Nicolas Sarkozy met ses amis à l’épreuve

Nicolas Sarkozy met ses amis à l'épreuve

Pourquoi le chef de l’État utilise-t-il ses amis plus fidèles à contre-emploi ? La question ne sera pas tranchée aujourd’hui. La nomination de plusieurs de ses séides au gouvernement a cependant l’aspect d’erreurs de casting. Revue de détail :

Luc Chatel a résumé le premier conseil des ministres du quatrième gouvernement Fillon avec ces mots sibyllins : "Vous devez être des ministres heureux, des ministres réformateurs, mais être graves parce que la situation est compliquée". Mais lui-même a-t-il de quoi se satisfaire d’une promotion à l’Éducation nationale, en dépit des honneurs qui vont avec ?

Certains estiment que cet élu de province, qui a ravi la mairie de Chaumont en Haute-Marne à la gauche dès le premier tour des municipales en 2008, a les compétences requises pour gérer les dossiers délicats. Les syndicats de l’éducation ne sont pas pour autant convaincus par la nomination de cet ancien du privé, qualifié de libéral par Gérard Aschieri, le secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU).

"Ce n’est pas quelqu’un qui s’est signalé par son intérêt pour l’éducation, donc je suppose qu’il a été nommé pour d’autres raisons. C’est un proche de Nicolas Sarkozy. Je ne sais pas quelle est sa feuille de route, mais c’est cela qui sera important", a-t-il fait valoir dès mardi soir. Il a bien géré ses dossiers, comme le plan automobile, les négociations chez Heuliez et Continental. À son actif, également, la gestion du dossier délicat de La Poste, qui s’apprête à devenir une société anonyme malgré la crise…

Mais avec sa tête de premier de la classe, Luc Chatel n’a jamais convaincu l’opinion publique, dans sa lutte contre les prix dans les grandes surfaces ou dans le bien-fondé des privatisations annoncées d’entreprises publiques. Né aux États-Unis, diplômé en marketing, il a commencé sa carrière chez L’Oréal… Ses détracteurs chez les militants associatifs l’accusent ouvertement de favoriser des pratiques anticoncurrentielles, autant de handicaps pour aborder le corps enseignant.

Visiblement fiers d’une promotion attendue de longue date, les sarkozystes historiques Christian Estrosi et Pierre Lellouche, respectivement à l’Industrie et aux Affaires européennes, ont gratifié les photographes d’un large sourire à la sortie du conseil des ministres. Le maire de Nice, éjecté après un mini-scandale ouvert par ses voyages en avion alors qu’il officiait à l’Outre-Mer, visait ostensiblement la sécurité publique au gouvernement. Mais l’opposition de Michèle Alliot-Marie a eu raison de ses ambitions. Christian Estrosi se voit affecté dans un périmètre incongrues, et il va devoir faire preuve de diplomatie avec Christine Lagarde et Patrick Devedjian.

"Tout ça serait risible si seulement l’Industrie n’était pas un poste clé en période de crise", écrit Gérald Andrieu dans Marianne, en rappelant les attaques lancées par Christian Estrosi au printemps 2008 à l’adresse de celui qui a eu la garde de la maison UMP : "Le parti n’est pas utile à Nicolas Sarkozy aujourd’hui, alors qu’il devrait être le garant de ses engagements. Il n’est pas non plus utile dans la vie politique parce qu’il y a un vrai problème d’organisation, de débat interne et de confrontation des idées".

Pierre Lellouche est enfin sorti du purgatoire, mais au lieu de lui confier une mission dans son domaine de prédilection, la Défense, Nicolas Sarkozy le colle aux Affaires européennes ! Cet homme de droite aux idées très arrêtées, conseiller diplomatique de Jacques Chirac à la mairie de Paris, président de l’assemblée parlementaire de l’OTAN à partir de 2004, aura certainement des choses à voir avec Bernard Kouchner. Mais ce membre du bureau politique de l’UMP depuis sa fondation, dont il devient le secrétaire général adjoint en avril 2004, ne se découvrira pas que des atomes crochus avec l’actuel chef de la diplomatie française.

L’aspect du nouveau gouvernement donne à penser un remaniement inachevé, préparé dans la hâte en dépit du temps et de la latitude pour y réfléchir. L’ouverture est bien faite à l’égard des centristes du MoDem, mais surtout des sarkozystes. Encore que ces derniers marchent sur des œufs !