La Journée des Longs Couteaux du Parti socialiste

La Journée des Longs Couteaux du Parti socialiste

Martine ou Ségolène ? Peut-être les deux… Ou ni l’une, ni l’autre. La direction sortante du Parti socialiste espère en convoquant une commission de récolement de recoller les morceaux d’un parti au bord de la crise de nerfs. Mais les observateurs imaginent désormais une scission en 2 ou plusieurs factions possible, et les loups sont au coin du bois.

Depuis la Ière Internationale, les socialistes ont souvent connu des luttes intestines, qui les ont divisés, fragmentés, annihilés. Des premiers temps de la lutte ouvrière pour abolir la propriété des moyens de production, au cours du XIXème siècle, jusqu’à la rupture du programme de Bad Godesberg le 16 juin 2007 en Allemagne, avec la création du parti allemand Die Linke, l’histoire du socialisme est émaillée par les dissensions idéologiques ou doctrinales, qui ont donné naissance à des composantes de plus en plus nombreuses et irréconciliables.


Après le 1er tour de scrutin destiné à faire émerger une tendance majoritaire à l’issue d’un Congrès dévastateur à Reims, le sénateur Jean-Luc Mélenchon a déjà claqué la porte de la rue de Solferino pour tenter sa chance ailleurs… La tentation scissionniste était latente depuis que l’émergence de Ségolène Royal en tant que leader politique de premier plan et sa capacité à recueillir les suffrages a montré les défaillances d’une organisation qui apparaît plus que jamais archaïque. On est plus que jamais en droit de se demander quelle part de la population cette organisation politique représente aujourd’hui…


L’écart est très faible entre Martine Aubry et Ségolène Royal ; une très large majorité de sympathisants socialistes, et encore plus de Français semblent convaincus qu’il faut accepter le résultat tel qu’il est selon le sondage OpinionWay-Le Figaro-LCI paru ce matin. 67% de Français et 63% des sympathisants socialistes ne veulent pas que soit remis en cause le vote pour le leadership du Parti socialiste. Chez ces derniers, seuls 51% de ceux qui se sentent proches de Ségolène Royal pensent que compte tenu de l’écart de voix entre les deux candidates, il faudrait revoter. Chez les proches de Benoît Hamon, ils sont 19% à le penser aussi. Et tout de même, 6% des proches d’Aubry se disent aussi prêts à refaire un tour de scrutin…


La coalition qui s’opposait à Ségolène Royal rassemblait 70% des socialistes au premier tour, mais elle n’a cessé de fondre, à 56% puis à 50%, perdant ainsi 20 points en trois scrutins. Face à eux, Ségolène Royal et ses partisans ont donné une image de cohérence et de novation, incarnant une nouvelle formation en rupture contre la vieille maison vermoulue et à bout de souffle des années Hollande, écrit Gérard Carreyrou dans France-Soir. Mais ce n’est pas pour autant le signe d’un rassemblement autour de la candidate charismatique… En réalité, les lignes de fracture s’accentuent pour devenir infranchissables.


En 2005, le PS a déjà frôlé l’implosion à l’occasion du référendum sur la Constitution européenne. Tandis que 60% des militants avaient opté pour le oui, plusieurs dirigeants avaient fait campagne pour le non, et s’étaient trouvés confortés par le suffrage national. Laurent Fabius, aujourd’hui rallié à Martine Aubry, étaient de ceux-là, comme Jean-Luc Mélenchon. Alors que le PS entrait dans une phase où il devait sortir de ses conflits internes, il s’y enfonce davantage, constate l’expert Dominique Reynié après l’annonce d’un score quasiment identique pour les deux candidates à la succession de François Hollande. Pour ce qui est du spectacle, nous sommes gâtés, déclare Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP. Adieu la bravitude, place aux turpitudes, ironise sa collègue Chantal Brunel, qui parle de combats d’égos dans un désert d’idées !


Ségolène Royal ne peut pas diriger le Parti socialiste parce qu’elle représente une ligne trop atypique par rapport à la base et Martine Aubry a échoué dans son opération de rassemblement, estime Paul Bacot. Pour le politologue, la situation pourrait se décanter rapidement avec l’effritement des camps Aubry et Royal, des coalitions hétéroclites formées pour prendre la tête du PS. Mais si l’heure est grave pour le PS, il réfute l’avis de décès signé par la droite : la scission est possible, les circonstances s’y prêtent, mais ce n’est pas le plus probable, explique-t-il, soulignant que le parti est composé à plus de 60% d’élus et de collaborateurs d’élus qui ne casseront pas leur outil de travail.


Dominique Reynié pense par ailleurs que le désordre au PS est susceptible de remettre en selle pour la prochaine présidentielle le centriste François Bayrou. Ce dernier est actuellement isolé malgré ses 18% au premier tour de la présidentielle de 2007, en raison de ses échecs aux élections législatives et municipales. Le leader centriste estime d’ailleurs qu’il y a dans cette crise au Parti socialiste les germes en tous cas de quelque chose de très grave et de très lourd pour un parti qui au fond, au bout de presque 40 années d’existence, est en bout de cycle, a-t-il souligné dans l’émission politique de France Inter dimanche. Pour lui, Ségolène Royal et Martine Aubry ne s’affrontent pas sur des idées, mais s’insupportent l’une l’autre.


En réalité, le parti n’est pas tant coupé en deux après ce 2nd scrutin, mais complètement fragmenté, en 4 parts égales à l’issue du vote des militants sur les motions, le 6 novembre. Le politologue Stéphane Rozès, interrogé sur France 3 samedi soir, a estimé que le pouvoir ne devait pas se réjouir trop vite de voir la principale force d’opposition française en pleine déliquescence : en période de crise économique et financière, l’opposition peut, si elle est forte et organisée, canaliser les mécontentements dans le circuit démocratique, fait-il remarquer. Dans le cas contraire, les Français peuvent être tentés par l’anarcho-syndicalisme, susceptible de susciter grèves et troubles sociaux graves.

 

 


Deux camps sont face à face au sein d’un seul parti,
Les noms d’oiseaux et leurs raideurs font le délice
D’un adversaire heureux d’en voir toujours en lice,
C’est bien leur chance et le grand cirque est garanti.


Les mauvais coups font mal et là, c’est bien parti
Pour durer dans le temps sans mot dire en coulisse,
Comment des gens sensés font-ils ça sans malice ?
La lutte est sourde et tout ce monde est mal loti…


Mauvais reports, méchants calculs, tout fait supplice
Aux uns comme à l’ensemble et le sort est complice
D’un schisme au sein du camp laïc et sous deux jours.


Quel triste aspect ont ces combats vains pour la foule
Des gens qui ont bien vu qu’ils sont trompés toujours,
Quand l’esprit querelleur sur deux noms se défoule !