"Millénium" dégomme le modèle suédois !

"Millénium" dégomme le modèle suédois !

Comment s’explique de part le monde le franc succès de « Millénium », la trilogie (2.500 pages) de Stieg Larsson (1954-2004), jusqu’à l’adaptation du tome 1 au cinéma ? Peut-être que cet auteur / journaliste / militant suédois antifasciste hors norme a su interpréter et agir à sa façon contre certaines causalités de la magouille blues sociale internationale, comme son héros Mikael Blomkvist, un récidiviste jusqu’au boutiste du journalisme d’investigation sans concession.

Millénium, c’est le brûlot du cauchemar interplanétaire pour les socialos franchouillards du style de Tonton 1er fricotant dans sa jeunesse avec les fachos. Millénium dénonce la face cachée de la sociale démocratie modèle suédois déposé / la corruption comme affaire d’état, le dénis de la liberté des citoyens, qui de la naissance à la mort sont des assistés notoires en contre partie de leur silence figé / l’extrême droite actuelle agissante et menaçante sous les affres du passé de ce soit disant pays neutre, qui laissait circuler les convois nazis pour envahir les voisins amis / la moralité putative du protestantisme et ses dérives gravées dans les chairs et les esprits / la prostitution et le trafic de femmes / la psychiatrie camisole de la norme du système / l’espionnage et tant d’autres thèmes d’une extrême actualité brûlante.

L’Octave Mirbeau venu du Nord des « affaires sont les affaires » est mort à la tâche, son œuvre est sans doute inachevée. Je me fiche des ragondins de la presse people qui assiègent la famille de Stieg et sa compagne Eva Gabrielsson et leurs 30 ans de vie commune pour obtenir des ragots. Je me fiche de la raison de la mort de Stieg. Ras le bol déjà du matraquage avec le Michel Jason blanchi à la chaude bise du décervelage de l’unique norme musicale en vigueur. Ne comptez pas sur moi pour jouer le chacal et dresser le couvert des vraies / fausses révélations et vous en fiche plein l’estomac sur le cadavre de Stieg, bandes de décervelés aux médias des bas intestins indistincts !

Mon propos ne sera pas racoleur, simplement perturbateur, dans l’esprit de l’auteur de Millénium. Il a été comparé à Denis Robert, même que concernant ce dernier, un film est en préparation par Benoit Delépine. Les publicistes ont flairé le filon. La ressemblance s’arrête à la porte de la fiction. Toc toc toc, sauf que la littérature peut aussi ouvrir des bouches closes sur la réalité. Ce qu’aucun sociologue et autre monologue des psychologues n’y pourra rien changer. C’est toute la force des raconteurs d’histoires depuis la "Comédie humaine".

Millénium est servi par ses deux héros principaux. Leur parcours propre et leur fonctionnement ne relevaient pourtant pas le gant de se rencontrer sur fond d’amour libre. L’amour libre est non seulement vécu mais voulu entre Mikael Blomkvist le journaliste célibataire et amant d’Erika Berger, mariée et patronne de la revue Millénium. Mikael, aux grés de ses aventures journalistiques, est le jouet du plaisir physique des femmes avec lesquelles il ne se lie pas seulement dans un page. Aucune figure de la maternité, en tant que ventre à louer dans le concert social des femmes soumises au patriarcat familial, ne partage les chapitres des livres. Les femmes, bien souvent, sauvent de la mort Mikael.

Quant à Lisbeth Salander, héroïne inclassable et pourtant fiable de son image, elle prend corps à l’écran sous l’étoffe de l’actrice Noomi Rapace (quel blaze qui se surpasse !). Elle pèse 42 kilos, est bisexuelle, percée, tatouée, maquillée, sécrète sa crête punk, envoie chier le dress code en vigueur, roule moto Kawa et de ses ongles peints elle pirate les ordinateurs. Elle me rappelle par bien des points le caractère et la plastique de la femme rebelle digne de mon amie Fred Romano d’hier et d’aujourd’hui. Stieg s’explique : "J’ai sciemment inversé le rôle des sexes, Blomkvist se comporte régulièrement comme le stéréotype de la bimbo alors que Lisbeth Salander a été pourvue de valeurs et qualités généralement qualifiées de masculines".

Lisbeth, c’est aussi la célèbre héroïne de la littérature de jeunesse : Fifi Brindacier qui aurait grandi. Astrid Lingren est l’auteure géniale des tribulations de cette gamine rousse de 9 ans. Hors norme et très libre dans ses digressions et son imaginaire fertile, Fifi est flanquée de Monsieur Nilsson, un petit singe pour lequel j’éprouve des sentiments. Les néo-féministes ont toujours voulu bouffer la matrice de Fifi. Lisbeth ne se laissera pas acheter par ces bobos bonnes femmes si tristes, je vous le garantis. Son enfance à elle, c’est tout feu tout flamme, ce qui explique aussi son talent excessif pour les allumettes suédoises et les feux de joie dans ses actes extrêmes contre les hommes qui lui veulent du mâle ! Elle n’hésite pas à graver au fer rouge sur le ventre de son tuteur qu’il est un porc sadique, un violeur et un salaud. Elle a la vengeance facile comme exigence au respect de sa personne intègre.

Stieg Larsson ne s’en cache pas : "J’ai essayé de créer un univers réaliste". Pari gagné et en plein dans le mille. La Suède, paradis du modèle social démocrate vole en éclat et latte dans la fourmilière. Son éditrice au pays a eu du flair : "Les trois tomes forment une fresque sociale et fonctionnent comme un récit de plus en plus provocateur et révoltant, du pourrissement à l’intérieur du système judiciaire suédois". À l’heure de la mondialisation, je vous laisse le choix des déductions !

Allez-y, lisez dans l’urgence, si vous ne l’avez pas encore fait les trois tomes de Millénium au risque de tomber dans les pommes, tant les chapitres ne vous lâcheront pas d’une page.

Et pour les feignants et les feignasses, allez voir le film ! Il est assez fidèle mais ignore comme trop souvent dans les adaptations, les personnages secondaires. Sans doute pour ne pas trop entrer dans les faces troublées et cachées, sauf pour l’adorable Lisbeth que je vénère en secret comme ma meilleure copine, voir même plus si affinités particulières.

"Millénium" :

Tome 1 : "Les hommes qui n’aimaient pas les femmes",
Tome 2 : "La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette",
Tome 3 : "La reine dans le palais des courants d’air".

"Millénium", de Stieg Larsson est édité chez Actes Sud.