Camelia Jordana et Caroline Rose impressionnent et triomphent dans "Mimi, scènes de vie de bohème"
Puccini revisité de manière moderne, rock, inspirée, déjantée mais musicalement et artistiquement parfaitement c’est le prodige de cette création ambitieuse, grandiose et prenante "Mimi, scène de vie de bohème" où Mimi (Camélia Jordana, émouvante, juste et touchante) côtoie le personnage de la comtesse Geschwitz (Campé avec audace, charisme et talents par Caroline Rose), un mélange entre Alcindoro, l’amant de Musette dans La Bohème et la comtesse Geschwitz du Lulu d’Alban Berg.
C’est un spectacle admirable de très haute tenue, particulièrement inventif, truculent, didactique, décalé, drôle, analytique, enthousiasmant qui ravira les spécialistes du lyrique et ouvrira cette pièce à un public plus large. Camelia Jordana nous étonne, nous émeut et nous boulverse et Caroline Rose est impressionnante en voix, en acting et en présence. Une actrice est née. Les 18 autres comédiens et musiciens de Mimi ne déméritent pas non plus ! A voir absolument avant que ce spectacle ne se déplace dans toute l’Europe.
Le Pitch :
"Il n’est pas question d’adapter La Bohème, encore moins d’en transposer l’argument ou l’intrigue de nos jours. Il s’agirait plutôt de l’apprivoiser, de chercher le bon angle, la bonne distance, en un mot de tâtonner.
Il nous semble impossible de " refaire " La Bohème sans raconter ce tâtonnement, l’histoire d’une relation qui ne sait pas précisément ce qu’elle cherche ni même ce à quoi elle se relie.
Il faudra donc s’approcher et s’éloigner, être dedans comme si on y avait toujours été et dehors comme si La Bohème était à jamais inaccessible.
Entre ces deux points de vue se dessinera une autre Bohème, présente et lointaine à la fois, étrange et familière, mais qui nous serait contemporaine. Une Bohème qui devient Mimi, prenant le nom de son personnage principal, tournant autour du mystère qu’elle recèle."
Bastien Gallet
Notre avis :
Quel beau moment, quel beau spectacle, quelle réussite ! Dans ce lieu historique qui a su garder son âme après toutes ces années, "Mimi scène de vie de bohème" est une création plurielle, faussement désordonnée, qui dans un joyeux bordel urbain et intemporel qui sert de décor et qui mêle des objets hétéroclites, des femmes et des hommes chantent jouent, dansent et se déplacent dans un espace délimité par des matelas. L’arrière scène délimité par un rideau transparent fait de rosaces superbes nous laisse entrapercevoir les musiciens, ces derniers pour certaines scènes collégiales se mêlent aux chanteuses.
Tout est au millimètre, la mise en scène est à la fois précise et libertaire. Elle est intelligente, raffinée et ne se regarde jamais le nombril. Premier, deuxième, dixième degré on est à la fois dans du Puccini et dans une pièce sur Puccini qui analyse, dissèque, rit et divertit.
Camélia Jordana chante en italien avec quelque chose dans la voix qui touche le coeur, les tripes. Cette jeune chanteuse a déjà beaucoup de métier. Elle est juste admirable, belle, émouvante, elle est un artisan au service de l’oeuvre avec ses forces et ses faiblesses. Elle démontre qu’elle a un niveau vocal qui lui permet de rencontrer le public avec des univers très variés.
Pauline Courtin tire également bien son épingle du jeu avec un jeu plus classique mais qui se permet parfois de dépasser du cadre, d’offrir plus qu’une excellente chanteuse lyrique. Elle est agréable à regarder à écouter, elle donne une belle humanité à son personnage.
Mais la Révélation de "Mimi scènes de vie de bohème" est celle qu’on n’attendait pas forcément là et dont le talent, l’énergie et l’aura explosent durant cette Création. Caroline Rose en Comtesse Geschewitz est juste époustouflante tant vocalement qu’au niveau du jeu. Elle montre qu’elle est aussi une actrice sur laquelle il va falloir compter, une actrice à l’international qui peut chanter et jouer parfaitement en français, allemand et anglais.
Sur certaines scènes, Caroline Rose est une Diva divine, bluffante à l’esthétique, à l’acting et à la voix parfaites. Une Muse de Fellini, de Fassbinder, de Wells ou de Wim Wenders qui saura convaincre très certainement des grands réalisateurs à l’avenir.
A noter aussi la superbe prestation de Christophe Gay, artiste complet, charismatique à l’aise dans tous les domaines du jeu, du chant. Le personnage masculin le plus impressionnant qui prend la lumière, qui a une voix adéquat et une si belle énergie généreuse et sensible. A suivre vraiment.
Le reste de la distribution est au diapasons avec des musiciens fameux et libres et déjantés qui modernise Puccini et se mettent au service de cette farce surréaliste,n burlesque, cinématographique et théatrale qu’est cette merveilleuse libre adpatation.
Une bien belle surprise que l’on vous conseille chaudement.
Bravo les Artistes !
Avec Pauline Courtin, Judith Fa, Christophe Gay, Christian Helmer, Camélia Jordana et Caroline Rose.
L’Ensemble Court-circuit :
Jérémie Fèvre ou Marion Ralincourt flûte, Pierre Dutrieu ou Sylvain Roussel clarinette, Laurent Bômont ou Jean-Philippe Wolmann trompette, Alain Rigollet trombone, Benoît Poly percussion, Jean-Marie Cottet piano, Guillaume Antonini ou Alexandra Greffin-Klein violon, Thomas Bouzy ou Elodie Laurent alto, Pablo Tognan ou Julien Decoin violoncelle, et Jérémy Bruyère contrebasse.
Spectacle en italien, français et allemand, surtitré en français.
Musique : Frédéric Ferrières et Mise en scène : Guillaume Vincent.
http://www.billetreduc.com/120349/evt.htm
Les Bouffes du Nord, Paris.