Arnaldur Indridason jette un froid dans l’univers du polar

Arnaldur Indridason jette un froid dans l'univers du polar

Auteur de six romans noirs, Arnaldur Indridason — né à Reykjavik en 1961 — signe avec Hiver Arctique (Vetrarborgin, 2005) un polar des plus prenants. Avec Arni Thorarinsson et Jon Hallur Stefansson, il est un des représentants les plus percutants de la nouvelle vague islandaise de littérature policière.

Un soir glacial de janvier à Reykjavik, le corps — sans vie — d’un petit garçon est retrouvé au pied d’un immeuble de banlieue. C’est le point de départ d’une palpitante intrigue policière avec l’inspecteur Erlendur, personnage central d’Hiver Arctique et figure familière des polars d’Arnaldur Indridason. En effet, tel Maigret, le policier islandais va remuer ciel et terre pour percer le mystère de la mort d’Elias, 12 ans, enfant d’origine thaïlandaise, apprécié de tous dans son quartier.

Dans une langue simple et directe, indifférente à tout exotisme, Indridason nous fait pénétrer dans un univers à la Simenon aux couleurs boréales. L’auteur nous interroge sur les mobiles du crime, privilégiant l’angle de l’enfance et de l’univers intime des personnages. Tout au long de son enquête, Erlendur prend son temps, mot ayant une forte résonance chez l’auteur qui confiait en 2008 :

Le temps en tant que concept est quelque chose qui m’intéresse énormément — la manière dont le temps passe, mais aussi son influence, les conséquences de son passage sur nos vies (1).

Erlendur et ses deux limiers — Sigurdur Oli et Elinborg — vont s’engouffrer dans de multiples pistes pour résoudre cette ténébreuse affaire, mettant à contribution voisins, élèves, professeurs, ascendants proches ou lointains… Une quête de la vérité semblant sans fin, compliquée par de nombreux rebondissements comme la disparition de Niran, le frère ombrageux d’Elias et celle d’une femme trompée, qui va semer la confusion sur son identité dans l’esprit de l’inspecteur.

Ces disparitions offrent une thématique récurrente chez Indridason :

Mes romans traitent de disparitions, mais ils ne traitent pas principalement de la personne qui a disparu, plus de ceux qui restent après la disparition, dans un état d’abandon. Je m’intéresse à ceux qui sont confrontés à la perte. Ce sont ces gens-là que j’appelle les "squelettes vivants" : ils sont figés dans le temps (2).

Dans Hiver Arctique, Erlendur promène donc son squelette vivant (!) confronté à ces disparitions, comme celle de sa vieille collègue (Marion), ou celle de son jeune frère (Bergur), l’ayant marqué d’un fer rouge durant son enfance. L’enquête de ce Sherlock Holmes, aussi efficace que déprimé, se télescope à sa vie privée, compliquée par un mariage raté, une liaison problématique et une fille empêtrée dans la drogue.

La fin — que l’on ne dévoilera pas — fournissant l’explication de la mort de l’enfant se révèle aussi banalement étrange que l’histoire dans son ensemble.

Hiver arctique, un polar très prenant, habité par les esprits et la mort… En voici un extrait :

Le vent glacial soufflait sur Erlendur à côté du terrain de jeu où Elias était mort. Son esprit s’en alla déambuler au-delà des montagnes et des landes jusqu’à un autre enfant dont il avait autrefois lâché la main, un enfant qui le suivait comme une ombre triste à travers la vie. (p. 93)

(1) Propos recueillis par Mikaël Demets pour Evene.fr (février 2008),

(2) idem.

HIVER ARCTIQUE, d’Arnaldur Indridason, traduit de l’islandais par Eric Boury, éditions Métailié, collection Bibliothèque nordique - Noir, 335 pages, février 2009. Prix : 19 €

Du même auteur :

LA CITE DES JARRES (Métailié, 2005)
LA FEMME EN VERT (Métailié, 2006)
LA VOIX (Métailié, 2007)
L’HOMME DU LAC (Métailié, 2008)