Feuilleton « On n’en parle jamais ! » : 13. Dimanche de Pâques : cloches en uranium enrichi !

Feuilleton « On n'en parle jamais ! » : 13. Dimanche de Pâques : cloches en uranium enrichi !

Résumé de l’épisode précédent : gazés sous terre au Père Lachaise, en contact technique à la surface avec Joël, nos trois héros demandent à en découdre à l’air libre. Ça va péter !

- D’où t’as sorti ce tank ?
- Je te la fais courte, chérie : voici Frédéric Dupond, mon neveu et génial inventeur de l’abri anti-atomique mobile. Il a 15 ans, pardon 15 et demi et il a gagné le concours Lépine l’année dernière. Le Pape s’est intéressé à son projet mais finalement Le Vatican a opté pour un modèle Fiat moins performant. En France, ses demandes de subvention ont toutes abouti à la poubelle, annonça fièrement Joël, le rédac’chef ressuscité
- Alors je me suis dit que j’allais rouler pour la famille, pas vrai, tonton ?
- Hummm, bon, passons aux choses sérieuses. Le réacteur 1 de Fukushima au Japon est entré en fusion seize heures après le tremblement de terre et tsunami conséquent.
- Mon antinuke mobile est constituée d’une carcasse de supraconducteurs, qui maintiennent les radiations à distance sans les inconvénients et la contamination liée au plomb. Je l’ai montée sur la carrosserie de la Déesse 7 de tonton, c’est vraiment classe… Mais au niveau moteur, c’est une motocyclette (un peu améliorée, certes), je l’ai choppé sur une Ligier à la casse. Et je peux légalement la conduire !
- Waoh fit Nils, visiblement impressionné
- Montez et magnez-vous le train, aboya Joël, on n’est pas là pour servir de cible.

