Danse, Déconne, Dénonce : « Marcel et son orchestre » a inventé le triple D+

Danse, Déconne, Dénonce : « Marcel et son orchestre » a inventé le triple D+

Avis à la population. Le groupe des sus nommés « Marcel et son orchestre » après 20 ans de joyeusetés musicales et révoltées jette l’éponge sur son univers fraternel et festif, en scène comme en disques, au nez du Paf et nos esgourdes attristées. Marre de n’avoir jamais été considéré par les agences de notation sur le même plan que le triple A, dans un triple saut périlleux, la bande des 7 se saborde et vous souhaite à toutes à tous pour cette année 2012 ses meilleurs vœux : « Dans la joie jusqu’au cou… », où « Tous les coups sont permis ! ». Tenez le-vous pour dit, oyez, oyez : « Deux albums pour le prix d’un, fuck la crise », sortie le 30 janvier et tournée d’adios en 2012.

Le rock déconnade des années 70 / 80 et 90 avec les fameux Au Bonheur des dames et ensuite le groupe Odeurs, autour de la figure de Ramon Pipin, le père fouettard du sérieux qui tue nous bougea les tripes. Ensuite, si ma mémoire est exacte, les « VRP « vinrent placer leur camelote alléchante. Puis les Marcel du grand Nord, une bande d’hurluberlus, firent bombance au Pas-de-Calais pour glisser dans sa zizique des accents de fêtes rock/ punk. Il y a bien actuellement un coreligionnaire de par chez eux, qui sous le blaze de Didier Super, usurpe son talent de musicien avec ses cinq accords de gratte et ses cinquante bons maux de vocabulaire. Circulez y’a rien à voir !
Même que ces cultivateurs du mauvais genre savent vendre leur plat pays et Paname n’a qu’à bien se tenir la trique au chaud. «  Elles sont jeunes et jolies / Les p’tites femmes de Paris / Mais dans l’Nord Pas de Calais / Elles nous font pas payer  ». (in « L’amour dans le Nord  »).
En 1991, ils virent du pays justement et devinrent représentants du Nord-Pas de-Calais au Printemps de Bourges, avant que ce dernier n’aboutisse à l’industrie de la niaiserie actuelle que l’on sait ! En 1995, toujours aussi peu professionnels, ces trublions de l’ordre établi contre le show bise lancèrent une souscription pour la sortie de leur premier album « Sale Bâtard » (déjà tout un programme !), et 300 personnes encore plus barges qu’eux répondirent banco.

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« On naviguait à vue, sans aucun plan de carrière. Pendant plusieurs années, on se foutait de déposer les chansons à la Sacem, sur les déclarations de cette vénérable institution, on signait le pape, Alain Delon ou encore ta mère… On ne savait même pas ce qu’était l’intermittence du spectacle. On a du cadrer le bazar car on était de plus en plus visibles et réellement hors la loi  ».
Avec au moins, comme les dix doigts de la main, sept albums à leur actif, sans compter les en public, les loustics ne se sont jamais emmerdés !
« Ce qui nous arrivé est 1000 fois au-dessus de ce que nous aurions imaginé. En démarrant cette aventure à la fin des années 80, l’idée était juste de trouver le moyen de ne pas s’faire chier ».
En 1998, l’album « Crâne pas, t’es chauve  » damera le pion au célèbre « Métal moumoute  » des Au bonheur des dames de retour quelques années plus tard ! Inoxydable Marcel, avec un nom de groupe aussi beauf à se faire tirer les bretelles en escarcelles… Gare au gorille à celles et ceux qui voudraient leur fiche une étiquette musicale à la face et les jeter au fond de cale d’un style ferme et définitif. « Marcel puise son énergie dans le sixties, ses expériences dans les seventies, sa gourmandise dans les smarties, et sa lucidité dans les années trenties  ».

