ALLEZ ! ALLEZ ! BOUTEFLIKA PRESIDENT !

ALLEZ ! ALLEZ ! BOUTEFLIKA PRESIDENT !

Le 9 avril 2009, les Algérien(e)s seront appelé(e)s à élire un président à la tête du pays. En attendant, les partis politiques et les organisations de la société civile ne cessent de s’exprimer sur l’échéance à-venir. Alors que le Président sortant, A. Bouteflika continue à entretenir le mystère sur sa candidature pour un troisième mandant à la magistrature suprême, une question fondamentale fuse de toutes parts : « se présentera-t-il ? ». Même si la question reste posée, il semble néanmoins que le soutien d’un groupe de partis politiques, d’associations et d’organisations nationales laisse entrevoir les intentions de celui qui aime à cultiver le suspens. Alors, qui sont ces partisan( e)s de « Bouteflika, Président ? ». Et quels sont les arguments qui structurent leur soutien inconditionnel au président sortant ?

Ah, comme c’est bizarre ! Les préparatifs pour les présidentielles algériennes ont tendance à prendre l’allure d’une gigantesque scène d’une pièce de théâtre à suspens qui se joue en plusieurs actes dont on devine facilement le dénouement. Au cœur de ce vaste champ électoral où le pouvoir est l’enjeu fondamental, des acteurs jouent à la perfection le jeu de l’illusio, c’est-à-dire « le fait d’être pris par le jeu de croire que le jeu en vaut la chandelle... ». Et dans cette action qui met en évidence les stratégies, les alliances, les conflits…certains se parlent et forment des pôles de soutien. D’autres critiquent et s’opposent à l’événement qui occupe la scène politique. D’autres vont jusqu’à se retirer de l’action qui structure cette pièce où le surgissement ne finit pas de surprendre le public et de le prendre aux tripes.

Dans cette ambiance d’où se dégage une odeur familière, A. Bouteflika., le personnage principal joue à partir des coulisses. Le temps du face à face avec le public semble encore prématuré. Le président sortant brille par son absence. Pourtant, sa présence, symbolique notamment, pèse de tout son poids en raison essentiellement d’un large capital politique et social qu’il entretient et active pour des fins d’intérêt général et national, aime-t-on dire.

Mais alors qui sont ces acteurs et ces actrices qui animent ce grand réseau qui, depuis quelques mois organisent et mènent des campagnes de soutien à A. Bouteflika avant même que ce dernier ne révèle ses intentions ?

D’une manière générale, le pôle des partisan( e)s du président sortant se compose majoritairement de partis politiques et de plus d’une vingtaine d’associations et d’organisations nationales.

En effet, depuis quelques mois déjà, trois partis politiques, le Front de libération nationale (F.L.N.), le Rassemblement national démocratique (R.N.D.), le Mouvement social et patriotique (M.S.P.), ont appelé A. Bouteflika à présenter sa candidature aux prochaines élections. Et pour donner à ce dernier toutes les chances d’être réélu, ils ont formé « l’Alliance présidentielle » qui a annoncé la création d’une « campagne de sensibilisation de proximité. Et afin de donner une dimension concrète à leur politique de soutien, les dirigeants des trois partis et leurs militant(e)s élaborent des stratégies d’actions communes afin de mobiliser les citoyen(e)s pour s’inscrire sur les listes électorales, de les « convaincre de s’acquitter de leur devoir de citoyen » et de les sensibiliser à la nécessité de voter pour A. Bouteflika.

Afin d’éclairer sur sa méthodologie d’action, « l’alliance élargie » qui fait office d’un « staff de campagne électorale », a annoncé la tenue d’un rassemblement populaire qui se déroulera à la coupole du 5 juillet, au cours duquel A. Bouteflika annoncerait officiellement sa candidature (selon la loi électorale, les déclarations de candidature « doivent être déposées au plus tard dans les 15 jours qui suivent la publication du décret présidentielle qui fixe la date du scrutin »). A. Belkhadem, le Secrétaire général du F.L.N., a affirmé que A. Bouteflika sera « le dernier candidat à déposer son dossier auprès du Conseil constitutionnel ».
Ce consensus autour de la figure du Président sortant ainsi que cette mobilisation pour soutenir sa candidature sont justifiés par la nécessité et le devoir de « pérenniser la stabilité et garantir la continuité » de la politique de changement initiée par A. Bouteflika qui selon le Secrétaire général du R.N.D., A. Ouyahia, « a eu le courage politique de transformer la trêve de 1997 en concorde civile et par la suite en réconciliation nationale ». Selon les membres de l’Alliance présidentielle, le président sortant est donc présenté comme étant le seul à avoir apporté des « solutions palpables à la violence » et à avoir « réussi à éteindre le feu de la Fitna (discorde) ».

Récemment, plusieurs associations féminines se définissant comme « non partisanes » ont annoncé leur soutien à la candidature au président sortant et ainsi la création d’un comité national dont le rôle est d’œuvrer pour la réussite des élections présidentielles prochaines.

