaitre parfaitement, de la genèse médiatique au procès, à la condamnation du coupable, mais aussi en racontant la genèse du couple et l’itinéraire personnel et professionnel des avocats de Johnatann, et en premier lieu de Randall Schwerdorffer, co-auteur de cet ouvrage.

On apprend beaucoup de choses dans ce livre qui se lit très facilement et qui permet de mieux comprendre le fond de l’affaire, ses tenants et ses aboutissants. C’est ainsi que les auteurs font des comparatifs avec l’affaire Jubillar qui de manières tout à fait fortuites ont été mises en parallèle alors qu’elles n’ont rien à voir.

Très bien documenté, ce livre touche juste, cherche une vérité plus subtile, plus étayée, plus précise que les caricatures et les mauvaises interprétations des journalistes. Ainsi par exemple le livre détruit le mythe d’un homosexuel refoulé comme on l’a beaucoup lu ou entendu mais aussi cet autre mythe qui voudrait que jamais les femmes ne soient violentes, manipulatrices, menteuses ou hystériques. L’Affaire Daval est symptomatique d’un climat politique et culturelle, d’une dérive des médias et de la Justice vis à vis des affaires dites de violences conjugales. Ainsi le pénal punit différemment le meurtre sur conjoint qu’on soit un homme ou une femme. A acte égal une femme qui tue son mari prend dix ans de prison en moyenne et un homme 25 ans.

Ce livre au style enlevé, dynamique et jamais redondant ou ennuyeux, commence avec en exergue cette citation qui sert de fil rouge pendant tout le récit. "La Justice n’est pas faite pour plaire ou pour déplaire, elle est faite pour être juste". Tout est dit. Forcé de constater que malheureusement pour des raisons conjoncturelle Johantann Daval n’a pas seulement été jugé et condamné stricto sensu pour ce qu’il a fait ou commis mais pour d’autres choses qui n’ont rien à voir avec le Droit pénal. Ce livre rend un peu d’humanité à cet homme qui purge sa longue peine et qui a perdu l’amour de sa vie, qui a menti publiquement, certes, mais avec une sincérité déconcertante qu’on ne peut nier.

La trop célèbre Affaire Daval méritait bien cet autre regard plus humain et digne que ce qu’a été un grand déballage médiatique qui n’a voulu voir qu’un monstre monstrueux et rien d’autre.

JE VOULAIS QU’ELLE SE TAISE, la tragédie amoureuse d’Alexia et Johnathann Daval, Hugo/ Doc. 238 pages.