L’histoire de la franc-maçonnerie s’expose à Paname !

L'histoire de la franc-maçonnerie s'expose à Paname !

La Bibliothèque Nationale de France (BnF) et le musée de la franc-maçonnerie proposent deux expositions parallèles en 2016. Avec au moins 450 objets et documents pour la première, elle décode les rites et symboles de la franc-maçonnerie depuis ses débuts, il y a trois siècles. Elle nous nous révèle ses contributions tant sociales, politiques culturelles et philosophiques, mais aussi ses heures sombres sous le régime de Vichy. Dans la seconde, c’est autour de la figure des Templiers, entre légende et histoire que s’ouvrent les champs d’investigation. Quand la franc-maçonnerie se dévoile à nu pour tous les publics un peu curieux, c’est tout un nœud de préjugés qui saute au grand jour dans les allées de ces deux exposions très riches et didactiques.

Sitôt que la franc-maçonnerie, mot tabou est lâché, les langues se délient dans tous les sens. Qui bavent aussi bien du côté des domaines des sociétés secrètes, l’affairisme politique et commercial par le jeu du renvoi d’ascenseur jusqu’au au complot franc-maçonnique, Les médias, en manque de sensationnel pour épater les gogo blasés, racolent chaque année le marronnier putatif. Rarement des propos constructifs pour contrer ces critiques, si faciles du fait de manque d’information sur le sujet, ne transpirent. Pour cause, la franc-maçonnerie ne se présente jamais à visage découvert et forcément, sous le secret, elle sécrète toutes les supputations possibles et imaginables à son encontre.
C’est aussi pourquoi, ces deux expositions ont été cherchées, dans le lointain passé jusqu’à une époque contemporaine des documents encore jamais exposés la plupart au public pour les offrir à la réflexion de leurs visiteurs. Elles me semblent bien venues et pertinentes, pour peu que l’on sache user de son esprit critique et se créer sa propre opinion sur le sujet.

Encore une fois, ce n’est pas un hasard si justement la BnF propose une telle exposition. Puisque en son sein, elle recèle déjà une des plus grandes collections de documents maçonnique au monde. Sur près d’un kilomètre linéaire, les archives protégées et bichonnées couvrent la période entre 1735 à notre proche actualité. Auxquelles s’ajoutent des pièces uniques prêtées par la British Library et la Grande Loge d’Écosse.

La franc-maçonnerie apparaît à l’orée du siècle des Lumières. Et plus précisément autour des chantiers des cathédrales au Moyen-Age. Ces corps de métier experts dans leur art ouvriront les premiers à la culture de l’humanisme avant celle de l’honnête homme.


Visuel : (Le texte fondateur de la franc-maçonnerie moderne : The constitutions of the Free-Masons, James Anderson, 1723, Dpt des manuscrits, BnF)

Les origines mystérieuses en Angleterre de la franc-maçonnerie remonteraient autour du XVI et XVIIe siècles. Comment une confrérie de maçons et de bâtisseurs s’est transformée en société d’échanges et de rencontres ? Auxquels s’adjoignirent des étrangers aux métiers du bâtiment. Sous le qualificatif de maçons « acceptés » ou « spéculatifs », ils se représentaient. On distingua vite l’évolution avec leurs aînés dits maçons « opératifs » : ceux qui taillaient la pierre. Parmi les documents en présence, l’alchimiste Elias Ashmole, qui aimait écrire, nous propose la lecture de son initiation en 1645.

En France, la franc-maçonnerie serait née en 1725 dans l’aristocratie puis la bourgeoisie, creusant ses racines dans l’Ancien Régime. Elle s’implanta dans les grandes villes, dont Bordeaux où des marins et négociants fondirent la Loge « L’Anglaise » en 1732. A l’aune de l’esprit des Lumières, les Franc-maçon célébrèrent la vertu de l’égalité.

La célèbre loge des « Neufs Sœurs » fondée en 1776 rassembla ce qui comptait l’élite du « parti philosophique ». L’exposition présente un certificat de la loge signé par Benjamin Franklin. Voltaire entre ses voyages confortables à la cour des monarques d’Europe la fréquenta également. Cette même loge eut quelques influences sur l’émergence de la Révolution française.

