La mort de la Baleine Rouge

Le plus célèbre des naturalistes français, insatiable explorateur du monde qui nous entoure et des hommes qui le peuplent, chercheur et professeur au Muséum d’Histoire naturelle de Paris, avait écrit en 1929 ce magnifique texte qui était resté manuscrit, bien caché dans le fond de la mémoire familiale.

On est loin, ici, des chroniques africaines pittoresques et scientifiques qui ont fait sa réputation. Point de désert à traverser mais des hordes de guerriers tout droit débarqués de leurs drakkars. Décidément la nuit de l’Avent de l’an de grâce 810 s’annonçait sous de mauvais hospices …

A la stupéfaction des habitants de Grand-Couronne, paisible village des bords de Seine, les terribles pirates débarquent et montent leur camp sur les rives du fleuve, à quelques encablures du village. Point d’assaut immédiat, mais un curieux rituel qui voit les hommes hisser à grands renforts de muscles la « Baleine rouge » sur un petit tertre.
Harald, le chef se meurt. On lui prépare donc son voyage au Walhalla, le paradis viking dans une cérémonie où le sacrifice humain est magnifié par le feu : « (…) le vieux drakkar se pli[a] en deux, se tord[it] peu à peu et de plus en plus, puis soudain se romp[it] avec fracas et s’abim[a] dans la fournaise, au-dessus de laquelle émergèrent encore un moment la proue effilée et sa tête de loup incandescente. » Tout était fini au matin. On était le 24 décembre.
Hjalmar, le fils du défunt, laisse ses ivrognes de marins fêter la fin des cérémonies funéraires et savourer le pillage du village à venir, et s’enfonce seul dans la forêt …

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Récit surprenant à la chute moraliste, mais ô combien universelle. Faisant fi des sophismes et des bonnes manières, Théodore Monod ose se saisir de l’homme tel qu’en lui-même, brutal et premier, pour le conduire vers le fond de son cœur et de son âme pour lui révéler la véritable nature qui sommeille en lui.

Ecrit en vingt-cinq heures au fin fond du Sud algérien, à l’âge de 27 ans, ce texte mêle l’attente monastique du jeune Théodore, isolé au poste de méhariste à la veille de Noël, à ses premiers amours faits d’observations et d’analyses.

Ce qui n’était, au départ, qu’un conte écrit dans l’intention d’intéresser ses compagnons sahariens à la formulation du message de l’Evangile, est devenu, par le sillage du temps et le jeu de l’édition, un petit livre de grande vertu.

Théodore Monod
La mort de la "baleine rouge"
Desclée de Brouwer, 2004
90 p. – 14,00 euros