Olga ma vache

Olga ma vache

"Roland Dubillard pose le problème de l’efficacité de la parole, qui, au lieu d’élucider les situations tend à les embrouiller, au lieu de faciliter la communication provoque des malentendus. Cette difficulté ne facilite pas la recherche d’une identité qu’on ne peut trouver ni hors de soi ni en soi."

(Martine David, Le Théâtre, éditions Belin, 2007)

photo© d’Eve Zheim


La pièce Olga ma vache est tirée d’une nouvelle de l’acteur et auteur dramatique Roland Dubillard. Elle fut écrite en 1948. Patrick Coulais et Maryvonne Schiltz mettent en scène au Lucernaire cette farce métaphysique à la fois subtilement déjantée et imprégnée d’une étrange poésie. Coulais, comédien imprévisible, y joue là un personnage fou et tendre, animé soudainement d’une passion violente pour un ruminant. D’emblée, le titre - et le thème plutôt tordu – de cette tragi-comédie peut rebuter. Et le spectateur non averti pourra légitimement craindre une énième resucée du théâtre de l’absurde, genre parfois trop justement évident et prévisible, au pire bêta. Eh bien, non ! Olga ma vache s’avère un texte moderne et grinçant, vif et malicieux, qui frappe par sa cohérence.

Le spectacle débute en toute nonchalance par l’évocation d’une promenade à la campagne en compagnie d’un ami peintre cherchant des vaches pour travailler sur le motif. Notre conteur multiforme, homme naïf et fantasque, tente d’expliquer par le menu cet amour bucolique devenu progressivement vache et encombrant. L’esprit de ce drôle de zèbre, constamment possédé par cette vache, offre l’opportunité d’une série de tableaux ironiques : la romantique rencontre dans la clairière, la vache sauvée par l’homme d’une mort programmée, la vie commune dans un appartement, les premiers pas de la vache sur une scène de théâtre, la vache brutalisée par l’homme, les ragots colportés sur la vache par l’entourage de l’homme, etc.

L’histoire loufoque, qui titille l’univers d’un Ionesco, nous projette d’emblée dans un sketch de l’humoriste Raymond Devos. Le duo symbolique voix/musique d’Olga ma vache renforce le côté poétique. Un violoniste discret (Jean Leber) accompagne sur la scène cet homme/vache. Et ses intermèdes musicaux – les Gymnopédies d’Erik Satie - ponctuent de nuances infimes le questionnement de l’homme envoûté par sa vache.
Olga ma vache se profile donc drôle. Et la remarquable prestation de Coulais honore la langue allusive et le style évocatoire de l’auteur du Jardin aux betteraves (1969), entraînant le spectateur dans la rythmologie jubilatoire de l’iconoclaste Dubillard. Zigzaguant constamment entre cristaux stendhaliens, réalisme aux résonances psychologiques et marrantes effluves champêtres à la soupe René Fallet, Olga ma vache nous offre un savoureux patchwork, que l’on déguste avec grand plaisir.

durée : 1 h 15

Olga ma vache, de Roland Dubillard

Mise en scène : Patrick Coulais et Maryvonne Schiltz
Avec Patrick Coulais, comédien & Jean Leber, violoniste

Au Théâtre du Lucernaire

53, rue Notre Dame des Champs 75006 Paris - métro : Vavin ou Notre Dame des Champs

du 31 août au 29 octobre 2011, du mardi au samedi à 19 h (salle Paradis)

A signaler : Olga ma vache est publié avec Campements et Confessions d’un fumeur de tabac français chez Gallimard, collection « L’Imaginaire » (1974), puis collection « Blanche » (1993)

www.lucernaire.fr