Pas plus de Beurre dans les Épinards que de Crise économique

Pas plus de Beurre dans les Épinards que de Crise économique

Histoire de mettre à l’aise à 2 jours de l’ouverture du sommet économique de Davos, le Fonds monétaire international a révisé ses prévisions de croissance à la baisse. Pourtant, les résultats des banques et des grandes entreprises ont valu quelques bénéfices à partager entre les actionnaires, en dépit du soutien financier offert dès l’automne par les pouvoirs publics. La question est désormais posée à propos de la crise : mythe ou réalité ?

Des journalistes du journal Le Monde ont rencontré un concessionnaire automobile heureux : à Rouen, pendant qu’une partie des ouvriers des usines Renault de Cléon et Sandouville sont au chômage partiel, un vendeur se déclare satisfait par l’essor de ses ventes de voitures. Le bonus-malus écologique à la fin 2007 et tout récemment, la prime à la casse de 1.000 euros l’ont rendu très optimiste, au point d’ouvrir à nouveau le guichet d’embauche.

En Allemagne, Les perspectives du marché automobile bénéficient d’une soudaine embellie grâce à l’efficacité des mesures de soutien mises en oeuvre par les pouvoirs publics, déclare le président de la puissante fédération du secteur. Matthias Wissmann a estimé que les ventes de voitures pourraient même dépasser le seuil de 3 millions d’unités en 2009, soit à peu près leur niveau de 2008. Les concessions automobiles de la République fédérale se sont effet remplies subitement ces derniers jours après l’annonce par le gouvernement d’une prime à la casse de 2.500 euros pour les véhicules d’au moins 9 ans remplacés par une voiture neuve.

Ce que j’entend dire dans les concessions automobiles, c’est qu’il y a eu une forte augmentation de l’intérêt pour absolument toutes les marques, a précisé Matthias Wissmann. Les mesures contribuent à empêcher que soit mis à terre un secteur vital pour l’Allemagne. La chancelière Angela Merkel avait elle-même exprimé sa satisfaction vendredi face à la réaction des consommateurs à l’annonce des mesures de relance : alors que les hommes politiques continuent de débattre des mesures, les consommateurs envisagent déjà d’envoyer leurs vieilles voitures à la casse, a-t-elle déclaré dans un discours devant des dirigeants de petites et moyennes entreprises.

Aux États-Unis, Ford prétend disposer de liquidités suffisantes pour financer son plan de restructuration et n’a pas besoin des aides publiques, a déclaré son directeur général, Allan Mulally : nous ne voulons plus emprunter d’argent ; nous avons des fonds suffisants pour financer notre plan de transformation, ce qui signifie que nos affaires vont relativement bien, a-t-il dit à la presse américaine. Les concurrents américains de Ford, General Motors et Chrysler ont obtenu en décembre des prêts gouvernementaux d’un montant total de 17,4 milliards de dollars pour éviter la faillite.

C’est pourquoi les élus républicains du Congrès ne se sentent plus du tout en phase avec l’unanimisme affiché quelques semaines auparavant pour les propositions de Barack Obama en matière économique. Les mesures qu’il s’apprête à mettre aux voix représentent 825 milliards de dollars, en vue de remettre un peu de carburant dans le moteur. John McCain a déjà déclaré qu’il ne voterait pas les dispositions en l’état, les jugeant trop dispendieuses, en dépit des exonérations fiscales envisagées. Le vice-président Joe Biden s’étonne de cette volte-face, avançant que les avantages fiscaux représentent bien 40% du plan !

Pourquoi le Fonds monétaire se montre-t-il aussi pessimiste ? La dernière prévision publiée par le FMI, en novembre, annonçait une croissance mondiale de 2,2% en 2009. Selon Axel Bertuch-Samuels, elle sera ramenée à 1%-1,5% pour 2009. Les perspectives économiques mondiales se sont détériorées ces derniers mois, a dit le directeur adjoint du département monétaire et des marchés de capitaux au FMI : la confiance des consommateurs et des entreprises est tombée à des niveaux sans précédent depuis des décennies et l’activité a elle aussi fortement baissé. L’année 2009 sera extrêmement difficile pour l’économie mondiale, a-t-il conclu.

Il est difficile de nier que la situation est difficile, et Carlos Ghosn s’est à nouveau distingué dans le rôle des Cassandre : s’il ne s’agissait que d’une récession, il s’agirait d’un problème mineur car nous sommes une industrie cyclique, a-t-il expliqué, ajoutant que l’assèchement du crédit et la volatilité des changes avait amplifié l’impact de la récession. Mais c’est également le sentiment affiché par le représentant de la République tchèque à l’Union européenne, évoquant une conjoncture dégradée dans plusieurs pays en dépit du plan de sauvetage des banques. L’argent distribué n’a donc pas soulagé les réticences bancaires vis-à-vis du crédit, et n’a pas empêché des licenciements massifs de se produire.

C’est pourquoi les hommes d’affaires se rendront en moins grand nombre que d’habitude à Davos mardi. On y verra plutôt se profiler la silhouette de Gordon Brown, Premier ministre de Grande-Bretagne, de Vladimir Poutine qu’on ne présente plus ou d’Angela Merkel, mais pas John Tain, qui vient de quitter Merrill Lynch, ou Richard S. Fuld Jr., le dernier patron de la défunte Lehman Brothers Bank ! Ces nouveaux parias ont été décommandés. La roue a tourné, le pouvoir est revenu dans les mains des gouvernements, estime Klaus Schwab, le fondateur du grand raout de la mondialisation depuis 1971.

Lors d’une conférence donnée à Munich par 6 dirigeants des plus grosses entreprises allemandes, la confiance en un système qui a failli est revenue : la crise va passer, a prétendu Ferdinando Becalli-Falco, patron de General Electric. De son côté, Stefan Oschmann, qui dirige la branche allemande du laboratoire pharmaceutique Merck, professe : beaucoup d’opportunités se cachent sous ce chaos… Cherchez l’erreur.

 

 


Tous les signaux se sont mis au vert brusquement
Et les efforts, un temps commandés par l’urgence
Ne sont plus trop pressants malgré la résurgence
Des maux qu’ils nous ont dit passés confusément !

De crise, on n’en sait rien ou alors : on vous ment,
Sans doute un peu pour voir le niveau d’exigence
Des bras en croix qui vont montrer leur indigence,
Mais les profits n’ont pas offert moins d’agrément.

Les renforts en argent se sont trouvés dans l’heure,
Ils se sont révélés pas plus longtemps qu’un leurre
Bien pour passer l’an neuf sans problème à couvert.

Quand tout l’argent détruit leur sert des bénéfices,
Rien ne vaut tout ce soin sinon pour mettre au vert
Leurs beaux larcins dont vous ferez les sacrifices…

 


Avec AFP, Reuters et Pif-Gadget.