Julien Dray prêt à s’emparer du PS

Julien Dray prêt à s'emparer du PS

Les jours précédant l’élection de Barack Obama et la crise économique ont éclipsé complètement le psychodrame dont les socialistes n’ont cessé de nous servir en guise de réflexion politique. François Hollande rend son tablier, mais c’est seulement le 20 novembre qu’un nouveau 1er Secrétaire doit être élu. Les militants à jour de leur cotisation devaient voter jeudi pour l’une des 6 motions qui permettront de dessiner une tendance de fond.

Le sortant, qui a bien réussi à surmonter la fronde née des échecs électoraux, a fait taire les mécontents grâce à une habile navigation à vue. Un soutien tardif à Bertrand Delanoë a ouvert la voie à l’expression de toutes les ambitions, et c’est la 1ère fois dans son histoire que le Parti socialiste offre un éventail aussi large de ses divisions au public, et surtout, à ses adhérents qui s’en régalent. Aucun courant n’est désormais à même de réunir une majorité absolue des voix sous sa motion, comme il se doit pudiquement désignée par ordre alphabétique dans celui des dépôts Rue de Solferino.


François Hollande a formé le souhait qu’une franche majorité se dégage, dans des termes qui ne laissent pas de place au doute sur la sincérité de son propos : le premier réflexe, c’est de venir voter massivement quelle que soit sa sensibilité, quelle que soit son humeur, quelle que soit sa lassitude, ou au contraire sa colère, écrit-il sur son blog jeudi. La rhétorique est savoureuse… S’en aller en laissant tout en désordre est l’un des principes de gouvernement, et le 1er Secrétaire est devenu en 10 ans un maître en la matière. Sa majorité s’est fracturée en trois camps, dirigés respectivement par Bertrand Delanoë (A), Martine Aubry (D) et Ségolène Royal (E).


Ils composent le tiercé de tête, mais aucun de leurs proches ne se risquait à délivrer de pronostic jeudi soir. Le suspense a duré une partie de la nuit. Chacun des 3 courants était supposé recueillir entre 25% et 30% des suffrages. Depuis l’été, des coalitions de circonstances, voire hétéroclites, se sont formées pour prendre la tête du parti. Face à un émiettement des voix, elles pourraient exploser avant le Congrès de Reims, qui s’ouvre le 14 novembre. Les 6 motions tiennent en 162 pages serrées dans une brochure frappée de la rose et du poing.


En plus des 3 grandes, le député européen Benoît Hamon fédère l’aile gauche du parti et pouvait faire un joli score. Il compte sur le renouvellement des générations et l’effet Obama — il a 41 ans ! Il pense également que la crise économique valide son positionnement. Mais 2 autres programmes sont soumis aux militants : ceux des courants Utopia et Pôle écologique. Benoît Hamon, persuadé de créer la surprise, est seulement crédité de 12% des suffrages à 20% jeudi soir.


Quoi qu’il arrive, de nouvelles alliances seront nécessaires pour décrocher la timbale. Martine Aubry dédramatise et juge que si aucune des motions n’arrive clairement en tête, les responsables de chaque camp devraient se réunir le plus tôt possible pour tenter de dégager une ligne majoritaire. Dans son entourage, des voix se sont élevées pour prôner une alliance avec Benoît Hamon, au nom de la gauche du parti, mais également avec Bertrand Delanoë, que l’édile de Lille a maintes fois égratigné pendant la campagne interne.


Le maire de Paris, fidèle à son tempérament, a cherché une posture avant d’en rabattre pour obtenir un consensus. En s’affichant libéral, il a heurté bon nombre de militants attachés à l’idéal jaurésien. Par ailleurs, il s’interdit toute opportunité d’alliance avec un courant marginal, hostile au compromis idéologique. Sa motion est destinée à se défaire au gré d’offres déloyales et de flibusteries… Ainsi peut-on lire un billet ambigü sur le blog de Julien Dray : il découle logiquement de la social-démocratie moderne et renouvelée qui est plus que jamais pertinente, en ce moment historique d’échec avéré du libéralisme économique dérégulé.

Julien Dray est à même de faire la jonction entre les courants contradictoires qui minent le rassemblement des socialistes


L’auteur n’est pas le député de l’Essonne, mais Romain Pigenel, un jeune normalien aux dents longues, issu des rangs de Désirs d’Avenir… L’ancien trotskyste est ainsi à même de tendre la perche à Bertrand Delanoë, tout en défendant la motion E, signée par celle envers qui le maire de Paris est le plus hostile ! Dans le camp de Ségolène Royal, certains se disent favorables à un rapprochement avec Martine Aubry voire Bertrand Delanoë, mais la présidente de la région Charentes-Poitou exclut cette dernière hypothèse.