La dimension symbolique et initiatique de la franc-maçonnerie transparaît dans tous les pores de son esprit, comme des codes entre initiés. Les rites à travers la médiation des symboles s’illustrent par le truchement des « Tableaux de loges » présents eux aussi lors de cette exposition ainsi que d’autres pièces relatifs aux tenues maçonniques où les tabliers, bijoux, outils maçonniques... fleurissent. On retrouve de nos jours la reproduction des rites maçonniques fixés au XVIIIe siècle tels le Rite-Français, Rite Écossais Ancien Accepté, Rite Écossais Rectifié, Rite Suédois.... dont vous aurez un aperçu dans ses représentations.

La devise de la franc-maçonnerie comme celle qui est inscrite au fronton de nos mairies est : liberté égalité fraternité. Outre l’étude des symboles, la franc-maçonnerie ne s’est jamais coupée de la société du monde réel. Elle défend les valeurs de sa devise.
Lors des événements marquants des révolutions de 1830 / 1848 / 1870, la franc-maçonnerie s’émancipa d’un libéralisme philosophique bon teint pour entrer dans un militantisme républicain et laïc. Ainsi, de nombreux francs-maçons combattirent sur les barricades pour la liberté et le seuil des écoles ouverts à tous les enfants du peuple durant la Commune de Paris.

Fière de mes origines africaines, en tant que Singette qui en jette, j’ai découvert que Victor Schœlcher fut franc-maçon (je l’ignorai). Il fut l’un des principaux artisans de l’abolition de l’esclavage (je le savais).

Les noms des fondateurs de la troisième République apparaissent également, tels Gambetta, Jules Simon, Jules Ferry. Quoique que pour ce dernier, ses visions colonialistes le desservent ! Trois grands axes en direction du progrès ponctuaient leurs travaux en loge : la science, l’école et le suffrage universel. A la suite de quoi émergea au grand jour l’école laïque gratuite et obligatoire sous l’égide de Jules Ferry, mais aussi l’institution du Code du travail issu au maçon Arthur Groussier. Mais pas seulement ! Il s’investit dans la loi de 1901 sur les associations mais aussi les lois de progrès social qui touchaient à la fois les accidents du travail, l’hygiène et la sécurité des travailleurs, les conditions collectives. C’est à son initiative que les femmes obtinrent pour la première fois le doit de siéger aux Conseils de Prud’hommes. Il doit se retourner dans sa tombe devant les événements liberticides qui concourent à imposer un nouveau Code du travail anti-démocratique au service du Medef. Sans oublier la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat dont Emile Combes fut l’un des investigateurs.

Pour contrecarrer cette franc-maçonnerie active concrète dans l’application de ses concepts humanistes, apparut l’idée de complot.
Dès le XVIIIe siècle l’antimaçonnisme est né en France. Les flics zélés du roi visitèrent à leur manière musclée les premières loges. A tel point qu’elles furent considérées comme opposées à la monarchie au risque d’être interdites. Le gouvernement du cardinal Fleury entre 1726 et 1743 mit tout en œuvre pour débarrasser le plancher de la franc-maçonnerie et de ses représentations. Il l’identifiait aux jansénistes opposés à la monarchie absolue. Il craignait particulièrement les personnes évoluées douées de raison et de liberté de conscience. S’en suivirent une série d’excommunications de francs-maçons promulguée par le pape.

Au XIX e siècle, du fait des affinités affirmées entre les francs-maçons et le courant libéral et républicain, les monarchistes et catholiques peu jouasses marquèrent leur désappointement. La promotion de la laïcité et l’égalitarisme républicain dégainèrent contre les esprits obtus.

Au XX e siècle des associations militèrent ouvertement contre la franc-maçonnerie. Le fantasme du « complot judéo-maçonnique » développa ses arguments. Tour à tour, le « Comité antimaçonnique », la Ligue franc-catholique » mais aussi des revues comme « La franc-maçonnerie démasquée » et la « Bastille antimaçonnique » saillirent leur dard pour toucher l’opinion publique. Le régime de Vichy poussa à son paroxysme sa haine de la franc-maçonnerie dans l’idée du « complot judéo-maçonnique ». Le 13 août 1940, Vichy décréta les « interdictions secrètes » et toucha de plein fouet les activités des francs-maçons qui ne purent plus exercer leur droit d’association dans leurs temples.