Comme la bande à Ramon Pipin, ils aiment se grimer sur scène et déconner. « En se déguisant, nous changeons de peau, nous sommes quelqu’un d’autre, un peu comme Docteur Jeckyll et Mister Hyde  ». Alors, juste joyeux potaches bien sympathoches à se jouer leur cinoche en décibels et nous abreuver les zygomatiques à les suivre, que nenni. Pas seulement. Ils jettent à la face de la connerie crasse leurs chansons rebelles et solidaires. Ainsi outre les chansons contestataires (« Si ça rapporte  », « Ramdam réclame  » …), Marcel n’hésite pas à s’engager à soutenir en chanson « Bad Trip Poker  » et sur scène les ouvriers de Métaleurop à Liévin. De même qu’en 2006 avec l’album « E = CM2  » « où la collaboration avec Greenpeace sur le titre « CO2 », nous amène à Biscarosse, pour dénoncer la violation du traité de non-prolifération de l’arme atomique dans une ville encerclée par les hélicos. Cet album nous a aussi permis de rencontrer la vraie, l’horrible Nelly Oleson, curieuse de voir qui était ces frenchies qui avaient écrit « La Famille Ingall’s », et le titre « Bonne Fête Maman », anime depuis, bon nombre de fêtes des mères  ». Je ne peux m’empêcher d’y entendre un clin d’esgourde à Au bonheur des dames et son titre phare de l’album « Coucou maman  » sorti en 1975. Le manche de la guitare me gratte un accord parfait avec un Frank Zappa qui avait participé activement au groupe The Mothers of invention entre 1964 et 1975, en raisonnante avec la fête des mères, pas celle de Pétain et des pères la pudeur, vous l’aurez aisément compris.
Franck Vandecasteele chanteur et parolier hors pair de Marcel a confié ses humeurs sur les raisons de leurs adieux. à la Voix du Nord en date du jeudi 24 novembre 2011. Outre le fait de la séparation avec leurs amoureuses et leurs enfants lors de longs mois de tournées sur les routes, ils préconisent désormais : « éclatons-nous une dernière fois lors d’une super tournée et posons nos sacs ».
Le groupe reste chevillé au corps contre le constat marchand de l’industrie de la musique qui leur donne la gerbe. « Nous sommes un groupe indépendant et on a vu l’espace réservé à ces groupes fondre en France. Tout est fait pour emmerder le monde, pour contrarier les organisateurs, avec une hausse de la TVA par exemple. On sent que l’indépendance a tendance à disparaître. Tu fais cinq dates complètes sur Paris, tu perds 10 000 euros par ce que tu ne veux pas faire une politique financière à 35 euros le billet. J’ai plus l’espace pour faire du Marcel dans cette culture marchande qui me gonfle. Il faut passer plus de temps à faire savoir qu’à faire un album ! Communiquer, ça me saoule ».
Les dernières volontés des Marcel dans un souffle scénique sismique toujours en accord avec leur idéaux. « Pour les Marcel, pas question de rennoncer, plutôt tout perdre que de céder. Faisons un double album comme à la grande époque de l’opulence (en ligue 1), 2 disques pour le prix d’un, pas moins de 27 titres, presque autant que le Sandinista des Clash. Commençons donc par le « beginning », puisque c’est quand même et avant tout de la musique ».

Côté pile sur le face A, 14 titres au tableau dans la diversité musicale et textuelle, un régal. La version punk rock des « Singes » de Brel m’a élevé au septième ciel des primates. Comme toujours dans leur univers, ils racontent des histoires de gens ordinaires avec un léger décalage qui crée l’humour d’un « Normal man  ». Les hommes, parlons-en à propos de leur virilité versatile. Elle distille les frustrations des « Femmes insatisfaites  ». « Le chômage » c’est comme une maladie honteuse qu’on se chope à une certaine époque. « Le chômage / j’ai attrapé le chômage / Le chômage / j’ai attrapé le chômage  ». « Cerf-volant  » nous enflamme l’ozone dans des circonvolutions de l’espace sous germe de tendresse où le rock coco perd de son panache. « Une sirène aux seins attirants réveillait les sens de Momo / Mais un coup de vent contrariant a dégonflé ses beaux lolos  ». Le comble, le Bartos originaire des Ardennes par ses darons ne jure que par les « Frites  », le cave ! Bravo les clins d’œil aux standards de la pop. « La frite c’et chic… Donne-moi un F. Donne-moi un I… / … T … / … E … alors… qu’est-que ça donne ? … ben … fite … oh merde … !  ». Et plus ces gens du Nord nous chient un fromage à la mode Beatles. « Ils boivent le Genièvre de Monsieur Seguin / En mangeant le Maroilles… You need is love  ». (in « L’amour dans le Nord  ». Tout est de ce topo. C’est hilarant et réjouissant.

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En phase B, la revisite du répertoire des Marcel qui va de « Dédé  » à « C’était pas ton jour  » en passant par « Les neurones à crêtes ». avec la magnifique « Complainte de la ménagère  » très funk. 13 titres en folie !
Alors si par hasard sur le pont de ces artistes, vous passez votre chemin à les applaudir sur scène, profitez-en bien, c’est leur dernière tournée à votre santé. Et puis en plus, ce sont des bêtes de scène ! « La scène est pour nous l’occasion de faire et de donner tout ce qui est très difficile, voire impossible dans le réel  ».
Désormais je me suis attribuée leur maxime que je partage en tous points comme un chant d’espoir : « Si la joie de vivre est trop souvent considérée comme ordinaire, elle est pour Marcel le meilleur pied de nez à tous les castrateurs ».
Merci encore les Marcel et bonne route et bon vent pour vos deux décennies de partage de votre humour, votre bonne humeur et vos révoltes contre la morosité et la constipation ambiantes.

De la joie jusqu’au cou et Tous les coups sont permis ! par Marcel et son orchestre, sortie le 30 janvier 2012 et tournée dans toute la France.