François Béranger conte l’écologie politique « Des rats zailés et des zhommes » !

François Béranger conte l'écologie politique « Des rats zailés et des zhommes » !

François Béranger chanteur libertaire, marqueur de plusieurs générations qui ont vibré sur ses chansons, se révèle aussi un excellent conteur. La preuve, son ouvrage « Des rats zailés et des zhommes » qui date des années 90 mais n’a hélas pas pris une ride est enfin édité. Il invente un langage, un monde catastrophique où seuls des enfants rats avec des ailes de mouette parviennent à survivre et à se révolter. Un conte fantastique, politique et écologique qui porte bien son nom sur des illustrations très réussies d’Emmanuel Blancafort, un ouvrage que je vous recommande chaleureusement pour contrer la tartufferie tarte à la crème de la COP 21 à « Paris lumière » !

François Béranger chanteur auteur compositeur… (1937 / 2003) a écumé les scènes militantes et ouvertes aux révoltes solidaires des années 1970 aux années 80 du siècle passé. Puis retour aux sources après une pause bien méritée dans les années 90 jusqu’à son dernier souffle fraternel (snif) en 2003.
Le Bartos enthousiaste quand il s’agit d’évoquer le François vous fait dire, qu’ado, il a réussi avec deux autres aminches de son bahut à faire passer sur les ondes de la radio officielle France Inter « Ma fleur », dans le cadre d’une émission de la bande à Claude Villers.
Sinon, les tours de chants et autres prouesses scéniques du Béranger toujours bien entouré ne sont plus à prouver, au point que son guitariste Alarcen, qui n’était pas un manche, lui volait parfois la vedette. Le Bartos, de la même génération que les grands enfants du François, en garde un souvenir enthousiaste et nostalgique. Et même que dans l’album en public de cette fameuse époque, on trouvait sur une face complète du disque le fabuleux morceau « Paris lumière » et que sur le CD il a été mangé. Il faudra qu’on m’explique !

Epoque de tous les courages musicaux et textuels où le son électrique faisait la nique aux voix de la chansonnette châtrée et où dans son sud-ouest l’ami Joan-Pau Verdier vibrait un album « Vivre » de la même verve !

Je pourrai noircir des feuillets à propos du sentiment d’amitié très fort que le Bartos m’a refilé concernant le regretté François Béranger, toujours très conscient et visionnaire, ne criant pas victoire au sacre de Tonton 1er. Le dernier souvenir en direct qu’il garde de lui, c’est la voix chaude et chaleureuse de François sur les ondes de radio libertaire dans une revue de presse quotidienne vraiment bath et vivante. Le François Béranger compositeur et jeteur de clés dans le film « L’an O1 » en 1973 chez Gébé et compagnie mais aussi dans « Les doigts dans la tête » en 1974 chez Doillon, éclaire aussi les différentes facettes de son talent.

En écoutant attentivement « Paris lumière », on comprend aussi aisément pourquoi le François a ressenti à un moment donné le besoin vital de se mettre au vert sur les sentiers de Provence, on the road again avec son âne Anakronik et Julie son perroquet.

Comment aurait-il réagi à l’arnaque généralisée, à l’hymne de l’écologie business, hydre du développement durable d’un système asphyxié, ce que « La Décroissance » appelle à juste titre « La Cop des malfaiteurs » dans son numéro d’octobre 2015 ? Ce qu’elle désigne comme « le nouveau cirque politico-médiatique pour vider l’écologie de son caractère subversif » (page 2 et 3, in « l’écologie bouée de sauvetage du système »)

J’en viens forcément au conte fantastique, politique et écologique « Des rats zailés et des zhommes » écrit dans les années 90 par un François Béranger forcément à la vision prémonitoire. Il est édité chez Lemieux et illustré par Emmanuel Blancafort. Clin d’œil au roman de Steinbeck « Des souris et des hommes » publié en 1937 pour la liaison en z et la résonance de l’engagement subversif de son auteur ? A vous de voir !

Clin d’œil aussi en chanson de François Béranger par lui-même, je pense à ses « Oiseaux mécaniques », illustration sonore telle que je l’ai entendue quand j’ai lu son conte.

.

J’avoue, qu’au tout début de la lecture du conte, j’ai été un peu perturbée. Le François m’a emmêlé quelque peu les neurones avec tous ses mots inventés avec la racine carré en Z. Avec ses « Zhommes », ses « Rats-Zozios » les « Zenfants », les « zimages », les « Zines », les « Zvans » et autres. J’ai eu vite mon ratio.
Mais, mais et mais…. Il y a forcément une explication qui arrive sur son grand cheval, la grande Zorro en page 11. « Les zhommes aussi ont perdu leurs poils et leurs dents. C’est pour ça que tout le monde zozote ». Mais oui, c’est bien sûr.


