Guillaume Dustan/Vignale : entretien historique

Guillaume Dustan/Vignale : entretien historique

le 16/09/01 18:27,

Eterview [itervju] : n. f. (Anglicisme) : conversation réelle simulée par le moyen du courrier électronique au cours de laquelle un journaliste interroge une personne sur sa vie, ses projets, ses opinions dans l’intention de mettre en ligne (on-line) cet entretien et de le partager avec le plus grand nombre. Néologisme attribué à Frédéric Vignale.

1. Ca sert à quoi un pseudo quand on est écrivain ?

A avoir un plus joli nom - un nom qui fait associer, et donc vendre (cf Âme Élit No Tombe, ou Marrie Dard Yeux Secs, ou Vrai Derrick Bègue Pédé, ou Michel Où Est Le Bec, ou Marcel Prout, ou Guillaume Distant. J’aimerais bien que ce soit Destin parfois.

2. Tu as remis à la mode la perruque de couleur, t’en rends-tu compte ?

Oui, ça me fait froid dans le doigt.

3. Que penses-tu du succès actuel de Houellebecq et de ses provocations ?

Je suis très heureux qu’il s’y colle à ma place, pour dénoncer l’islam en particulier. Les religions monothéistes en général, je le fais aussi. Les monothéismes sont manichéens : le bien, le mal, l’homme, la femme. Ce sont des pièges pour la pensée complexe. Déjà, le taoïsme, c’est mieux : dans le yang, il y a du yin, et inversement. Mais seuls des polythéismes réformés, dans le cadre d’un rationalisme élargi, pourront réenchanter le monde. Ce sera donner une plus fidèle image de la psyché : des forces à l’œuvre, qui tirent à hue, à dia, mais pas souvent au milieu. Pour le milieu, il y a le bouddhisme, voilà. Il suffit d’ajouter la liberté de s’autocréer sexuellement et autre(s), et on a tout. Sinon (et je vois qu’il a changé d’idée sur l’homosexualité, dans Plateforme il dit qu’il faut 10% de gays dans ses hôtels pour mettre de l’ambiance) je suis d’accord avec lui : il faut rendre heureux les gens. Et la sexualité console, énormément. Et soigne, aussi. La manière dont on traite le sexe (mais aussi les drogues et toute la magie en général), dans toutes les religions, c’est comme si on interdisait un médicament vital au peuple, ou si on le lui donnait, mais au compte-gouttes, goutte à goutte, juste assez pour qu’il ne crève pas, mais jamais assez pour qu’il soit en bonne santé, et puisse songer à se révolter. Se révolter pourquoi, d’ailleurs ? Pour le minimum : être heureux. Jouir. Le sens de la vie, c’est la jouissance. Le sens, c’est l’intense.

4. As-tu été surpris des critiques louangeuses de "Génie divin" ?

Non, soulagé, plutôt. Je me suis dit que j’étais enfin en phase avec mon époque. Elle me rattrape, doucement, lentement. Tant mieux, je me sens moins seul.

5. Que penses-tu de la vision proposée par Yann Moix d’une république bi-sexuelle en opposition au triomphe des communautés sexuelles ?

Alors il faudra être obligatoirement bisexuel pour appartenir à la République ? Moi je suis pour que les gens fassent ce qu’ils veulent, sans faire le mal, partout, dans la res publique du monde.

6. L’insulte à ton endroit qui t’a le plus fait mal ?

Pépé, euh, pédé, euh, non, ce qui me fait le plus mal, c’est de vieillir, d’ailleurs je vais me suicider à quarante-cinq ans. Je me jetterai d’une hauteur, j’ai toujours voulu savoir ce que c’était que de se faire sauter.

7. Que penses-tu des mégalos et des narcissiques ?

Des critiques ? J’en ai marre de publier des livres géniaux (en tout cas nettement mieux que ce qui ce fait à côté la plupart du temps), que personne ne lit, parce qu’on les/me boycotte. Ce n’est pas très joli de faire ça, hein, le milieu littéraire ! Je parle du Rayon parce que les miens ça y est, j’ai failli crever tellement j’ai ramé pour m’imposer mais bon ça y est le mur du silence est crevé, et moi pas. Excusez-moi, crever, je le redis ce mot, crever, on croit qu’on vit dans un pays libre et tout cool mais c’est la guerre, la guerre des puissantes petites habitudes contre la vérité et la liberté, et ça suffit.

8. Qu’est-ce que tu aimes chez Frédéric Beigbeder ?

Il est bon et franc, sincère et révolté. Il est sensible. Il souffre, l’ingénu. C’est un génie. J’aurais pu dire, il est bon et franc, mais vous n’auriez pas compris. Le reste, c’est de l’évidence.

9. La phrase de toi que tu préfères ?

Jette-moi dans le feu, dit l’or, je n’en brillerai que davantage. Mais surtout ne m’allie pas aux matières basses et viles, qui m’ont corps rompu. C’est une vision sur la vie. Mais ce n’est pas de moi, c’est de ma grand-mère, et encore, ce n’est pas d’elle, c’est un proverbe indien.

10. Le scoop que tu n’as jamais révélé en interview mais que tu vas me révéler en E-terview ?

Je n’ai jamais baisé avec un chien. Mais j’aimerais bien. Lui au moins, je serais sûr qu’il m’aime. Et puis je serais sûr aussi de ne pas abuser de lui, la servilité, la dépendance, l’inceste, la perversion, c’est dans son caractère, enfin dans celui qu’on a donné à ses ancêtres, les animaux esclaves. C’est un peu comme les humains, si on y réfléchit bien. Allez voir Matrix, comme dit Sophie Marceau (tiens, je la ferais bien tourner dans un film, elle).

11. Peux-tu me dire une saloperie sur un de tes confrères écrivains ?

Je pue du cul (des fois).

12. Qu’est-ce que tu penses apporter à la littérature française ?

La liberté.

13. L’érotisation médiatique du corps de l’homme c’est grâce à la culture gay ?

Oui.

14. Tu te définis toi-même comme féministe, peux-tu nous expliquer cela ?

Lisez mes livres.

15. Que feras-tu le jour où tu ne seras plus à la mode ?
Je serai un classique.

16. Définis-toi en 5 mots commençant par "D" ?

Dévoué. Détruit. Destructeur. Difficile. Doux.

17. Les gens ont-il une idée juste de toi à ton avis ?

Non, mais de plus en plus, oui. Mais j’aimerais que ce soit officiel (= écrit dans la presse), qu’on m’aime.

18. La chanson que tu aurais aimé écrire ?

Parole, parole, parole...

19. Que faisais-tu le 11 septembre 2001 à l’heure de l’attentat aux USA ?

Je travaillais.

20. La question à laquelle tu ne répondras jamais ?

No Comment.