L’État du Réseau EdF en Question après les Chutes de Neige

L'État du Réseau EdF en Question après les Chutes de Neige

Les premières neiges ont surpris tout le monde, à commencer par les agents d’Électricité de France (EdF), dans une région de France où les précipitations de cette nature sont pourtant monnaie courante en hiver : l’Allier, le Cantal, la Haute-Loire, le Puy de Dôme, l’Ardèche, la Loire et la Lozère sont toujours placés en alerte orange, et jusqu’à lundi 13H00, tandis que 100.000 foyers sont privés d’électricité.

Heureusement, les intempéries se sont produites un dimanche, et chacun a préféré rester calfeutré chez soi devant la télévision… Le Massif central est moins réputé pour ses stations de sport d’hiver que pour l’eau de source de ses volcans qui ne rient plus, tout comme les Auvergnats qui se sont retrouvés en panne de courant pour leur sens de l’économie ! Les techniciens éprouvent des difficultés à rétablir l’alimentation électrique car les conditions d’accès sont extrêmement difficiles et l’entreprise sous-traitante du réseau EdF demandé l’assistance des services de l’État pour dégager les nombreux arbres empêchant la progression des équipes. Des hélicoptères de la Sécurité civile seront mis à contribution pour survoler les lignes et détecter les défaillances.

Des parlementaires malicieux désigneront peut-être mardi lors du débat sur la proposition de loi Maillé l’intérêt de promouvoir le travail le dimanche, dans des circonstances qui auraient non seulement pu s’avérer profitables pour les agents EdF, mais aussi d’intérêt public ! En réalité, des astreintes sont bien prévues pour maintenir le réseau électrique en état de service, mais l’entreprise publique à présent cotée en Bourse est devenue une société commerciale comme les autres, et a perdu le monopole de la distribution de l’électricité l’année dernière. Pour se mettre en conformité avec la réglementation européenne, le réseau de câbles électriques est lui-même entretenu par une autre entreprise, Électricité Réseau Distribution France (ERDF).

L’idée qui sous-tend cette scission d’un service public en plusieurs entités aux fonctions distinctes est la même, qui a impliqué le démembrement des chemins de fer français en plusieurs sociétés dont les rôles sont bien définis, mais les intérêts de plus en plus flous. ERDF existe depuis le 1er juillet 2000, mais elle a été officiellement créée sous ce nom le 1er janvier de cette année. Elle découle de la création du marché européen de l’électricité, qui impose au sein d’EdF la séparation des fonctions de production et de transport. Elle a une mission de service public qui est de garantir un accès équitable au réseau à tous les acteurs du marché de l’électricité. Son évolution a été rythmée par la directive européenne n° 96/92/CE de décembre 1996, qui a été transposée en droit français par la loi du 10 février 2000, et la loi du 9 août 2004, qui impose au gestionnaire du réseau une séparation juridique avec EdF. Elle a conduit ERDF, le 1er septembre 2005, à devenir une société anonyme à capitaux publics, filiale d’EdF.

Bien sûr, comme à la SNCF, ce tour de passe-passe a créé une ambiguïté dans la définition du statut des agents, les uns se sentant destinés à être livrés aux lois du marché, les autres devenant d’obscurs sous-traitants aux ordres de technocrates avides de rentabilité. Et le service public dans cette opération ? Il a évolué vers le service à la clientèle, avec bien des dysfonctionnements et des clients mécontents à la clé… Alors que les tarifs d’EdF augmentent, est-ce à l’usager de passer à la caisse pour la maintenance réseau d’électricité ? Suite aux déclarations du président du directoire d’ERDF, qui souhaite une nouvelle hausse des prix en août 2008, des gens s’étonnent du mauvais état du réseau : ils ne comprennent pas pourquoi producteurs et fournisseurs ne piochent pas dans leurs marges pour l’améliorer !

En effet, comme le réseau ferré en France, celui de l’électricité est dans un état critique. Au printemps dernier, des opérations de maintenance ont relevé un défaut tous les 2 Km sur les lignes. Le réseau à haute et très haute tension représente 100.000 Km de câbles, tandis que le réseau de distribution, à moyenne et basse tension, est long de 1.200.000 Km ! Mais la durée moyenne de coupure d’électricité, par an et par client basse tension, est passée de 64 à 72 minutes Entre 2004 et 2007. Elle a même atteint 1516 minutes dans la Creuse en 2007, soit plus de 25 heures, alors que l’objectif fixé par le contrat de service public est d’une heure.

La dégradation du réseau électrique a fait polémique à l’été dernier, lorsque le président du Directoire d’ERDF, Michel Francony, avait annoncé dans un entretien à La Tribune, qu’il souhaitait une hausse de 15,1% des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité. La filiale d’EdF met le mauvais état du réseau sur le compte d’une baisse des investissements à la fin du siècle dernier, mais elle n’a pas convaincu grand monde. En réalité, la division opérée entre opérateur et transporteur par les technocrates européens n’a pas permis au second de garantir, ni son indépendance, ni ses moyens d’existence.

C’est pourquoi l’entreprise chargée de la maintenance du réseau fait appel à EdF pour la main d’œuvre (200 techniciens lundi) et les moyens matériels, dans des conditions chaotiques et dans la précipitation. Ça ne se voit pas d’ordinaire, mais en cas d’urgence, la situation devient vite critique… Des hélicoptères de la Sécurité civile sont mis à contribution et des groupes électrogènes mis en route en toute hâte et dans l’impréparation. Mais tout le monde a déjà compris qu’une économie libérale fonctionne à merveille seulement quand tout va bien.

 

 


C’est surprenant, dit-on, qu’il neige avant les fêtes
Et tout le monde est très surpris du blanc manteau
Qui couvre un fonds en friche et place en son étau
Des régions qui s’en sont si longtemps satisfaites…

Mais nos progrès sans cesse ont sur ces entrefaites
Pris trop d’avance en mieux sur le bon sens bateau,
Les gens sont pris de court et seuls sous un poteau
Aux fils d’acier alors tout blancs tels les prophètes.

Il faut tout mettre en place en hâte et c’est brillant,
Quant à prévoir l’horreur est pour le non-croyant
Le signe aigu d’un doute en un progrès technique !

Nous nous sentons plus forts que la nature et vains
Dès que l’hiver s’installe en tsar, c’est la panique :
Les techniciens trop fiers n’en sont pas plus divins…