« Panic sur Florida Beach » en fourmi vision de la Guerre Froide

« Panic sur Florida Beach » en fourmi vision de la Guerre Froide

A la sortie en 1993 de ce film de Jo Dante le père des Gremlins, le Canard enchaîné s’était exclamé « A hurler… (de rire) ». Une fois de plus, Jo Dante n’avait pas usurpé sa réputation. Je confirme et recommande ce chef d’œuvre de monstruosité sur fond de satire sociale des années 60. Un pur régal et un bel hommage de l’homme à son enfance repue de films fantastiques et d’horreur, à l’abri dans les salles de cinéma qui ont épanoui son imagination déjà féconde. Merci encore Jo Dante !

« Certes, la bombe atomique est terrifiante ! Mais les mutations atomiques sont pires encore. Observez les fourmis. Une organisation animale admirable alliée à une force prodigieuse. Mais si un homme et une fourmi étaient soumis simultanément à des radiations, le résultat serait atroce. Car le résultat serait… l’homme-fourmi  ». vous prévient le réalisateur de « Mant ! ». Film en noir et blanc sensé être dans l’esprit de l’époque projeté selon le procédé « atomo-vision » avec du relief et des effets spéciaux jusque dans le cinoche avec les sièges qui tremblent… en salle lors de la crise des Missiles à Cuba en 1962 juste avant les persécutions anti-communistes dues aux Mc Carthystes jusqu’à l’assassinat de Kennedy en 63 pour avoir trop fricoté avec la mafia !

L’idée du film : « Il s’agissait d’un monde imaginaire basé sur un groupe de gens qui évoquaient le cinéma de leur enfance. Le dénominateur était une salle en particulier, située quelque part en centre-ville. Le film se situait donc dans le passé. C’était une rêverie qui évoquait cette période. La salle en question était particulière, puisque le projectionniste était un vampire et que la directrice était un monstre devant lequel les gamins détalaient. C’était amusant  ».

A Key West, on se prépare au pire, la base américaine est en alerte générale. La psychose atomique de la Guerre Froide se mélange aux radiations émis par les méchants hommes rouges. A cette époque charnière, le cinéma jouait et déjouait les codes du fantastique et de l’horreur en série B. C’est tout naturellement en piochant dans ses souvenirs d’enfance que Jo Dante, une fois de plus innove et fait mouche, après Gremlins, son chef d’œuvre à encourager les rires d’un Docteur Mabuse ou d’un Roland Topor au caveau. Même s’il se planta avec Gremlins 2, car à force de creuser un filon, il se tarit.

Il dut faire appel à des dons étrangers comme toujours pour les films indépendants, dont il ne toucha pas un radis, finalement, il réussit à piocher dans la caisse puisque «  La passion a pris le pas sur la raison  », comme le déclara la bouche en cul de poule Tom Pollock le patron de l’Universal.

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Comme toujours chez Dante, il se joue avec humour et délectation et dresse la satire d’une société étriquée et si conformiste que c’est un régal. La scène magistrale au collège pour mimer les pratiques de sauvegarde en cas d’alerte atomique où les autorités demandent à tous les élèves de s’allonger au sol et se boucher les oreille, l’éducation nationale française actuelle en vogue sur la vague du nucléaire ne serait pas plus avancée dans l’option décadence et rire gras ! Seule Sandra une gamine pacifiste avec déjà un esprit critique refuse cette mascarade. C’est elle qui deviendra la copine du héros, Gene, fils de militaire en mission. Gene toujours en vadrouille selon les affectations de son pater éprouve des difficultés à avoir des ami(e)s. Il se réfugiait alors dans les salles obscures pour s’évader en images dans l’horreur. Quand il apprit la venue du producteur de films d’épouvante Laurence Woolsey (John Goodman épatant) qui devait présenter le film « Mant ! », son cœur se glaça de joie.

C’est aussi et surtout un clin d’œil avisé à la biographie de Dante et à ses ascendants qui deviendront le faire-valoir de son art au cinéma et son vibrant hommage au cinéma fantastique des années 1950.

Alors comédie déjantée, film minimaliste, peut-importe le genre, sans aucun doute le film le plus réussi de Jo Dante après Gremlins. J’y ai éprouvé un immense plaisir et encore une fois, le cinéma dans la salle de cinéma vaut le détour. Un happening fameux, comme seuls les américains savent le réaliser, en tout cas un instantané d’une époque. Le nucléaire qui vient se rappeler à notre bon souvenir. Qu’il soit civil ou militaire, c’est la pire saloperie que les humanos ont inventé depuis la poudre à canon. Jo Dante sans contrefaçon nous conte les déboires dans les esprits des gens quand plane un doute fatal quant aux connaissances sur le sujet, les imaginations s’emballent. A vivement recommander aux petits comme aux grands et gare au gorille, heu non gare à l’homme fourmi qui se mute les neutrons et les protons, même qu’il risque d’éternuer un beau champignon tout rond sur le mode Jo Dante. Un sacré énergumène très énervé des zygomatiques. Un excellent tique qu’il tient de son enfance, pardi !

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Panic sur Florida Beach de Jo Dante, 1993, 96 ou 99 minutes, version française sous-titrée, DVD ou Blu-Ray, nouveau master restauré HD, distribué par Carlotta Films, sortie le 1er juin 2011, 19,99 ou 24,99 euros

Suppléments : Paranoïa en fourmi vision (31 minutes) / Mant ! (l’homme fourmi) préface de Jo Dante (6 minutes) / le court-métrage, 1992, noir et blanc, (16 minutes) / Bande-annonce / Making-of d’époque (4 minutes) / Bande annonce / Galerie photos