Panique chez « Pink Galina » de Sarah Olivier !

Panique chez « Pink Galina » de Sarah Olivier !

Je suis tombée par terre, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Sarah Olivier ! Non mais sans dec, quelle sacrée nana pour ce « Pink Galina », un premier album abouti à l’orée d’un voyage au bout de la nuit complétement déjanté. Une musique comme une contrebasse d’un cœur qui bat. Des paroles qui touchent aux tripes. Une présence libre issue du mouvement Panique par son père et des couleurs sentimentales et sensuelles débridées. Sarah Olivier, une femme à l’écho musical et au phrasé déjà affirmé, du talent plein la voix !

Sarah Olivier, fille unique de l’artiste peintre Olivier O Olivier et de Claudine Martin galeriste de renom, a du chien comme aurait dit Léo Ferré avec tellement de justesse. En effet, elle a baigné dans une enfance interlope et loufoque. Le groupe Panique s’est penché sur son berceau pour lui insuffler la folie salvatrice et cette attitude rebelle et anticonformiste à dresser des ponts libres entre toutes les formes artistiques. Les Jodorowski, Topor, Arrabal et consort à bon port ont navigué chez elle autour de son père dans sa maison ouverte à tous les vents de la création du vers libre et pictural. Cheval fou à hennir la vie par tous ses pores. «  Un saint laïc, un pataphysicien panique, un juste civil, un anar tranquille  » tel qu’Arrabal désignait son pater pas du tout austère. Topor, toujours bien inspiré dans ses petits films d’un minute intitulés « le poète », l’a mise en scène.

Le bahut conforme et chloroforme n’aura pas l’incidence et l’indécence d’éteindre le feu qui prenait forme lors de son adolescence. Sarah déjà multiforme ! La faune peinturlurée en ziziques abyssales, la cavale de concerts punk, ska jusqu’à l’Opéra et les galeries du Louvre où la louve pas farouche puisait aussi déjà ses ressources. Elle a dévoré la beat generation, Nietzche et Dostoïevski jusqu’à l’extase. Elle a fait sienne « Je suis de la dynamite  » selon ce cher Friedrich et s’est entichée à ses premières armes.

En garde, l’avant-garde et pas de quartier, elle a semé ses postures d’allumée de cabaret érotique, théâtre, danse, marionnette… Elle donnait déjà de la voix et attisait ses cordes vocales chez Martina Catella et intégra à la fin des années 90 la bande « des globes trotters ».

Entre temps, elle tomba en amour dans les bras du réalisateur et comédien Lyes Salem. Deux enfants plus tard et une formidable envie de concrétiser un album, après moult tournées à tester sa gouaille auprès du public et vibrer au bois de la contrebasse complice du parfait Stephen Harrison.

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Sarah compose écrit et interprète ses chansons. Elle a la singularité qui sait me toucher à créer son univers bien à elle. Claire Diterzi et Juliette, chacune dans leur propre répertoire sont de la même trempe de ces chanteuses libres et expressives.
Elle touche à tous les sentiments et les sensations physiques et psychiques extrêmes, comme pour convoler en juste noce la petite mort imminente. Son « Ophélie » urbaine n’a rien à envier à celle de Rimbaud mise en musique par Gilles Servat. En apnée dans son bain…. « Ma sirène des villes / Ma fragile Ophélie / Ma tranquille sirène / Mon Ophélie urbaine  ». Cette Ophélie, envolée lyrique, qui clôt l’album donne aussi l’éclat du talent de Sarah avec un timbre qui a du métier et ne craint pas les grands écarts.

Le bastringue de la contrebasse des « Prières des nuits froides  », en introduction virulente, nous donne la puissance évolutive de la miss déjà très en confiance. Sa rythmique spasmodique m’a littéralement soufflée les tripes. J’avoue je la passe en boucle. Je me lève avec elle et me couche dans sa plage musicale. En plus, texto dans ses « Tulipes excentriques  », j’entends la voix de Magali Noël qui psalmodie les textes de Boris Vian. Car, je parie que si Boris vivait encore à trois cent à l’heure et s’il avait eu la chance de croiser Sarah, il serait tombé raide dingue de la belle cantatrice pas chauve pour un vice.

