Les femmes ne sont bien vues que tête nue

Les femmes ne sont bien vues que tête nue

Alors que la folie s’empare de l’opinion publique à propos du "burkini" à la piscine, l’accès de la banque est refusé à une femme dont les cheveux sont dissimulés sous un foulard. Elle a porté plainte pour "racisme, discrimination religieuse et antisémitisme".

La semaine dernière, les lecteurs se sont émus d’un costume de bain adapté aux femmes désirant se baigner tout en suivant les rigoureux préceptes vestimentaires de la religion musulmane. Vendredi 14 août, une femme se présente à l’agence de la Société Générale de Viry-Châtillon, la tête couverte d’un foulard, mais elle est refoulée "par mesure de sécurité" par le personnel. Deux employés, puis le chef d’agence, lui font remarquer le panneau affiché sur le seuil, intimant les clients d’entrer à visage découvert.

Dans son témoignage publié par le site Internet du Collectif Contre l’Islamophobie en France, la dame précise que "Le foulard que je portais laissait parfaitement distinguer mon visage jusqu’au haut de mon front, mon visage étant tout à fait reconnaissable j’explique à l’employée que je refuse de retirer mon foulard, et que je m’étonnais d’une telle disposition puisque je n’ai jamais rencontré ce problème dans les agences auxquelles je vais habituellement". Mais rien n’y fait ! Le responsable de l’agence, une femme également, prétend qu’elle doit entrer tête nue.

"Dans cet incident, ce qui m’a le plus dérangée, c’est la façon dont j’ai été traitée", explique cette femme. "On m’a laissé dans le sas de l’agence, me parlant à travers une porte vitrée, faisant de moi un problème et un obstacle pour les clients de l’agence, me faisant ressentir que ma place n’était pas là, et incitant ainsi certains usagers à une attitude hostile envers moi puisque c’était moi le problème". Un certain nombre d’histoires ont déjà été rapportées par la presse à propos de la méfiance des employés de banque, peu enclins à subir un nouveau braquage.

Zineb Dryef soutient que "C’est la deuxième fois depuis le début de l’été qu’une femme voilée se plaint de s’être vue refuser l’accès à une agence de la Société Générale". Contactée par ses soins, la banque souligne que cette situation est le fait de consignes de sécurité appliquées dans toutes des banques de dépôt, et "C’est dans ce contexte qu’est arrivé l’incident du 14 août qui n’a trait qu’aux conditions d’application d’une règle de sécurité, sans aucun rapport avec une quelconque volonté de discrimination".

Tout le problème est de savoir ce qu’il faut comprendre par "visage découvert". La cliente venue déposer un chèque remarque : "Je lui réponds que mon visage est découvert et donc parfaitement reconnaissable, et lui fait remarquer que je ne corresponds pas à l’interdiction signalée à l’extérieur de l’agence". Mais dans cet échange de point de vue, les employés ont vu l’application stricte des consignes, en réclamant qu’elle se découvre, c’est-à-dire qu’elle enlève son foulard. Cette affaire est-elle symptomatique de la discrimination à l’égard des musulmanes ou le signe de l’évolution des mœurs ?

Comme les vêtements, la coiffure a eu un double usage à travers les âges. Protection contre les intempéries ou le soleil, elle est aussi l’affirmation d’un statut social. Si les hommes ont porté longtemps le chapeau, les femmes ont traditionnellement couvert leurs cheveux d’un bonnet, d’un voile, puis d’un fichu, avant de porter aussi des chapeaux qui leur confèrent élégance autant qu’originalité. C’est la belle époque des modistes, et seules les ouvrières osent sortir tête nue dans la rue. Les conventions de la bonne société stipulent alors que les femmes ne se découvrent en aucune circonstance, même à l’église.

Aujourd’hui encore, et même si les conventions et la mode ont bien changé, des sites Internet vantent les avantages du chapeau comme accessoire féminin. "Une femme en chapeau pour un mariage sera élégante et souvent complimentée sur cet article". Mais la coiffure n’est pas seulement l’occasion de se distinguer lors d’un événement mondain. En cas de pluie, elle est aussi un attribut très utile pour les femmes. Elles peuvent ainsi garder leur brushing intact par temps de pluie ou de grand soleil ! Qu’en est-il à la banque ? Les employés de la Société Générale de Viry-Châtillon ne pouvaient tout de même pas imaginer que cette femme pouvait dissimuler un fusil-mitrailleur sous son foulard.

Si Carla Bruni-Sarkozy ne manque pas une occasion de visite officielle à l’étranger pour se présenter tête couverte aux photographes, il en va autrement pour le commun des mortels. L’essor de la chapellerie ne fait pas partie des objectifs du gouvernement pour la reprise économique, et le tout-sécuritaire de la politique actuelle se trouve assez bien avec l’abandon des coiffures extravagantes, signe d’une outrecuidance trop peu plébéienne !