Les Chaises

Les Chaises

Avec Les Chaises (1952), pièce d’Eugène Ionesco (1909-1994), Philippe Adrien met en scène l’absurdité du monde. L’art oratoire de Bruno Netter (le Vieux) et celui de Monica Companys (la Vieille) offrent l’opportunité de voir - ou redécouvrir - sur la scène de la Tempête le théâtre métaphysique de l’écrivain français d’origine roumaine.

« Attention, il n’y a dans Les Chaises rien qui soit triste : c’est la Vie ! »

(Philippe Adrien)

Etrangeté et dérision… C’est le climat qui imprègne la plupart des pièces de l’auteur du Rhinocéros (1960). Ici, l’on est plutôt bien servi. Les Chaises, c’est l’histoire subtilement tordue de deux vieux isolés dans une maison, dans l’attente d’invités fantômes. Bruno Netter, grand comédien aveugle et figure familière des spectacles de Philippe Adrien, et Monica Companys - actrice sourde et formatrice en langue de signes – interprètent avec talent ce duo théâtral de choc. D’emblée, leur apparence physique annonce l’univers grinçant et angoissant de ces Chaises : le Vieux, grimé façon Buster Keaton avec un zeste, dans la démarche, de Nuit des morts-vivants à la sauce Romero ; la Vieille, un brin zozoteuse, évoluant dans un accoutrement de paysanne simplette.

Compagnie du 3e OEil

En une rythmologie tranquille, la pièce débute, à la fois amusante et déconcertante, avec ce duo improbable, à la fois rigolo, fusionnel et funeste. Le Vieux distille ses souvenirs et opinions sur le monde ; la Vieille, admirative et possessive, confirme ce quotidien territorial. L’insolite style verbal des deux Vieux souligne leur côté lunatique ainsi que leur énigmatique rapport au monde. Puis, le rythme de cette farce tragique s’accélère avec l’arrivée des invités qui se succèdent à une cadence infernale : le Colonel, le Photograveur, la Première Dame, la Belle, l’Empereur, les enfants... Progressivement, les Chaises prennent possession de la scène, et les dialogues deviennent de plus en plus loufoques. A travers ses courbettes et ses remarques acerbes – aussitôt imitées par la Vieille - envers ses invités, le Vieux nous dévoile quelques lambeaux de sa personnalité.

Compagnie du 3e OEil

Une scénographie sobre met en valeur ces « présences absentes » - et obsédantes ! - que sont les Chaises, interrogeant le spectateur sur la pitoyable solitude et la fragilité de ce couple absurde. En outre, nous sommes sans cesse interpellés par des surprises visuelles, nimbant les deux personnages tantôt par de brefs - et électriques ! - halos, tantôt par d’épaisses fumées sculpturales dessinant ces fragiles silhouettes
de plus en plus éloignées de la scène et attirées inexorablement vers un gouffre.
L’Orateur, personnage interprété par Alexis Rangheard, apparaît alors sur la scène. Comme noyé par ces innombrables chaises qui forment un cercle, il clôt en toute élégance cette clownerie existentielle.

durée : 1 h 20

Les Chaises de Eugène Ionesco

Mise en scène de Philippe Adrien

Théâtre de la Tempête - salle Copi

Du 15 octobre au 5 novembre 2011

du

mardi au samedi à 20 h 30,
le dimanche à 16 h 30

Cartoucherie – Route du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris