Grâce à ma bartholinite…

Grâce à ma bartholinite…

« Madame, vous souffrez d’une Bartholinite. C’est une pathologie assez
grave si elle est négligée. Vous avez bien fait de consulter », m’a dit
la gynécologue. Mais, je n’aurais jamais consulté si je n’avais pas
mal. Et puis, cette douleur, ce gonflement vilain sur mon sexe, me
faisait trop mal. Vous vous rendez compte, je ne pouvais même plus
entretenir des relations sexuelles avec mon tendre époux. Il est
patient lui, mais moi je ne supporte plus cette privation.
Bon bref, qu’est ce que je dois faire maintenant, docteur ?, ai-je
lancé avec précipitation.

« Et bien, c’est clair, achetez des
médicaments et les injections qui figurent sur votre ordonnance.
Observer une période d’abstinence sexuelle jusqu’à ce que l’abcès
disparaisse. Aucune relation sexuelle n’est tolérée, sinon vous aurez
mal, même très mal et vous risquez des complications monstres ».
De la peur, j’en ai éprouvé certes. Mais, c’est plus la révolte que je
ressentais du fait que je devais m’abstenir de faire l’amour. Déjà que
les femmes algériennes s’abstiennent de sexe quand elles sont
célibataires de peur de provoquer la colère de Dieu et de leur
parents, cette vilaine bartholinite vient me condamner à cesser tout
contact physique.

Je suis sortie de chez le médecin assaillit par plusieurs questions.
Comment me priver d’amour pour une période même brève ? Peut-on vivre

sans amour. En Algérie, c’est possible puisque ce sentiment est
prohibé. En cachette oui, mais jamais au grand jour.
Et puis, moi faire des injections. Mais, j’ai une phobie noire des
seringues. Bon, allez, il faut bien que je sois raisonnable. Ce
gonflement me permet à peine de marcher et m’empêche de monter les
escaliers.

Ah, j’ai oublié c’est pour la première fois qu’un médecin me touche.
Bon j’ai fait en sorte que ça soit un médecin de sexe féminin, car
chez nous on nous apprend à être pudique et à ne jamais dévoiler son
corps. La pudeur et la honte font partie de notre quotidien. Vous
devez avoir honte parce que vous êtes une femme. Vous ne devez pas
vous montrer nue même devant un gynécologue.

C’est la loi de la
société que vous inculque votre famille dès un âge précoce.
Revenons à ma gynécologue. Elle m’a fait un examen gynécologique avant
de déclarer le mot fatal que je n’arrivais pas à comprendre.
Bartholinite. Infection de la glande de Bartholin située sous la lèvre
gauche.

C’est déjà quoi la lèvre gauche docteur ?
Mais, madame c’est la partie extérieure du sexe féminin situé à la
gauche. Vous connaissez les composants de votre anatomie génitale, au
moins ?

Euh, non docteur. Et bien en rentrant à la maison, prenez un miroir et
essayer de bien regarder votre appareil génital. Ainsi, vous saurez
mieux de quoi il s’agit.

De retour à la maison, j’ai voulu m’enquérir de l’état du gonflement.
Sur mon lit, je me suis allongé sur le dos. Munie d’un miroir, j’ai
entrepris l’exploration de mon anatomie.
Vous me croirez si je vous dis que c’est la première fois que je le
fais. Mon sexe, je ne connaissais pas son anatomie. Je venais pour la
première fois de me familiariser avec cette partie de moi-même que
j’occultais jusqu’ici. Et là, je le voyais, je le palpais et je le
sentais. J’étais surprise de savoir que je le voyais pour la première
fois alors, qu’à tout temps, il était là à tout temps et grâce à quoi
 ? A une bartholinite !

Mais, qu’est ce qui a fait mon ignorance de mon sexe. Et bien, c’est
mon éducation stricte et rigoureuse dans une famille conservatrice où
tout était interdit. Toutes les femmes doivent-elles être atteintes de
bartholinite pour découvrir leur sexe ? Ne serait-il pas meilleur
d’introduire une séance de jeu de miroir pour que chacune découvre ce
que longtemps on a tenté de lui cacher ? Ne doit-on pas, dès le jeune
âge, faire connaître aux filles et aux garçons leurs anatomies
génitales sans que des zones d’ombre continuent à entourer la question
 ? Pourquoi a-t-on même honte d’appeler un sexe par son non ?
Quelle honte y a-t-il à regarder de temps à autre son sexe ?
Serions-nous accusés de voyeurisme ? De perversité, peut-être ? Ou de
déviance sexuelle « chronique » ?

Je lancerais un appel dès ce jour à toutes les femmes algériennes : Ne
laissez pas la culture du silence renforcer votre ignorance ? Vous
êtes totalement en droit de regarder votre sexe tout comme vous
contemplez votre visage. Ainsi, non seulement vous saurez comment
votre anatomie est faites, mais vous serez après en mesure de passer à
une seconde étape : celle de pouvoir explorer vos zones érogènes et
ensuite transmettre à votre compagnon sexuel ce qui vous fait plaisir
pour parvenir à la jouissance. Connaître son anatomie sexuelle est la
première étape pour parvenir à l’épanouissement sexuellement.