Michel Houellebecq et les mauvaises récupérations

Michel Houellebecq et les mauvaises récupérations

Michel Thomas est plutôt un brave type. Ultra sensible, talentueux, torturé, mal à l’aise dans son époque, il est fasciné par les Sciences et rêve d’une sexualité meilleure. Il a eu du mal à accepter son physique et sa condition d’informaticien, qui étaient de sacrés freins à la Baise avant qu’il ne devienne une Rock Star de la Littérature.
Michel Thomas s’est longtemps senti exclu de ce monde de la séduction où un bel homme peut avoir à peu près n’importe quelle femme dans son lit.
De toutes ces obsessions, ses complexes, ses frustrations ... est né un écrivain célèbre et un phénomène littéraire français qui fait même un peu parler de lui à l’étranger. Houellebecq est incontournable et sa vision du monde, quoique critiquable, mérite d’être analysée et commentée. Sa désespérance fin de siècle est un vrai témoignage sociologique et lettré qui a son intérêt et sa pertinence.
Oui mais voilà, le problème ce n’est pas Houellebecq lui-même, car il ne présente aucune forme de dangerosité personnelle, ni de prosélytisme idéologique déviant ... Non, non, le souci, c’est la récupération honteuse de MH par toute une bande de réactionnaires cyber techno haineux, racistes et violents qui pullulent et s’expriment sur le Net et dans des fanzines poisseux depuis la découverte de leur idole.

Houellebecq plaît aux Geeks extrémistes, aux boutonneux frustrés, aux petits nazillons cachés derrière leurs ordinateurs, aux pro-Bush, aux anti-arabes primaires, aux petits pédés refoulés avec chien-chien, aux oubliés du désir, aux cyber fachos, aux pro-sionistes, aux sectaires et pis encore à ceux qui le prennent pour le gourou d’une idéologie anti Gaucho, anti-Bobo anti-sociale.

La fange la plus désespérée de la population française pseudo cultivée lit Houellebecq avec Espoir, croyant avoir trouvé en lui un maître à penser, un guide spirituel (ou spiritueux ?). Houellebecq a des fans, souvent pathétiques qui le collectionnent et vivent dans son Culte.

Ils lisent Houellebecq au premier degré, ne comprenant pas forcément son humour et la distance ironique qu’il peut avoir avec son siècle. Ils consomment du Houellebecq pour ne pas se sentir trop seuls face à leur sentiment d’échec personnel. Ils se prennent pour les héros des personnages frictionnels de leur auteur favori et croient se reconnaître en lui.

Plus ils sont moches, mal dans leur peau, oubliés par l’Amour et incapables de trouver leur place dans la société, plus Houellebecq apparaît comme un sauveur, lui qui, parti de rien est devenu l’Ecrivain français le plus polémique et observé de son temps. Celui qui fédère la Gauche et la Droite, est aimé par les critiques littéraires comme par la ménagère qui l’achète dans un Relais H ou un supermarché.

Houellebecq, dans la vie, est un homme seul qui fait confiance à très peu de gens, qui s’isole à l’étranger, qui aime plus son chien que l’Humanité. Peu de gens trouvent grâce à ses yeux. Il a quelques fidélités avec ceux qui ont été bienveillants avec lui mais reste très méfiant. On ne sait pas vraiment comment il vit cet épanchement sordide autour de sa personne et de son oeuvre. Cela ne semble pas le toucher. Toujours est-il que le mal est fait, comme Nietzsche (et bien d’autres), Houellebecq est, et deviendra encore plus après sa mort, un auteur récupéré par cette foule anonyme de petits personnages mesquins qui ont besoin de se trouver un idéologue pour mettre en commun leur Haine brute.

Houellebecq, sans le savoir a créé un phénomène vicieux et sordide autour de lui. Il a réconforté des milliers de lecteurs dans leur dégoût du monde.

On peut aimer les livres de Houellebecq, trouver même le personnage touchant, mais toute autre forme de fanatisme autour de lui se révèle vraiment peu à son honneur.

Son dernier livre "La Carte et le territoire" est une parfaite illustration de ces propos, il ne créera pas de polémiques raciales ou politiques, et c’est tant mieux.

Qu’on prenne Houellebecq pour ce qu’il est, c’est-à-dire un bon écrivain de romans et qu’on évite, une bonne fois pour toutes, de chercher, trouver ou valoriser dans ses écrits des idéologies nauséabondes.

Dis-moi QUI te lit, je te dirai QUI tu hais ...


(infographie : Julien Alles)

Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, Ed. Flammarion, 432 p., 22 €.