Il existe plusieurs catégories de personnages qui hantent les pages. « Les Lukis étaient les heureux de l’afterre, les Nentils. Les autres, Les Pas-Lukis, les damnés de l’Afterre, avaient tiré une carte truquée ». (page 7) C’est le Min (ministère de l’Intégrité nationale) qui distribue par tirage le bon ou mauvais sort les bonkeurs aux Lukis.
Les images subliminales diffusées en permanence prennent tout leur sens comme forme d’endormissement des consciences et rêve éveillé, style page de publicité d’un monde merveilleux qui se voudrait joyeux. C’est pour mieux masquer la réalité infecte de la planète au bord de l’asphyxie. Sur des « grostas » fumants sont déversés tous les déchets toxiques.

Vous voyez, on s’y habitue vite avec ces drôles de zozos. François Béranger a inventé un langage compréhensible. Une fois qu’on a pigé le code, c’est un jeu d’enfants. Ca tombe bien puisque ce conte s’adresse autant aux petits qu’aux grands enfants que nous sommes toutes et tous.
Emmanuelle et Stéphane Béranger ses enfants justement nous expliquent le point de départ de ce conte. « Cette histoire, il voulait d’abord la raconter à ses petits-enfants, Léa et Alexis. Béber voulait juste leur dire : « Faites gaffe, c’est grave, la planète est en colère, occupez-vous d’elle, aimez-là et respectez là, elle doit nourrir, chauffer, donner de l’eau à tous, jeunes blancs, noirs, rouges vivant sur la terre qui pourrait être si jolie… »

Je vous rassure, François Béranger restait malgré tout optimiste. « Participe présent, je participe au présent » comme il le chantait. En écrivant ce conte qui défit notre proche réalité actuelle, François a écrit ce conte avec une once d’espoir pour les générations futures.
Une engeance mutante a réussi à vivre libre dans l’en-dehors. Elle se repaît des « grotas » et parvient même à se nourrir de ses fruits pourris en putréfaction de la société de consommation. Ce sont les Rats-zozios. « Les Rats-zozios aimaient parler. Ils étaient bavards ! Leur babillage était un mélange de langue bébé, de couinements, de petits cris auxquels s’ajoutaient des sifflements quand ils étaient en colère. Oh, ils n’étaient pas souvent en colère, ils étaient gentils entre eux. Ils se lissaient le poil, se nettoyaient les moustaches, se peignaient les plumes qui tombaient de leurs ailes. Ils en faisaient des colliers magnifiques pour les plus âgés d’entre eux qu’ils appelaient chefs même s’ils donnaient jamais d’autres ordres que : « On va à la mer ? » « On joue à cache-cache ? » « On dort » ? » (page 42).


Vos gueules les mouettes. Je ne vais surtout pas tout vous raconter d’où ils proviennent, le déroulé du conte et forcément sa chute. Vous aurez eu je pense un léger aperçu du style de François Béranger conteur. Lui, l’habitué du texte court en chansons, a bien mené sa barque dans ce conte qui tient la mer et les pages, au point de ne pouvoir le lâcher sans connaître la fin.

Un bel ouvrage textuel en plus illustré par Emmanuel Blancafort peintre et dessinateur de presse qui vit dans le Gers. C’est un voisin de mézigue. Même qu’en 2016, il est prévu la publication toujours chez le même éditeur Lemieux d’un ouvrage signé de sa plume. (A suivre comme on dit). Avec tous mes encouragements, puisque conquise, digne d’une marquise en pâmoison pour ses illustrations qui se marient parfaitement avec le texte de François.
Vous l’aurez compris, à la lecture de ce bel ouvrage, vous vous en prendrez plein les mirettes et la tête. Et, plutôt que de vous laisser bourrer le mou par la COP 21 et son cortège d’arnaqueurs et de malfrats, lisez l’ouvrage de ce cher François Béranger. Vous aborderez cette brûlante actualité qui vous permettra de lutter. « Comme on a les mêmes choses sur le cœur on pourrait chanter en chœur » dixit encore François Béranger en paroles d’une de ses chansons.
Un livre à mettre en toutes les mains, histoire aussi de vous aérer les méninges.
Faites passer, ce bel ouvrage à vous ami(e)s de vos ami(e)s où l’humour transparaît et aussi l’espoir. Que la chaîne de cette union fraternelle renaisse la mémoire du fameux François Béranger, sous la facette de conteur né qui nous a révélé son talent si longtemps caché.
Merci à Emmanuelle et Stéphane Béranger qui honorent la mémoire digne de leur père. Merci à l’excellent travail des éditions Lemieux qui ont su conjugué le conte de François Béranger avec les illustrations au poil d’Emmanuel Blancafort.

François Béranger : Des rats zailés et des zhommes, illustré par Emmanuel Blancafort, éditions Lemieux, mai 2015, 64 pages, 20 euros