La photographie à développement instantané est une longue histoire, alors que la société détentrice du brevet se résout ces dernières années à tourner le dos à la production. L’authenticité de ce procédé convainc pourtant de plus en plus de gens, et les amateurs d’instantanés ont engrangé chez eux des milliers de films produits par Polaroid. Les réfractaires au numérique s’organisent autour d’un Autrichien qui souhaite fabriquer à nouveau des films compatibles.

Florian Kaps est un conquérant de l’impossible. Ainsi qualifie-t-il son projet, que peu de gens s’accordent à donner la moindre chance de succès un an après sa mise en œuvre. Au mois de juin 2008, l’usine Polaroid située à Enschede, aux Pays-Bas, ferme ses portes, et c’est à ce moment que cet homme de 39 ans décide envers et contre tout de reprendre l’aventure Polaroid à son compte : "Le Polaroid demeure un des derniers produits médiatiques authentiques".

Il a loué, puis acheté sans hésitation les anciennes machines Polaroid à l’usine hollandaise. Il a prévu le début de sa propre production de films au cours de l’année prochaine, et pense fournir un million de films. D’ici là, Florian Kaps et ses collaborateurs en sont pratiquement réduits à réinventer le procédé Polaroid. En effet, les produits chimiques qui constituaient auparavant la marque de fabrique de ce papier photo ne sont plus fabriqués. "Nous en recherchons d’autres maintenant avec le même effet", fait valoir l’intrépide entrepreneur.

Et cela n’est concevable qu’en s’appuyant sur le savoir-faire d’hommes qui ont longtemps travaillé avec les films photographiques instantanés. Florian Kaps a pris à son service 12 des 180 collaborateurs de la société Polaroid, et l’on a peine à croire que ces personnes dont l’âge moyen tourne autour de 55 ans forment une start-up du dernier cri ! Alors que les chimistes d’Enschede s’affairent à un résoudre un problème de latex, le premier laboratoire de photographies instantanées allemand a déjà ouvert à Berlin.

C’est parce que la capitale allemande est à la pointe de la création artistique et des dernières nouveautés que le Viennois Florian Kaps tient beaucoup à être présent dans une ville où demeurent un grand nombre d’adeptes du Polaroid. La boutique est minuscule et elle a pignon sur rue dans le quartier des spectacles de Prenzlauer Berg. Elle prétend devenir un point de rencontre pour l’amateur et pour l’artiste, explique Marlene Kelnreiter, la gérante du magasin. Des expositions et des promotions sur la location d’appareils sont prévues pour rendre aux gens le goût de la magie du Polaroid.

Pour les photographes, les Polaroid sont en effet réellement magiques. Avec de tels appareils, le preneur de vues n’a jamais été aussi près du processus de développement photo. Avec de simples moyens, en pétrissant avec la main, en réchauffant avec un briquet, et le cliché devient une œuvre d’art… Les photographies instantanées possèdent vraiment une une autre esthétique par rapport au numérique. Des artistes comme des Andy Warhol et Roy Lichtenstein appréciaient déjà le Polaroid pour l’authenticité kitsch et le charme de ses défauts.

"La couleur, la vibration de la lumière offrent au moment du développement une relation tout à fait intime et personnelle avec l’image", pense aussi Florian Kaps, "ce qui devient rare dans le contexte numérique". Mais ce n’est pas tout à fait ce à quoi prétend la nouvelle invention PoGo, mise au point par l’ingénieur : une petite imprimante produit des clichés enregistrés par les caméras et les appareils photo numériques avec la technologie Polaroid.

"Mais ce n’est pas vraiment du Polaroid", se récrie Florian Kaps ! Les gens ont à cœur d’être confrontés à l’analogique, à l’authentique, aux choses qu’ils peuvent toucher. "C’est un peu comme avec les disques vinyles", qui ont eux aussi réalisé un grand retour dans l’affection du public.