Carlos Ghosn doit-il aussi renoncer à son Bonus ?

Carlos Ghosn doit-il aussi renoncer à son Bonus ?

L’automobile a droit aussi à ses États Généraux, après ceux de l’Environnement et de la presse. Le moins que l’on puisse dire après la première journée, mardi, est qu’ils sont généreux ! 5 à 6 milliards d’euros devraient être alloués aux constructeurs qui tirent la langue en accumulant des stocks monstres, qu’ils ne parviennent plus à fourguer à des clients surendettés. Parmi leurs principales préoccupations, des charges disproportionnées par rapport à celles qu’ils acquittent dans les pays émergeants. Mais celles qui incombent à la production sont sans commune mesure avec des postes de coût moins visibles.

Parallèlement à l’enveloppe allouée aux banques à l’automne dernier, les pouvoirs publics se sont vus contraints de mettre la main à la poche afin d’aider le secteur automobile qui subit le contrecoup de la crise. Christian Streiff, chez Peugeot, évalue les surcapacités de production automobile en Europe de l’Ouest à 4 à 5 millions de voitures. Le creux de la vague est sans doute à venir et la crise ne sera pas de courte durée, a prévenu Carlos Ghosn, avant d’ajouter que 2009 et 2010 s’annonçaient difficiles, voire décisives pour notre industrie.

À Bercy François Fillon, qui a présidé à une première réunion mardi avec les dirigeants des grands groupes, n’a pas renouvelé l’erreur commise auprès des banquiers qui, malgré la crise des marchés, ont réussi à équilibrer leurs comptes, et bien souvent à engranger quelques bénéfices en 2008. Les dirigeants des banques françaises ont accepté mardi de renoncer à leurs bonus et de modérer les dividendes versés à leurs actionnaires au titre de 2008 en échange d’un nouvel apport de fonds propres de 10,5 milliards d’euros par l’État.

On a eu une discussion tout à fait vive, efficace. Le président de la République a été très net, a déclaré Christine Lagarde à l’issue d’une réunion qui s’est tenue à l’étage supérieur. Président en exercice de la Fédération bancaire française et directeur général du Crédit Agricole, Georges Pauget a parlé pour sa part d’une conversation longue, approfondie avec Nicolas Sarkozy au cours de laquelle les banquiers ont souligné que leurs encours de crédit affichaient une progression de 9% à fin novembre, soit 2 points de plus que la moyenne européenne.

En contrepartie d’un effort massif fourni par l’État au secteur automobile, les constructeurs devront également consentir des efforts. Ce qui signifie concrètement ni délocalisation à l’étranger, ni fermeture sèche de sites en France, ni bonus pour les dirigeants, ni dividendes pour les actionnaires. De même, les bénéficiaires s’engageront sur leurs relations avec leurs sous-traitants. Carlos Ghosn n’y voit là rien de scandaleux.

En effet, le patron de Renault et Nissan avait défrayé la chronique ces 2 dernières années en affichant des salaires mirobolants. En 2006, le P-DG de Renault-Nissan aurait reçu un salaire brut de 1,2 million d’euros, auquel s’ajoute 800.000 euros de rémunération variable et surtout 5,4 millions d’euros de stock-option. Ses émolument l’ont placé au 3ème rang des patrons du CAC 40, et l’année suivante, les revenus encaissés par les patrons des 40 plus grandes entreprises françaises ont augmenté de 58%. 161 millions d’euros en 2007, contre 102 millions en 2006. Le gain moyen par tête atteint 4 millions et provient pour une part des profits réalisés en levant leurs stock-options.

Plus prévoyants que nos banquiers, les constructeurs automobiles ont devancé la crise financière en dégraissant pendant l’été 2008. En ce qui concerne Peugeot, Christian Streiff a déclaré qu’il pensait pouvoir faire tourner au ralenti les usines du groupe sans les fermer pendant la crise, à condition de redéfinir la taille de chaque usine en fonction du nombre de véhicules qu’elle produit. En réalité, l’enjeu est ailleurs : entre un véhicule construit en France et un autre en Europe de l’Est, la différence de coût est de 1.400 euros, soit de 10% à 12% du total, a fait valoir Carlos Ghosn, avant d’estimer que le made in France est pénalisé de 1.000 euros.

Comparaison n’est pas raison lorsqu’il s’agit de mettre en regard la rémunération d’un grand patron avec la feuille de paie de l’un de ses ouvriers spécialisés, mais il est permis de s’interroger sur la différence de coût des différents véhicules de la gamme d’un constructeur. Le véhicule à bas coût de la filiale roumaine de Renault participe à l’essentiel de la marge brute du constructeur, alors que son prix défie toute concurrence, jusqu’à pénaliser les produits estampillés de la marque au losange ! Et pourtant, Carlos Ghosn n’a pas ménagé ses efforts pour délocaliser toutes les activités possibles, même les bureaux d’étude…

Si l’on songe à la prétention de la marque indienne Tata de commercialiser prochainement une automobile aux environs de 1.700 euros, nous sommes loin du calcul de notre génial cost killer. Carlos Ghosn s’est dit prêt à toutes les contreparties en échange d’une aide publique en jugeant fondamental que le gouvernement agisse aussi pour préserver la compétitivité de l’industrie française. Et c’est peut-être à ce niveau que les boulons ont besoin d’être serrés !

 

 


Les produits sont trop chers pour garder des usines
Qu’il faut construire au loin où les gens sont payés
Sans trop de frais par ceux qui nous ont bien pillés,
Et les marchés nouveaux dans les régions voisines.

C’est pour que nous puissions rêver des limousines
Que nous n’aurons jamais à moins d’être employés
Pour les conduire aux frais de gens mieux habillés :
Tous nos patrons dont nous font part les magazines.

C’est bien ainsi que va le monde, il tourne au moins
Pour les plus forts et ceux dont nous restons témoins,
Mais il nous reste en marge un peu pour notre usage.

Nous en viendrons toujours à prendre un peu jaloux
Le solde en fin de compte et prompts au bon dosage,
Quand il nous en faudrait plus pour être aussi filous !