Culturellement, les francs-maçons ont essaimé au sein de différents arts, de Mozart à Hugo Pratt l’auteur de BD qui met en scène Corto Maltese, en passant par Rudyard Kipling et bien d’autres.

D’autres encore s’inspirèrent des thématiques franc-maçonnes. De Tolstoï noble russe qui libéra ses paysans du servage, Gérard de Nerval qui rima haut la symbolique et l’ésotérisme dans le « Voyage en Orient », Georges Sand qui aimait à nommer les francs-maçons comme des « Invisibles ». Depuis, cette notion a évolué en sociologie au point de désigner comme « invisibles » les laissés pour compte de l’économie capitaliste et les reléguer à l’ombre, pour ne pas trop salir les centres des villes de leur présence néfaste aux commerces. Tout un symbole encore une fois d’une société en mauvaise santé qui privilégie l’avoir sur l’être.

En BD : « Fraternité » a de beaux jours devant elle : http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article8714 et http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article8962 .
Sans compter la saga de Marcas commissaire trois points et j’en passe...
http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article9006

Vous aurez une idée vaste et assez absolue de la franc-maçonnerie en parcourant les différents espaces que la BnF lui consacre, lors de cette exposition. De la quête des origines, à l’initiation, rites et symboles, la franc-maçonnerie au service des idées nouvelles jusqu’à l’imaginaire maçonnique. Panorama complet ou presque !

Au musée de la franc-maçonnerie du Grand Orient de France, les Templiers sont à l’honneur. Quel rapport me direz-vous entre francs-maçons et Templiers ? Bonne question et je n’en savais fichtre rien avant ! « De la légende à l’histoire », comme dans l’intitulé de cette exposition, quel vaste programme ! Depuis la mort rôti vif sur le bûcher de Jacques de Molay, dernier Grand Maître des Templiers, on aurait pu penser que l’ordre des pauvres chevaliers du Christ allait rendre ses armes. Pas si pauvre que ça finalement, puisque le roi et toute sa clique de parasites mit la main sur le butin des Templiers, alors que le peuple n’avait pas un quignon de pain pour se nourrir. C’est du moins une hypothèse plausible parmi tant d’autres, concernant le motif d’éradication des Templiers par la royauté.
Quatre cents ans ont passé, le mystère demeure et la littérature le cinoche, les magazines se sont emparés du phénomène et en charrient leur crème.
Il s’avèrerait que des groupes secrets se réclamèrent de l’ordre du Temple. Certains survivants se seraient réfugiés en Ecosse, terre promise pour la naissance de la franc-maçonnerie… Le mythe était né.
Il existerait donc une franc-maçonnerie templière. Certains textes exposés en attestent. Tel le manuscrit enluminé de la « Stricte Observance Templière » allemande, en date de 1775, mais aussi des objets rituels, épées, bijoux et tabliers maçonniques, mais encore des manuscrits ésotériques. De quoi alimenter le mythe et qui sait aussi restaurer l’ordre du Temple. Du moins, il faut croire qu’un certain courant de la franc-maçonnerie s’en réclame. Ca se discute…Toujours est-il que cette exposition existe et pose carte sur table une question illustrée par des documents concrets, secrets et très rares.

Des billets jumelés lancent des ponts entre les deux expositions et sont proposés à un prix raisonnable pour toutes les bourses. Alors pourquoi se priver d’aller à la rencontre d’associations souvent très fermées qui se réclament de la fraternité et vous ouvrent leurs portes !


Franc-maçonnerie, BNF, du 12 avril 2016 au 17 juillet 2016
http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/expositions/f.franc_maconnerie.html

Templiers et francs-maçons : de la légende à l’histoire, du 12 avril au 23 octobre 2016, Musée de la franc-maçonnerie, 16 rue Cadet 75019 Paris
http://www.museefm.org/

* Visuel de couverture : (L’apparition de la Reine de la nuit, (acte 1, scène 6) décir de C F Shinkel, 1819 pour la « Flûte enchantée » de Mozart, bibliothèque-musée de l’Opéra)