La vie de Michael Jackson comme un "Thriller"

La vie de Michael Jackson comme un "Thriller"

De la même manière que les gens ont vite oublié la toxicomanie et l’aspect boursouflé de leur idole Elvis Presley, ils préfèrent aujourd’hui ne garder en mémoire que les aspects séduisants de Michael Jackson dans une vénération posthume qui occulte un côté sombre de sa vie.

La carrière de Michael Jackson présentait déjà un encéphalogramme plat au moment où s’est tenu le procès pour abus sexuel sur enfant en Californie. En dépit d’un témoignage sinistre du garçon de 13 ans qui a témoigné d’actes sexuels de la star à son égard, un jury a décidé que le King of Pop n’était pas coupable. Mais des dommages ont été irréparables. "C’en était fini avec lui après le procès", raconte Dave Marsh, critique de musique rock, auteur en du 1985 d’un livre non traduit en français sur la descente aux enfers de Michael Jackson.

"Pour moi, il est mort comme célébrité avant de mourir en tant que personne", dit-il sans ambages. "C’était assez pathétique, les dernières années… Il a déchiré son image au couteau pour la briser. C’est vraiment une honte". Les jours suivant l’annonce de la mort du King of Pop à l’âge de 50 ans le 25 juin, les spéculations sur son usage immodéré des médicaments ont rappelé les cocktails pharmaceutiques que le King Elvis Presley s’administrait avant sa mort en 1977.

Comme ce fut le cas pour Elvis Presley, les ventes de disques de Michael Jackson ont soudain bondi à l’annonce de son décès. Les distributeurs ont eu de la peine à garnir les rayons pendant que les admirateurs fondaient sur les bacs… Et de la même manière que les fans concentrent leur attention sur le jeune Elvis, ils préfèrent se remémorer le visage d’ange de Michael Jackson avant qu’il ne soit défiguré par la chirurgie esthétique et la fatigue, en le rendant absolument effrayant.

Margo Jefferson, auteur en 2006 d’un livre éponyme sur Michael Jackson, a pensé que les gens pourraient séparer leurs sentiments au sujet de l’artiste Michael Jackson de leur attitude envers l’homme Michael Jackson. "Je pense que nous pouvons séparer les choses lorsqu’il s’agit de véritables icônes culturelles", plaide la biographe. Nous pouvons vivre en même temps avec leur talent énorme, qu’il s’agisse de Michael Jackson, ou de Marlon Brando ou de Judy Garland ou encore Elvis", argumente-t-elle, avant d’ajouter, "Et nous pouvons vivre avec en sachant les dommages énormes qu’ils se sont causés à eux-mêmes, qui leur ont été causés, et qu’ils ont causés à d’autres personnes".

Le biographe musical Barney Hoskyns présente d’un air triste qu’il avait prévu que Michael Jackson deviendrait "une sorte de martyr de la renommée". Il lui fait de la peine de concevoir "combien le plus fervent de ses admirateurs peut devenir myope, la manière dont ils ont pu refuser la réalité de l’hypocrisie de Michael". En 1993, Michael Jackson a payé des 23 millions de dollars pour faire taire une première allégation d’attouchements sur enfant. Dix ans plus tard, il déclare d’un air provoquant à un journaliste de télévision qu’il n’y a rien de mal à dormir avec de jeunes garçons.

C’est d’ailleurs en 2003 qu’est arrivée une deuxième offensive à propos d’attouchement sur un mineur et l’accusation criminelle d’abus sexuel. En 1994, Christopher Andersen a publié dans une biographie non autorisée de Michael Jackson que la vedette a passé presque chaque nuit avec de jeunes garçons âgés de 9 à 14 ans sur une période de trois ans à partir de 1987. Quand Stephen Davis se rendait chez lui à Encino, dans la maison où il vivait en Californie, pour s’entretenir en 1987 en vue d’écrire son livre Moon Walk, une succession de préadolescents leur ont constamment rendu visite.

"Jamais je ne les ai vus ensemble au lit, mais il me semble que ça tombait sous le sens que c’était comme s’ils campaient", tente d’expliquer Stephen Davis. "Ils campaient avec oncle Mike. Mais je ne crois pas qu’il a jamais posé la main sur eux". Les mœurs sexuelles qu’on lui prête et son ambition à changer d’aspect et de visage, la suspicion d’usage de drogues va persister longtemps, mais ce n’est rien à côté de l’héritage musical que laisse Michael Jackson. Une valeur sûre, et qui demeure en dépit des années sombres pendant lesquelles l’artiste a sombré avant de décéder.

Son disque Thriller reste l’album le plus vendu de tous les temps grâce aux clips vidéo bouleversants, comme "Billie Jean" et "Beat It". Par rapport à cet album, Bad (1987), Dangerous (1991), et Invincible (2001) ont moins vendu, tout en coûtant plus. "Tout sur Bad sonnait comme s’il avait été écrit par un groupe ou un ordinateur", fait valoir Barney Hoskyns, "Les albums suivants étaient horribles aussi", sans s’empêcher de railler : "Il est devenu tellement faux qu’il ne savait même plus ce qu’il y avait de vrai en lui".