Quelque chose de métallique rebondit sur la portière alors qu’elle se refermait. Le point rouge d’un viseur laser se perdit dans le feuillage des arbres alors qu’ils démarraient le plus vite possible. Ils enfilèrent l’avenue Gambetta, encore déserte, zigzaguant entre les voitures abandonnées. Le soleil brillait dans un ciel bleu sans un nuage. C’aurait pu être une journée presque idéale à Paris, on serait allés en pique-nique au parc des Buttes-Chaumont.
- Où sont les gens ? Terrés chez eux ?
- Les Français ne sont pas des Japonais ni même des Espagnols. Ils n’ont aucune éducation en matière de tremblement de terre et le vieil atavisme du terrier reprend le dessus.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé exactement ? On vient de passer quelques heures chez les morts, où l’information est rare…
- La terre a tremblé, le plus fort dans l’histoire de l’Humanité, et c’est ainsi que le monde a réalisé que le Japon possédait 55 centrales atomiques, presque toutes en zone sismique sensible. Puis les répliques de ce tremblement monstrueux ont atteint d’autres réacteurs de la même centrale gravement affectée. L’axe de la Terre a été déplacé de plusieurs degrés, au cas où le réchauffement climatique n’était pas suffisant en soi. Et ce qui devait arriver est arrivé : la Terre et notre civilisation humaine sont entrées en phase expérimentale. Pas un scientifique n’est capable de prédire ce qui pourrait advenir d’un ou plusieurs réacteurs en fusion en zone sismique puis dans le magma terrestre. Les Japonais étaient terrifiés, ils faisaient et disaient n’importe quoi, essayaient de refroidir le réacteur en fusion en lui lançant de l’eau de mer comme dans un incendie de forêt en Espagne, relevaient le niveau de gravité de l’événement tout en assurant que la situation ne s’aggravait pas. Le PM était tristement comique avec son bleu de travail et ses yeux paniqués dans son visage impassible. Puis l’Empereur du japon, silencieux depuis son avènement, a annoncé qu’il priait pour que le plus grand nombre possible de personnes soient sauvées. L’anecdote est passée presque inaperçue mais je suis persuadé qu’il ne prie pas seulement pour les Japonais.
- En quelque sorte, c’est historiquement la première fois que l’Empereur du Japon reconnaît l’existence du reste du monde…, plaisanta Dagmar
- Si tu veux… La crise et sa répercussion médiatique s’est infléchie avec la venue au Japon du représentant vedette de l’entreprise française Areva. Apparemment, il lui a donné les bons conseils, puisque à partir de ce moment-là, le PM japonais n’est plus apparu qu’en costume-cravate. Les communiqués se sont fait rares, les photos ou vidéos encore plus. De surcroît, avec ce nouveau tremblement de terre en Méditerranée, et ses conséquences sur la centrale nucléaire du Bugey, Areva a pu jouer la carte de la transparence ou plus exactement du flou artistique.
- Mais vu quelle était la situation de cette centrale, avec ses milliers de voisins manifestant leur désir de fermeture de cette entreprise, reprit Léa, enfiévrée et déjà en train d’élaborer son argumentaire ; je doute que la situation soit aussi rose qu’on veuille bien le prétendre. Imaginez-vous, si la terre a tremblé à Paris, la secousse au Bugey, près de Lyon, a du être historique, elle aussi…
- Effectivement. Au Bugey, la Terre a tremblé plus fort qu’en 1920. Les Français eux aussi construisent des centrales atomiques en zone sismique, comme par fait exprès. Ils ont eu beau maquiller les graphiques des risques sismiques, aujourd’hui on sait que le territoire est sensible, confirma Joël.
- Et tu crois que les deux tremblements de terre sont liés ?
- Pour ce qu’on sait, c’est-à-dire pas grand-chose, le magma terrestre relève de la dynamique des fluides. Quand tu lances un sou dans l’eau, ça fait des ronds, c’est-à-dire que l’énergie se propage de forme exponentielle. Dans le magma, même combat, du moins on suppose…
- Nous sommes donc au bord d’un rond ! conclut Léa
- Et d’autres ronds peuvent suivre ! Les Espagnols s’inquiètent d’un éventuel réveil de leur plus haute montagne, le volcan Teide aux Canaries. S’il se réveille, il pourrait entraîner de gigantesques tsunamis aux Etats-Unis… précisa Joël.
- Excusez-moi d’interrompre vos considérations intellectuelles, mais ne croyez-vous pas qu’il serait adéquat de chercher à savoir si quelqu’un nécessite notre aide ? J’ai ma trousse norvégienne de première urgence et je peux sauver pas de vies rien qu’avec ça… Ce n’est pas normal qu’il n’y ait personne dans les rues… Pas même une ambulance ou une voiture de flics… pas l’ombre d’un pilleur, laissait tomber Nils sur le ton glacial qui lui était propre.
- Vous savez où je peux me connecter à Internet, comme ça on peut faire les deux à la fois et même plus : chercher les victimes, récolter des informations, transmettre des données, etc., grogna Dagmar tout en bidouillant son iPod en proie à une crise de délire. Pourquoi ça ne marche pas cette merde de téléphone portable ?
- La seule réponse possible est que ton téléphone portable a été irradié. Les robots eux aussi font n’importe quoi une fois irradiés… Ça c’est vu à Tchernobyl… répondit Léa d’une voix blanche dans le silence qui s’était installé.
- Léa, n’exagère pas, il faut une exposition prolongée. Pour ce qui est du iPod, c’est peut-être tout simplement de l’obsolescence programmée. Ma petite Dagmar, ça fait combien de temps que tu possèdes ce joujou électronique de toute beauté ?
- Quatre ans, papi, j’ai été l’une des premières à Berlin. Je l’avais ramené de Londres.
- Oui, quatre ans pour eux c’est déjà trois ans de trop… Quant à Internet, la voiture entière est sur une wifi du tonnerre 100% sûre. Plus besoin d’IP fantômes ! Mon petit Frédérique a réussi à capter le signal provenant du satellite avant qu’il n’atteigne la Terre, c’est-à-dire avant qu’Échelon ne l’analyse. Tu peux te connecter en toute tranquillité, Dagmar. Voici les codes d’accès…
Dagmar était déjà en train de se connecter grâce à son mini portable et pianotait avec énergie sur le clavier. Tout de suite, elle eut un petit cri d’alerte pour le groupe :
- Comme qui dirait la CIA vient de tuer un mec en dehors des USA… Mais meeerde ! Pourquoi ça se coupe comme ça cette putain de connexion à la con ?
- On est dans un tunnel Dagmar, relaxe, ça ne durera que quelques secondes…

(Texte Fred Romano et Franck dit Bart / illustration Fred Romano)
A suivre….. mercredi 1er juin !!!!!