« J’ai les hanches qui tricotent  ». « J’ai le corps en vrac ». « J’ai le goulot kamikaze ». C’est du Boris ? Non, c’est du Sarah ! Je n’avais encore jamais entendu des paroles féminines qui pouvaient me toucher dans le mille. Car en plus de savoir chanter et atteindre parfois certains sommets à la Nina Hagen, Sarah sait écrire.

Tous ses talents réunis, la miss s’entoure de musicos parfaits et au poil à gratter leurs instruments pour en sortir des notes qui tombent toujours avec justesse, à des registres complexes et tellement riches.
Puisque je suis parvenue à citer ses musiciens, il y a Babx au piano, Stephen Harisson et Brad Scot qui arrachent à la contrebasse, Fantazio à la voix grave sur «  Panique », Nico Duportal à la guitare, Jo Doherty et Michel Schick aux saxos, Relu Merisan au cymbalum (j’adore !) et Elisabeth Keledjian à la batterie. Rien qu’à la lecture de leurs patronymes, l’invitation au voyage virevolte des visages d’en avant la zizique.

Tour à tour mélancolique dans «  Matin d’été  », canaille des bords de mer pour «  Voleuse  » totalement débridée sur « Miss Coquette  » et follement sensuelle pour « M’as-tu vue  ? » ….. « Affalée dans mon canapé en cuir / Je m’emmerde / Et je fume clope sur clope / Ah ! Quel ennui dans mon poudrier / Je n’fais que d’moudre le temps avec mes dents  ». Sarah s’enveloppe d’une vapeur d’alcool et de fumées bleues, elle nous allume des volutes ou salive sa féminité délurée.

Comment décrire son art poétique, sans tomber dans les poncifs absurdes à vouloir cantonner la superbe dans un style et la bloquer à quai ? Nada sans moi. Elle me dézingue littéralement. Je prends mon fade à l’entendre. Je la vénère. Ça faisait des plombes que j’attendais qu’enfin une chanteuse me dérider les fesses à la suivre dans tous ses parcours sinueux. Elle me colle à la peau. J’ai envie de la voir sur scène. Il parait qu’elle dépote et s’emporte. Tant mieux, j’adore les chanteuses authentiques qui débrident leur univers sertis par des ziziques à rire et à chialer tellement c’est chiadé.
La folie douce coule dans ses veines à désaltérer la vampire du Bartos. Même que dans le roman qu’il est en train d’écrire, ce cave, il va glisser des paroles de la miss. Même que l’interprétation surprenante de « Bloody Mary  » de ce cher Roland Topor l’a rendu gaga, ce Kong !

Dans la liste des concerts, je ne suis pas du tout étonnée de la voir apparaitre au festival Boby Lapointe de Pézenas. Les angliches vont se régaler lors de sa tournée. Elle va embrasser à Paname les planches du New Morning (la Mecque du jazz, excusez du peu !) le 5 juin. Bandes de veinard(e)s parigos têtes de veau ! Sarah quand est-ce que tu viens en Gironde que je t’approche enfin à t’applaudir des deux mains et des deux pieds réunis, ça fera plus de bruit !

Premier album qui dépote le landerneau musical ambiant si nombriliste et triste. Enfin une artiste allumées et musicienne si sexy qui nous ouvre son univers déjanté. Elle nous swingue à partager de bonne humeur une boutanche de Médoc ou de Bordeaux. Et nectar des pupilles, le cadeau ! Son pater vous a concocté de superbes encres de chine pour chacun des morceaux. Un grand merci à lui et à toute la mouvance panique qui a donné naissance à une femme libre et indépendante dans son art de vivre à la scène comme dans ses chansons. Je note aussi le label la Triperie, la bien nommée, d’avoir pris en son sein cet artiste qui a des tripes justement. Merci et toute ma reconnaissance à Laurie Elsen de VS COM de m’avoir fait découvrir cette sacrée Sarah.

Si vous avez le blues, Sarah Olivier en « Pink Galina » vous boursoufle le trépas à s’adonner à tous les plaisirs de la vie en dansant sur ses chansons. C’est si bon pour la santé, j’en redemande ma dose et j’explose jusqu’à l’overdose.

Sarah Olivier : Pink Galina, sortie le 27 mai