S. Benhabillès, Présidente de « l’Association pour la promotion de la femme rurale » a dévoilé la méthode d’intervention de ce comité qui prévoit de « faire un travail de proximité et de porte-à-porte –afin d’- être à l’écoute des femmes, d’établir un dialogue avec elles et de les sensibiliser sur la nécessité d’accomplir leur devoir électoral qui leur a été conféré par la Constitution ».

Les motivations de cette campagne de mobilisation et de sensibilisation en direction des femmes rurales ont un lien avec la politique de A. Bouteflika qu’elles jugent globalement positive car de leur point de vue, elle a permis à l’Algérie de s’engager dans « un processus démocratique, de stabilité et de développement ». Ainsi, au nom de l’intérêt du pays et pour permettre la continuité et la consolidation du programme de relance économique et social initié par le président sortant, ces femmes affirment et confirment haut et fort leur détermination de garantir la réussite de la réélection de A. Bouteflika.

De son côté, l’Union générale des travailleurs algériens (U.G.T.A.), l’organisation syndicale la plus importante en Algérie a exprimé son « plein soutien » à A. Bouteflika et ainsi son engagement dans la concrétisation de son programme.

Au cours d’une assemblée générale et à l’issue d’un vote à main levée, les membres du Forum des chefs d’entreprise (F.C.E.), principale organisation économique en Algérie, ont exprimé « leurs satisfactions dans les réalisations enregistrées dans le cadre du programme présidentiel de la relance économique, notamment la création de richesses et d’emplois ».

L’Union des femmes algériennes (U.N.F.A.), l’Organisation nationale des Moudjahidines (O.N.M.), les Scouts musulmans algériens (S.M.A.), l’Organisation nationales des victimes du terrorisme (O.N.V.T.) et bien d’autres associations et organisations ont, lors d’un déclaration commune, lue en décembre 2008 par M. Saïd Abadou, secrétaire général de l’O.N.M., exprimé leur soutien au président sortant : « Nous, organisations nationales, déclarons le moudjahid A. Bouteflika, notre candidat à l’élection présidentielle d’avril 2009 et nous lui apportons notre plein soutien pour parachever l’oeuvre de consolidation entreprise dans le développement économique, de l’épanouissement social au sein d’une Algérie réconciliée, de paix, de stabilité et de progrès ».

Les discours du pôle partisan de A. Bouteflika soulignent le rôle positif et structurant de la politique du président sortant. Ses dix années de règne et de « redressement national » sont évaluées sous l’angle du changement à tous points de vue : social, économique, politique, sécuritaire …
Ces partisan( e)s s’accordent généralement à considérer l’acte de voter comme un devoir constitutionnel et à l’appréhender comme un instrument qui permet la continuité de la politique de stabilité et de paix initiée par A, Bouteflika depuis son arrivée au pouvoir en 1999.

Leurs arguments semblent être dominés par l’idée d’un bien-être national qui laisse transparaître une dimension essentiellement nationaliste. La référence à la guerre de libération, la nécessité voire le devoir de maintenir la stabilité du pays et l’obsession de veiller à l’unité nationale sont des éléments qui reviennent comme des leitmotiv.

La figure de A. Bouteflika qui émerge de ces arguments est celle d’un leader, vecteur de transformation et de dynamisme. Il incarne la stabilité, le progrès, la paix et l’union nationale. Il est en quelque sorte présenté comme « le sauveur » de l’Algérie. Le « père » de tous les Algérien( e)s. Il est l’homme providentiel. L’homme de la situation. L’homme du présent et du futur qui a engagé et continuera d’engager l’Algérie sur la voie du changement. Ce président qu’il faut absolument maintenir au pouvoir afin de lui permettre de poursuivre « le renouveau national entamé depuis 10 ans » émerge ainsi comme le « bâtisseur » d’une Algérie renouvelée et réconciliée avec elle-même. « Il y est. Il y reste » est le slogan qui sied à merveille à cette grande campagne de soutien à A. Bouteflika.

Mais face à ce concert de louanges et d’éloges à l’égard de la politique du président sortant, qu’elle est l’opinion de la majorité silencieuse, ces hommes et ces femmes frappé( e)s de plein fouet par la crise économique et qui peinent à joindre les deux bouts ? Que pensent les femmes algériennes que les tenants du pouvoir continuent à maintenir dans un statut de minorité opprimée par le biais du Code de la famille, document social et juridique qui s’inspire de la shari’a et des us et coutumes ? Que pensent cette « foultitude » de jeunes qui, à défaut d’une vie à soi, passent leur triste vie à tenir les murs de leurs immeubles et à rêver de s’exiler vers d’autres horizons, sous des cieux cléments et valorisants ? Ces jeunes qui appellent de tous leurs voeux le renouvellement de la classe politique algérienne ?

Alors, A. Bouteflika, encore un troisième mandat ?

Mais au fait quel est votre programme pour que l’Algérie redevienne cet « Eldorado » dont rêvent tant d’Algériens et d’Algériennes qui ne demandent qu’à vivre une vie libre et décente ?