L’Héritage d’Omar reste dans la Famille Bongo

L'Héritage d'Omar reste dans la Famille Bongo

Juste après la nouvelle diffusée jeudi de la présence d’Omar Bongo dans un hôpital espagnol, se sont répandues les spéculations les plus alarmistes, alors que les autorités gabonaises ont fait prévaloir la version officielle, selon laquelle ce dirigeant africain a subi un choc d’une très forte intensité émotionnelle.

Le doyen des chefs d’État africains est en effet très affecté depuis le décès de son épouse le 14 mars 2009, ce qui justifierait le séjour d’Omar Bongo à Barcelone, dans un service de la clinique Quiron, qui bénéficie d’une structure médicale de grande renommée internationale. Le porte-parole de la présidence du Gabon dément qu’il y a subi une intervention chirurgicale, mais des sources diplomatiques parlent de détérioration confirmée sous couvert de l’anonymat, en ce qui concerne jeudi soir l’état de santé du président gabonais, alternant des phases de conscience et d’inconscience.

Le chef de l’État gabonais aurait pu se rendre en France pour se reposer et se soigner. Mais l’affaire des bien mal acquis, qui fait du bruit en France, a dissipé cette idée. La Suisse aurait ensuite été envisagée, pour être abandonnée par le milieu présidentiel au profit de l’Espagne. Une telle destination était trop marquée par le précédent de Mobutu Sésé Seko. En 1997, quand il s’est fait chasser du pouvoir au Zaïre, il s’est rendu en Suisse, où le dirigeant fut soigné pendant plusieurs mois avant de décéder le 7 septembre 1997 à Rabat. Omar Bongo a donc été transporté par avion médicalisé en Espagne où il aurait déjà subi une hémorragie. Dans son édition du 10 mai, Jeune Afrique écrit qu’il était apparu, pour ceux qui l’ont vu récemment, comme éteint, fragile, en proie à un spleen aussi envahissant qu’indéfinissable, où la lassitude le disputait à l’amertume.

Omar Bongo aura donc survécu à tous les bouleversements qu’a connu le continent africain. Né sous le nom d’Albert-Bernard Bongo le 30 décembre 1935 à Lewai, à présent et par ses soins rebaptisée Bongoville, le vieux dirigeant a tiré parti de son habileté politique autant que des ressources pétrolières de son pays. Agent des services secrets français au moment de la décolonisation, il rejoint l’entourage de Léon M’ba et s’installe dans les sphères du pouvoir gabonais à l’instigation de Jacques Foccart. C’est ainsi qu’il devient au fil du temps un symbole incontournable de ce qu’on appelle la françafrique, et Nicolas Sarkozy l’appelle au téléphone le lendemain de son élection à la présidence de la République pour le remercier de ses bons conseils, et le reçoit à l’Élysée dans le courant du mois de mai 2007… Mais le vieux sage s’est également déplacé à Paris pour rencontrer François Bayrou et Dominique de Villepin.

S’il s’est gardé à gauche et à droite, Omar Bongo a également su préserver ses arrières. Le pays est dominé par une petite élite étroitement solidaire et les opposants redoutent que le fils du président, Ali ben Bongo, actuel ministre de la Défense, ne profite du vide du pouvoir pour en prendre la tête. Le gouvernement avait fait savoir qu’en cas d’absence prolongée du chef de l’État, la présidente du Sénat, Rose Francine Rogombe, 66 ans, membre du Parti Démocratique Gabonais (PDG) au pouvoir, assurerait l’intérim. Mais l’autre personne en lice dans la course au pouvoir est plus certainement la fille d’Omar Bongo, Pascaline, qui gère le pays depuis que le président est à Rabat et elle essaie de contrecarrer les plans de son frère, concède une source de l’entourage présidentiel alors qu’il s’était rendu au chevet de son épouse malade… Officiellement, Pascaline Bongo est directrice adjointe de cabinet de son père et l’a accompagné sur son lit d’hôpital à Barcelone.

Pour la population gabonaise, rien de cela ne doit toucher le commun des mortels. Nous avons commencé à faire des stocks, depuis que nous vivons avec des doutes sur la capacité du président Bongo à gouverner le pays, confie un passant en faisant ses emplettes dans la capitale. D’autres habitants de la capitale font état de patrouilles militaires nocturnes sans pouvoir dire si ce dispositif de sécurité est lié ou non à l’absence de Bongo, un des trois présidents africains visés en France par une enquête pour détournement de fonds publics. La croissance économique du Gabon a dépassé l’an dernier 5,0%, le plus fort taux en une décennie, avant d’être entamée par la chute des cours du pétrole, qui compte pour la moitié du revenu national. Omar Bongo a été réélu sans discontinuité lors d’élections jugées irrégulières par ses opposants. L’ascendant de cet homme petit et trapu, grand buveur sur son petit pays d’un million et demi d’habitants est incontestable.

La stabilité du Gabon est considérée comme un modèle en Afrique. Issu d’une ethnie minoritaire, Omar Bongo a trouvé à l’extérieur les soutiens nécessaires à son maintien au pouvoir. On nous a parlé de rupture, mais tout le discours de Monsieur Joyandet c’est de dire qu’il aime l’Afrique, se lamente un militant associatif : on se croirait revenu deux siècles en arrière. Et quand on regarde son agenda, on s’aperçoit qu’il a reçu hier, comme des politiques, Christophe de Margerie, le patron de Total, et Michel Roussin, vice-président de Bolloré. Eux deux et Bongo, c’est la Sainte-Trinité qui gouverne au Gabon.

 

 


Un homme incontournable arrive à disparaître
Et tout semble assez vide, en désarroi profond
Comme orphelin soumis alors que lui confond
Le peuple et sa personne à la façon d’un reître.

Quel n’est pas sûr qu’il soit fatigué de paraître,
Le lion s’ennuie à mort au-dessous du plafond
Du monde ténébreux et vague, où tout se fond,
Sauf un jour pour régler la question de l’urètre.

Si dans un dernier souffle il ne fait pas d’effort,
Vraiment se désagrège un peu son pouvoir fort,
Le deuil vient un peu tard juste après le partage.

Pour un homme africain c’est un sage assez dur
Qui s’en va sans rien dire au cœur d’un héritage
Et le chapitre est clos sans voir de drame obscur.