Trois manifs pour Georges Cipriani et Jean-Marc Rouillan, et après ?

Trois manifs pour Georges Cipriani et Jean-Marc Rouillan, et après ?

Le 20 février, des rassemblements et manifestations étaient organisés à Toulouse, à Bordeaux et à Fresnes pour demander la libération immédiate et sans conditions de Georges Cipriani et de Jean-Marc Rouillan. Le point avec Jérôme, l’un des militants des collectifs de soutien aux militants d’Action Directe emprisonnés.

Peux-tu nous dire comment se sont déroulées les trois actions de samedi ? Qui appelait et d’où venaient les manifestant-e-s ?

Jérôme : Depuis plusieurs années, le 21 février, date de l’arrestation de Joëlle Aubron, Georges Cipriani, Nathalie Ménigon et Jean-Marc Rouillan, militants d’Action directe, est l’occasion de rassemblements des soutiens pour exiger la libération des camarades. Ces rassemblements avaient lieu devant les prisons où étaient incarcérés les prisonniers (Bapaume pour Joëlle et Nathalie, Ensisheim pour Georges et Lannemezan pour Jean-Marc). Cette année Georges Cipriani a demandé qu’il n’y ait pas de manifestation à Ensisheim pour briser un effet répétitif. C’est pourquoi les rassemblements ont eu lieu à Fresnes devant le CNO (Centre National d’Observation) où était passé Georges Cipriani il y a quelques mois et où est actuellement Jean-Marc Rouillan, ainsi qu’à Toulouse et à Bordeaux. Ceux qui appelaient et qui sont venus manifester leur solidarité à Bordeaux, Fresnes et Toulouse sont essentiellement des soutiens présents depuis plusieurs années dans la mobilisation pour la libération des camarades. Difficile de citer sans en oublier tous les collectifs, groupes et soutiens qui continuent à se mobiliser (Collectif Libérez les prisonniers Bordeaux, collectifs région toulousaine et Montpellier, Libérez-Les, Solidarité et Liberté, Secours Rouge Belgique, Amis et camarades des prisonniers d’Action directe Francfort-Paris, Ne Laissons Pas Faire, libertaires, NPA, soutiens de longues dates…).

On sait que Jean-Marc Rouillan est très malade. Pendant des mois, entre les Baumettes et le centre de détention de Muret, des soins adaptés lui ont été arbitrairement refusés. Maintenant qu’il est à Fresnes, plus proche donc de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, est-il moins mal traité ?

Jérôme : Il n’est pas moins mal traité. Il ne reçoit aucuns soins ! Depuis des mois que sa maladie a été détectée il n’a aucun traitement approprié. Il est possible que l’Administration pénitentiaire décide de profiter de sa présence à Paris pour l’hospitaliser à la Salpêtrière, hôpital où se trouve l’unique spécialiste en France du syndrome de Chester-Erdheim. Mais cette administration pénitentiaire a déjà montré maintes fois qu’elle ne renonçait à aucune violence pour tenter de briser les prisonniers. Lors de son départ des Baumettes, Jean-Marc s’attendait à être hospitalisé, selon la promesse d’un juge, et il s’est retrouvé à la prison de Muret, sans soins. Et rappelons que Joëlle Aubron a été menottée sur son lit d’hôpital et que seule une campagne de mobilisation a permis sa libération en suspension de peine pour raison médicale.

A-t-on une idée de ce qui se trame au Centre national d’observation de Fresnes pour Jean-Marc ? Avec un peu d’optimisme, on se dit que cela pourrait n’être qu’une « formalité » avant la sortie, mais on sait aussi que le CNO peut avoir des réactions pour le moins déroutantes. On l’a vu notamment avec Georges Cipriani.

Jérôme : Le CNO, et la commission pluridisciplinaire qui émet l’avis sur la « dangerosité » des détenus condamnés à plus de quinze ans de prison demandant à sortir, sont des outils de la nouvelle répression en œuvre en France. « Nouvelle » en ce sens qu’elle s’ajoute à la répression existante et qu’elle l’amplifie. La rétention de sûreté est une arme étatique d’une violence extrême. Elle permet de garder à vie toute personne condamnée, si sa peine dépasse quinze ans de prison, en dehors de tout procès. En ce qui concerne les prisonniers d’Action directe, la commission a donné un avis défavorable pour Georges Cipriani, entre autre parce qu’il « qu’il n’a pas évolué dans ses idées sur la légitimité de la lutte contre le capitalisme ». Pour Jean-Marc, aucun pronostic. Ce qu’on peut demander c’est que l’avis de la commission pluridisciplinaire ne traîne pas à être rendu. Il est obligatoire pour qu’une décision soit prise pour Jean-Marc. Pour Georges Cipriani, il a fallu plus de 200 jours pour que le rapport sorte.

Comment va Georges Cipriani ? Dans quelques jours, le 24 février, il devrait savoir s’il peut espérer mettre un pied dehors après vingt-trois ans de cabane non stop. Est-il confiant ?

Jérôme : Vu l’acharnement de l’État il ne faut jamais être confiant. Le dossier de Georges Cipriani est bon. Il répond à toutes les exigences demandées (travail, logement…). Le 30 avril 2009, sur un dossier similaire, le même juge qui doit donner son avis le 24 février, accordait la semi-liberté à Georges Cipriani. Si demain il refusait cette semi-liberté, il est clair qu’il aura reçu des instructions politiques pour ne pas libérer Georges. Mais même si la réponse est positive, il y aura sûrement appel du procureur et il nous faudra continuer à nous mobiliser. Par ailleurs depuis quelques années la « justice » fait traîner l’examen des camarades. Il n’est pas impossible que la date du 24 février ne soit pas respectée.

Une centaine de personnes manifestaient à Fresnes, dont des gens venus de Belgique et d’Allemagne. Des détenus ont répondu à vos slogans en tapant sur des casseroles. Il y avait plus d’une centaine de manifestant-e-s à Toulouse, dont la mère de Jean-Marc Rouillan, et la présence de militant-e-s libertaires, PC, NPA, LO, CGT… Des rues ont été rebaptisées avec les noms des prisonniers. Une délégation a été reçue à la préfecture pendant une heure… C’est assez dynamique dans l’ensemble. D’autres initiatives se préparent ?

Jérôme : L’année 2010 est une année de mobilisation pour la libération des prisonniers d’Action directe. De nombreuses initiatives s’organisent à travers la France (Angers, Bordeaux, Clermont, Dijon, Grenoble, Paris, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulouse, Tours, Saint-Denis, Le Havre). Les sites et blogs d’informations donnent le détail de ces initiatives. Il y aura notamment plusieurs projections du film Joëlle Aubron – Retour sur mon parcours militant. Pour beaucoup d’entre nous, Joëlle est toujours au cœur de notre mobilisation, elle qui jusqu’au bout s’est battue pour la libération des militants d’Action directe et pour la libération de Georges Abdallah, lui aussi prisonnier politique enfermé depuis 26 ans. C’est pourquoi une partie de la campagne s’appuie sur du matériel en lien avec Joëlle (Film de témoignage, cartes postales réalisées à partir des collages de
Joëlle, une des affiches de la campagne 2010).

Il est toujours possible de signer la pétition pour la libération de Georges Cipriani et de Jean-Marc Rouillan en envoyant tout simplement un mail à sout.ad@orange.fr en indiquant votre nom, vos qualités et votre ville.

Pour noter les initiatives en cours, consultez l’agenda sur ce site de soutien

Photo prise à la manifestation de Fresnes Droits réservés