L’État UMP met une ville populaire au régime

L'État UMP met une ville populaire au régime

Alors que s’effectuent un peu partout des travaux sur l’autoroute A86 dans le cadre du développement durable et de la relance économique, l’État et le Conseil général UMP freinent des quatre fers pour ceux qu’il s’est engagé à faire à Nanterre.

À l’heure actuelle, des travaux gigantesques sont en cours pour le raccordement de l’autoroute A86 à celle de l’A13. Ils sont réalisés à la limite de la commune de Rueil-Malmaison, dont le maire UMP, ancien président de l’Assemblée nationale, entretient de notoriété publique d’excellentes relations avec la ministre de l’Intérieur. Dans le département et sur le même axe routier, un projet pharaonique d’enfouissement de la N13 à Neuilly est porté à bout de bras par le président du groupe parlementaire UMP au Conseil général des Hauts-de-Seine, par ailleurs fils du président de la République et précédent chef de file de l’UMP.

Mais Nanterre attend depuis le début du siècle que des travaux soient réalisés sur le territoire de sa commune pour la réalisation de la couverture de l’échangeur A14-A86. Il y a pourtant des milliers d’habitants qui vivent au quotidien au milieu de ce secteur, digne d’un véritable paysage lunaire, s’indigne le maire : c’est intolérable. Pourquoi cette apparente discrimination ? La ville, malheureusement, est dirigée par une municipalité communiste, elle est l’un des vestiges de la banlieue rouge pour laquelle nos élites parisiennes ont nourri tant d’appréhension depuis les années trente.

Il a fallu du temps pour que la ville de Nanterre profite enfin de sa situation géographique, écrit Les Échos le 4 octobre 2005 : elle devient préfecture lors du démantèlement du département de la Seine en 1968, hérite alors d’une université, et prolonge, de fait, le centre d’affaires de la Défense. Ce qui n’empêche pas cette ville de banlieue d’être tenue à l’écart des programmes d’aménagement qui sont pilotés depuis les ministères ou le département, d’abord aux mains du RPR et de Charles Pasqua, dirigé ensuite par Nicolas Sarkozy et ses amis UMP.

Peu à peu s’ouvre dans l’horizon de cette commune des Hauts-de-Seine toujours encombrée d’infrastructures routières et ferroviaires une percée paysagère. Des projets dorment dans les cartons, en attendant que la ville, touchée par le renchérissement des prix de l’immobilier à cause de sa proximité avec le site de La Défense, bascule enfin à droite. Au-delà de l’intérêt immédiat de ces aménagements pour les Nanterriens, réparer ces déchirures urbaines est une question d’équité nationale, au sens de l’aménagement du territoire, plaide le responsable de l’équipe municipale : comment admettre de laisser cet immense secteur stratégique de la métropole parisienne dans une telle déshérence ?

C’est pourquoi l’État fait la sourde oreille, ce qui fait dire à la députée de la circonscription au cours d’une séance du printemps dernier à l’Assemblée nationale qu’il s’agit pourtant d’un engagement pris en 2000, lors de la création de l’établissement public Seine-Arche, engagement qui portait également sur l’enfouissement des deux bretelles dites B4 et B5 de sortie de l’autoroute A14 sur Nanterre, une dépense estimée à 51 millions d’euros. Ses récriminations auprès des ministres responsables font à chaque fois l’objet de fins de non-recevoir polies.

L’État tiendra ses engagements et apportera le financement prévu pour la réalisation de la couverture de l’échangeur près de la cité Anatole-France, lui a répondu Nathalie Kosciusko-Morizet au nom de Jean-Louis Borloo l’année dernière : si cet effort n ’a pas été possible dans le cadre du contrat de plan en cours d’achèvement, il constitue une priorité… Priorité d’accord, mais les copains d’abord ! Ainsi les financements sont-ils toujours repoussés aux calendes grecques, en attendant que la mairie tombe enfin dans l’escarcelle de la droite… L’an dernier avant les élections municipales, Roger Karoutchi avait un temps formé le projet d’arracher ce bastion communiste à la Gauche, mais une conjoncture défavorable a eu raison de ses ambitions.

Les atermoiements des pouvoirs publics font pendant à la concupiscence des élus UMP d’un département dirigé depuis que Nicolas Sarkozy a été appelé à d’autres fonctions, par Patrick Devedjian. Mais ce dernier, qui bénéficie désormais d’un portefeuille ministériel susceptible de faciliter la mise en œuvre des travaux que les habitants de Nanterre appellent de leurs vœux, n’a pas de meilleure idée que de fusionner l’EPAD et l’EPA Seine-Arche, afin de mettre la main sur un établissement public d’aménagement géré par l’adversaire, sinon l’ennemi !

Car les sémillants promoteurs de la droite décomplexée gardent un souvenir vivace des coups de poing échangés au temps de leur jeunesse avec les bolcheviks à la fac de Nanterre. Pour vous en convaincre, écoutez bien leurs discours à la télévision, ils sont pleins de métaphores empruntées à la dialectique marxiste… Quant aux habitants de Nanterre, ils apprendront ainsi à voter comme il faut.