Rencontre avec le dessinateur LARGE, auteur de "Dessins mal élévés"

Rencontre avec le dessinateur LARGE, auteur de "Dessins mal élévés"

Le dessinateur LARGE, que nous aimons beaucoup ici, sort une compilation réjouissante de son travail intitulée "Dessins mal élevés" aux éditions de La Lauze avec 170 dessins de Large (Siné Hebdo, Bakchich, Vigousse, Sud Ouest, La Mèche, Kamikaze...)
sur des textes de Siné, Christophe Alévêque, Didier Porte, Etienne Liebig, Noël Godin, Denis Robert. Une bonne occasion de poser quelques questions à Marc LARGE himsef et vous verrez que les réponses sont forts pertinentes.

1. Bonjour Marc Large, peux-tu te présenter pour celles et ceux qui n’ont pas encore la chance de connaître ton travail ?

Concernant mon « travail », je me sens comme un apprenti explorateur. C’est à dire que je refuse de m’enfermer dans une « carrière » bien tracée et facile. Ma curiosité m’entraîne parfois vers le dessin réaliste pour des carnets de voyage, et ma colère me guide de plus en plus vers le dessin de presse. J’ai donc fait une dizaine de bouquins tous très différents les uns des autres. Je ne suis que mon instinct.

2. "Dis moi qui tu aimes et je te dirais qui tu es", Quand je vois les gens qui sont tes amis ou que tu aimes, je me sens très proche de toi. Tu as l’air d’apprécier les gens libres, libertaires, originaux et qui se battent pour leurs idées n’est-ce pas ?

Oui, j’espère ressembler à mes amis. Mes derniers gros coups de cœur vont à Bob Siné, Didier Porte, Christophe Alévêque, Etienne Liebig, Noël Godin ou Denis Robert. Quand je les ai appelé pour qu’ils participent à mon nouveau livre « Dessins mal élevés », ils m’ont dit oui sans hésiter. Ils sont parmi les auteurs que j’ai le plus de plaisir à lire et ont ces qualités que je place par dessus tout : l’insoumission, l’irrévérence, l’indépendance, l’humour, la perspicacité, la haine de l’injustice et la peur de rien !

Pour mieux supporter la disparition trop précoce de notre canard Siné Hebdo, je triche en prolongeant un peu le plaisir en leur compagnie. J’ai voulu travailler à leur côté encore une fois. On ne peut pas se quitter comme ça. Allez quoi, un dernier verre !

3. L’actualité politique et sociétale est ta principale source d’inspiration , est-ce qu’un bon dessin de Large doit avoir un fond idéologique, partisan ?

Partisan, forcément. Bien que je me méfie énormément du manichéisme, cet espèce de sentiment naïf digne d’une religion. Mais je crois en ma Gauche idéale, pas toujours en celle qui existe. Après, le dessin de presse n’est pas là pour faire dans la dentelle et la nuance, c’est une photographie du moment, un instantané, un coup de fusil, une éjaculation. Il témoigne, il dénonce, il questionne, il se moque, il frappe et il doit surtout faire rire et si possible réfléchir. Après, tout ce qui est trop militant ou moralisateur me fait chier.

4. Tu sors une compilation de dessins mal élevés, est-ce à dire que "les cancres artistiques sont les meilleurs élèves de la Démocratie" (attention question hautement niveau classe de philo en terminale.)

Houlà... Attends, j’appelle BHL. Même s’il ne comprend pas la question, je suis certain qu’il a une réponse !

Le titre de ce livre est avant tout un hommage à Siné Hebdo, le journal mal élevé. Après, j’aime bien aussi le sens de « pas élevés, pas au-dessus de ». J’ai une immense sympathie pour les loosers, les perdants, les derniers... Et une horreur absolue pour ceux qui se croient arrivés, au-dessus des autres et qui se sentent élevés dans la hiérarchie socialement. Les dessins rassemblés dans ce livre sont souvent choquants, d’après les bourgeois, donc c’est un titre qui me plait bien.

5. Qu’est-ce que c’est un mauvais dessin pour toi ? Celui qui ne fait rire que son propre dessinateur ou les autres ?

Celui qui ne fait rire que son propre dessinateur. C’est la moindre des choses. Mais c’est très compliqué. Je reçois parfois de tes nombreux commentaires flatteurs pour un dessin qui me plait moyennement et à l’inverse, un dessin dont je suis plutôt fier peut laisser le lecteur totalement indifférent. C’est toujours pareil, c’est le lecteur qui choisit. Jamais un rédac chef ou un dessinateur. C’est pour ça que je refuse toujours de juger le travail d’un autre dessinateur. Il y a un public pour chaque dessinateur et donc de la place pour tous. C’est aussi pour ça que je suis toujours mal à l’aise quand un jeune dessinateur qui débute me demande mon avis sur son travail. Si t’aimes pas, t’es dans la merde et ça n’engage que toi. Et si tu lui dis, tu peux le casser dans son élan. Je me souviens, gamin, avoir croisé un connard d’éditeur qui m’avait dit « laisse tomber le dessin, c’est pas pour toi ». C’est le genre de phrase assassine qui te marque à vie. Il ne faut pas trop tenir compte des avis et faire ce que tu aimes, ce que tu as envie de faire. C’est un métier qui s’apprend tout seul. Et ça veut dire qu’il faut toujours avoir de l’autocritique.

6. C’est quoi ton style, qu’est-ce que tu apportes en plus comme regard sur le monde car il y a foule dans ce domaine de la caricature politique et sociétale, allez vends-toi un peu au grand Capital !

Mon style ? Je pense qu’il change chaque jour. C’est mon gros problème. Je suis un éternel insatisfait. Il va falloir pourtant que je choisisse une « patte ». J’ai tellement navigué entre le dessin réaliste et le dessin humoristique, que parfois j’en oublie les frontières. C’est très flagrant dans « Dessins mal élevés ». Mais c’est le lot de tous les dessinateurs. On apprend même à 80 balais.

Mais c’est impossible que je parle de mon propre boulot. J’attends que les lecteurs le fassent.


Large - Dessins mal élevés
envoyé par L_OuRs33. - Gag, sketch et parodie humouristique en video.

7. Si Sarko rempile en 2012 et qu’il passe, c’est tout bénéf pour ton métier non ?

Chaque jour qui passe, je me pince pour savoir si je rêve ou si c’est réellement cet espèce de petit truc agité, illettré, nerveux, provocateur, obscène et immoral, que les français ont élu. On n’a jamais été aussi bas. C’est même plus de la honte ou de l’auto-flagellation. C’est de la Science-fiction. Du pain béni, effectivement, pour les dessinateurs de presse ! Sauf qu’il est déjà tellement dans la caricature qu’il nous coupe l’herbe sous les pieds.


8. Quelle est la personnalité qui est si pourrie ou complexe que tu as du mal à la dessiner ?

Eric Besson. C’est un OVNI. Ce type-là a fait exploser tous les codes de l’entendement. Il est comme un robot programmé pour faire ce que lui dit son maître. Sans cœur, sans honte, sans morale, sans états d’âme, froid, impassible et intouchable. C’est comme si t’as 7 ans, que tu joues au foot avec des potes et que l’un d’eux change de camps à la dernière minute parce que ton équipe est en train de perdre. En fait, il n’a pas d’idéaux ou de rêve. C’est juste un carriériste. Et tout glisse sur lui, imperturbable, il se fout complètement de déplaire à ses adversaires comme à son propre camps. Il fait le boulot qu’on lui donne en vue seulement de grimper les échelons. En fait, c’est un type qui n’a pas de frontière pour lui même mais qui en veut pour les autres.

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