AUTOPSY (DE PETITS CRIMES INNOCENTS)

AUTOPSY (DE PETITS CRIMES INNOCENTS)

Pitch : Prenez une adorable petite fille, enlevez lui une ou deux valeurs fondamentales pas très importantes puisque essentielles, laissez-la macérer quelques années dans sa solitude et vous en ferez la serial killeuse la plus innocente de toute l’histoire du crime.

Son parcours incroyable mais presque vrai se conjugue en 12 tableaux :
Papa : battue régulièrement, elle nous raconte ses relations musclées avec un père qui sera sa première victime.
Maman : un tableau tendre et terrible de sa mère prostituée, qu’elle est si heureuse d’avoir enfin pour elle toute seule !
Tonton : un nouvel homme remplace Papa dans le lit de Maman, et sera sa deuxième victime. Dommage, il lui offrait des barbes-à-papa le mercredi...
Mémée : Placée chez sa grand-mère, elle ne supportera pas longtemps les brimades de Mémée, championne du monde de radinerie...
Le chat à Mémée : C’était le préféré à Mémée : il va le payer !
Intermède : Enfin l’entrée au collège ! Exactement le jour de ses « monstrues »...

Etudes : elle n’est pas faite pour les études (on notera un important accroissement du taux de mortalité chez ses professeurs).
Esperiences : premières expériences sexuelles : mortelles pour ses prétendants !
Boulot : premières expériences professionnelles où elle constate que sa vocation est d’être rentière.
Doudou : elle finit par se marier, pour faire comme tout le monde. Et comme tous ceux qui l’approchent, son mari Doudou ne fera pas long feu et deviendra vite « feu son époux ».

L Amour : heureusement, l’amour finit par croiser sa route.... pas longtemps. Il fallait bien un crime passionnel dans le tableau.
Conclusion : et voilà notre héroine à l’âge adulte, désabusée et démunie. Méfiez-vous, si vous croisez sa route, un accident est si vite arrivé...

Extrait

« Le commissaire-avec-la-pipe disait à son copain le-policier devant-la-porte que maman était entraineuse et que papa était souteneur. Comme je comprenais pas, plus tard j’ai demandé à maman de m’espliquer. Elle a dit « c’est rien que des bétises, t’as du mal entendre, papa était soutien de famille. » Pour maman aussi y racontait n’importe quoi : elle avait pas vraiment l’air d’une sportive, elle aurait pas pu entrainer personne.

Maman était contente de plus avoir à parler fort avec papa et moi ça m’a pas fait trop de peine parce que je m’étais assez exercée à la course à pied et parce que j’étais heureuse d’avoir ma maman pour moi toute seule et aussi parce que même si c’était mon papa, j’aimais pas les chauves. Du coup, j’avais plus mon lit dans le placard et je dormais avec maman. Je remercierai jamais assez papa de m’avoir appris sa façon de régler les problèmes ! »

Note de mise en scène

Comment devenir une tueuse attachante sans aucune notion de responsabilité ? Lorsque l’on m’a confié le texte de Gerald Gruhn, ce fut une grande surprise et une satisfaction de découvrir sous la plume d’un homme, un univers de « fille » et de « femme » tendre, poétique et atrocement cynique. Cette petite peste qui se transforme en tueuse, à laquelle on s’attache et que l’on finit par comprendre, nous fait pénétrer dans les méandres de son cerveau destructeur. À travers la galerie de portraits qu’elle nous livre, nous pouvons tous y retrouver des souvenirs et des résonances avec nos propres familles.

Pourtant, ce petit bout de femme met en abîme un vrai questionnement de société. Qui met l’arme dans qui ? Que devenons nous si on se laisse aller à résoudre nos problèmes par pulsion morbide ? A quel moment commet-on l’irréparable ?

Elle se transforme en tueuse sous nos yeux et nous permet d’assouvir nos bas instincts de vengeance, comme un cow-boy sans foi, ni loi « C’est pas ma faute à moi ». Pour moi, ces questions devraient rester ouvertes et l’on devrait sortir de ce voyage avec un sourire doux-amer.

Annabelle Stefani

NOTRE AVIS : Un réussite totale. Un décor simple et malin. Un fond noir et trois fauteuils de tailles différentes. Une comédienne épatante et seule en scène servie par un très bon texte et une mise en scène aux petits oignons. L’innonce perverse de cette fille devenue femme est un morceau d’anthologie.

Avec ses couettes, ses socquettes blanches et sa petite jupe à carreaux, puis ses cheveux lachés, ses bas noirs et ses poses sexy, l’excellente Juliette Stevez est toujours juste, belle émouvante, audacieuse ; inspirée, généreuse à plusieurs âges de la vie.

Elle a une diction parfaite et un jeu plein de nuances, elle est à l’aise dans l’espace et met en relief toute l’intelligence et la pertinence du propos.

La pièce de Gérald Gruhn évoque le banditisme et relate, par le biais d’un monologue le parcours terrible mais touchant d’une enfant qui va tuer presque par accident et nonchalance. Fille d’entraineuse et d’un monsieur qui travaille de près avec la police en étant un voyou selon ses dires, elle confie ses joies et ses peines à un Psy qui le payera cher.

Itinéraire d’une enfant pas gâtée, déboussolée, en quête de sens, elle tue pour survivre dans une grande décontraction, use de ses charmes et mlanipule son monde.

Ce spectacle est absolument jubilatoire, original et tragi-comique, on n’en perd pas une miette, on est scotché par le talent de cette jolie comédienne au jeu si subtil et fort, on aime à la folie l’originalité du Moi et sur-Moi en sujet et la manière dont le sujet est traité, et l’on a envie de conseiller la pièce à ses amis.

A aimer au premier et au second degré. Une autospy où l’on paye content.

Bravo à l’équipe.

THEATRE LES DÉCHARGEURS, du 20 janvier au 28 février 2009