Louise-Michel, humour noir contre patron voyou

Louise-Michel, humour noir contre patron voyou

Benoît Delépine et Gustave Kerven rendent un hommage étonnant à Louise Michel, la célèbre militante anarchiste. En guise de conte de Noël, cette comédie décapante vire au western social. Un truc à faire baliser les patrons.

Cela se passe quelque part en Picardie. Dix ouvrières sont à cran suite à des rumeurs de plan social dans leur entreprise. Pour les rassurer, le patron leur offre de superbes blouses neuves avec leur prénom brodé. Un beau gage d’avenir... Le lendemain matin, elles découvrent que les machines de l’usine textile ont disparu pendant la nuit et que le taulier véreux s’est barré sans laisser d’adresse.

Plutôt que de poser à poil sur un calendrier pour arrondir les fins de mois, elles décident de mettre en commun leurs 2000 euros d’indemnités pour engager un type qui butera le patron. Une ouvrière bourrue est chargée de recruter le « professionnel ». C’est Louise (ex-Jean-Pierre). Elle tombe sur le plus loser des flingueurs, un plouc même pas capable d’aligner un clébard à bout portant. C’est Michel (ex-Cathy). Louise-Michel tourne autour de cette rencontre embrouillée. Nous sommes évidemment très loin de la véritable histoire de la militante anarchiste (1830-1905) que nous avons déjà croisé sur Le Mague. Néanmoins, Louise-Michel part d’une histoire vraie. On se souvient de ce patron pourri qui avait délocalisé ses machines en un week-end.

Ce n’est pas la première fois que Benoît Delépine (le « Michael Kael » grolandais) et Gustave Kerven (« Gus ») font du pied aux anars. Leur premier film, Aaltra, était carrément dédié à Albert Libertad (1875-1908), anarchiste français qui maniait aussi bien ses béquilles pour cogner sur les flics et les contradicteurs que les mots pour cogner sur les puissants dans les colonnes du journal L’Anarchie.

La série Don Quichotte et la révolution, tournée en 2003 pour Groland, sur Canal+, a servi d’esquisse à Louise-Michel. On y voyait le motard Don Quichotte cherchant à venger son ami Sancho Panza, livreur de pizza, d’un licenciement abusif. Produit par MNP (Benoît Jaubert et Mathieu Kassovitz), Louise-Michel a déjà décroché le prix du meilleur scénario au festival de San Sebastian (Espagne). Il est dans la sélection officielle des festivals de Rome et de Londres et ira au Sundance festival. Pas mal pour une comédie radicale très noire qui n’hésite pas à bousculer le public avec des scènes tour à tour hilarantes, pathétiques et tendres.

En attendant de regarder sur France 2 le téléfilm de Solveig Anspach consacré à la déportation de Louise Michel en Nouvelle-Calédonie (avec Sylvie Testud dans le rôle de notre bonne Louise), il faut aller voir ce Louise-Michel vitaminé qui, d’une manière caustique et inattendue, nous montre la voie. Pour s’en sortir, sûr que les manants vont devoir bouffer du patron et, sans doute aussi un peu, du flic. Retour aux fondamentaux. Avant le générique de fin, les réalisateurs ont pris soin de citer Louise Michel : « Maintenant que nous savons que les riches sont des larrons, si notre père, notre mère n’en peuvent purger la terre, nous quand nous aurons grandi, nous en ferons du hachis. » A table !

Louise-Michel, un film de Benoît Delépine et Gustave Kerven avec Yolande Moreau, Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel, Philippe Katerine, Mathieu Kassovitz, Siné, Denis Robert... 1h34.

À lire aussi, Louise-Michel, l’album du film écrit par Benoît Delépine et Gustave Kerven et illustré par Pascal Rabaté aux éditions Danger public. 128 pages 19x19 cm. 20€.

Plus d’informations sur le blog du film.

Voir aussi l’interview de Benoît Delépine sur Le Mague par Marc Bihan.