Littéraire : L’Altana ou la vie vénitienne (1899-1924)…

Littéraire : L'Altana ou la vie vénitienne (1899-1924)…

Avec L’Altana ou la vie vénitienne, Venise peut se targuer d’un admirateur des plus zélés. Son nom ? Henri de Régnier (1864-1936), écrivain français, connu pour son art poétique, caractérisé par un ton délicat et un style recherché empreint d’une nostalgie toute XVIIIe siècle.

« Venise s’étale en son étendue et son détail, en sa forme de conque merveilleuse, joyau d’Amphitrite et de Neptune. Elle est là avec ses maisons, ses palais, ses églises, ses canaux, ses campi, ses calli, avec autour d’elle ses îles et ses lagunes […] »

(Henri de Régnier)

De Régnier a la bougeotte vénitienne : L’Altana est le fruit de douze longs séjours effectués à Venise de 1899 à 1924. Rassemblant toutes ses notes accumulées au cours de ses escapades vénitiennes, l’auteur des Médailles d’argile (1900) nous livre une œuvre surfant entre art, littérature et histoire, mêlant élégante érudition et émotions esthétiques.

L’Altana ? Ce titre énigmatique est en fait le nom de la terrasse en bois installée sur le toit des palais vénitiens. Lieu idéal de contemplation pour ce poète flottant dans les mouvances parnassienne et symboliste ! De Régnier, qui a autant le sens de la formule que celui de la description sculpte ses phrases en une épique musicalité. Tel un peintre architecte, il décrit ainsi un jour d’automne de 1899 - sortant juste de la gare - sa première vision de Venise :

« Au delà de cette eau on distingue une rangée de maisons, une église surélevée de quelques marches, et que surmonte un gros dôme au-dessus duquel brille une ronde, pleine et merveilleuse lune de septembre. C’est elle, cette lune merveilleuse, qui fait luire si étrangement à la proue des gondoles ce singulier bec de métal dentelé qui leur donne je ne sais quel air pharaonique, car elles sont là, les gondoles de Venise, alignées, noires et longues, à la fois funèbres et vivantes. » (p.23).

Le charme mélancolique de la Cité des Doges, un classique !, mord toujours. Cet ami et proche de Mallarmé nous avertit :

« Nul lieu n’est plus propice que celui-là au détachement de soi et à la paix intérieure. »

Est-ce pour autant le gros trip zen ? Pas vraiment… Dans sa préface, Patrick Besnier signale que « sociable et mondain, de Régnier ne conçoit pas la vie à Venise comme une expérience d’esthète solitaire ».

En fait, de Régnier fait partie d’une « bande » ayant choisi la capitale de la Vénétie comme point de ralliement. Là, il y fréquente les sommités artistiques et mondaines. Il puise également son inspiration dans les célébrités de la Sérénissime République : Goldoni, Gozzi, Casanova, le Tintoret, Véronèse, Longhi

L’on est frappés par la qualité littéraire de L’Altana ou la vie véntienne. Cet univers vénitien a certaines langueurs proustiennes, ce qui n’est guère étonnant car de Régnier appréciait l’œuvre de l’écrivain – il fut même président d’une société des amis de Marcel Proust fondée en 1929. Ce livre – considéré comme son chef-d’œuvre – constitue également un excellent document sur la vie sociale et artistique de Venise.

L’Altana ou la vie vénitienne (1899-1924), Henri de Régnier, éditions Bartillat, 288 pages, 2009
Prix : 20 euros

Edition établie par Patrick Besnier, qui a publié des essais sur Mallarmé, Raymond Roussel et Alfred Jarry. Actuellement, il prépare une biographie d’Henri de Régnier.