Selon elle, ce serait un retour à la case départ pour le parti. L’offre qu’elle a faite aux militants impécunieux de les rembourser pour qu’ils puissent s’acquitter de leur droit de vote a paru une manœuvre déloyale à Bertrand Delanoë. Les responsables socialistes s’attendaient à une participation de 130.000 à 140.000 votants. Or, 233.000 personnes, qui ont fait partie du PS ces 2 dernières années, sont inscrites sur les listes électorales.


Ségolène Royal a construit sa victoire à la primaire interne au Parti socialiste en novembre 2006 sur les fameuses adhésions à 20 euros… Romain Pigenel renouvelle ce pari sur le blog de Julien Dray : La social-démocratie repose sur l’instauration d’un rapport de force des salariés et des citoyens avec les pouvoirs économiques et les capitalistes. Rapport de force dont les outils privilégiés sont les partis, associations et syndicats de masse. Il rejoint l’analyse que Jean-Louis Bianco, directeur de campagne de la candidate à la présidentielle, fait sur son propre blog : 80.000 militants ont été perdus en deux ans. C’est désolant pour le plus grand parti de gauche !


Et de renchérir : le remboursement des deux dernières années de cotisations pour les militants qui le souhaiteront est très facile à mettre en œuvre et n’entraînera pas de charges car le parti gagnera 20 euros et remboursera la différence. François Rebsamen, l’autre directeur de campagne de Ségolène Royal avait du mal à imaginer qu’on puisse ranimer un peu la flamme, avant de déclarer à Libération : je suis surpris de ce qui reste


Ayant sagement abandonné toute prétention à prendre le Parti socialiste en main, quitte à le prendre en sous-main, Ségolène Royal devrait réussir à proposer au poste de 1er Secrétaire un candidat de compromis. S’atteler à conquérir la seule place dont elle se sente digne suffit à sa peine. La voie est ouverte à un homme qui n’a pas caché ses ambitions, mais qui a su se faire discret pendant que les ténors du parti cherchaient à en découdre. Julien Dray est ce qu’on appelle un apparatchik, il est membre des plus hautes instances du parti, comme il a la confiance de l’actuel 1er Secrétaire. Michel Noblecourt raconte dans un quotidien vespéral le coup qui a permis à François Mitterrand de s’emparer des ruines de la SFIO, avant d’en faire une machine à gagner les élections à partir de 1978 :


En juin 1971, au congrès refondateur d’Epinay, François Mitterrand rejoint le PS avec ses amis de la Convention des institutions républicaines. L’ancien ministre de la IVème République, regardé avec suspicion par certains socialistes, ne veut pas d’Alain Savary, derrière lequel il voit l’ombre de Guy Mollet, comme premier secrétaire. Il soutient la candidature de M. Mauroy. Plutôt partant, celui-ci se heurte au veto du maire de Lille, Augustin Laurent. Et Mitterrand, qui n’avait pas sa carte du PS en arrivant à Epinay, est élu premier secrétaire. L’histoire bégaye…


22 novembre 2008

Dernière Heure : Le scrutin du vendredi 21 novembre s’est soldé par un écart de 42 voix au profit de Martine Aubry. Son adversaire Ségolène Royal, avant même l’annonce de ces résultats, a exigé un nouveau scrutin par la voix de son avocat Jean-Pierre Mignard, qui a évoqué de multiples contestations pour irrégularités. À l’issue d’une nuit de rumeurs contradictoires et d’annonces par l’un et l’autre camp, la direction du PS a finalement transmis samedi matin une totalisation du vote des militants donnant 67.413 voix, soit 50,02%, à la maire de Lille, contre 67.371, soit 49,98% à l’ex-candidate à la présidence de la République.


Quelque 233.000 militants étaient appelés à voter, et la participation a atteint 137.116 (58,87%). Un Conseil national doit se réunir mercredi à la demande du 1er Secrétaire sortant pour valider les résultats. Il y a des contestations. Le mieux pour que le résultat soit le plus incontestable possible est qu’il soit ratifié par un Conseil national d’ici le milieu de la semaine prochaine, a déclaré François Hollande devant la presse depuis sa permanence corrézienne de Tulle. Une incertitude subsiste encore à propos des résultats enregistrés dans les départements et territoires d’outre-mer.


Alors que le parti a perdu les trois dernières présidentielles, ce nouvel épisode de la guerre des chefs risque de le rendre encore plus inaudible... et fragile. On est au bord de l’explosion, les provocations se multiplient… Les Français risquent de se réveiller demain matin avec une image pitoyable du PS, se lamentait dans la nuit un responsable. Le PS est un parti qui en terme d’adhérents sera divisé en deux, ce qui est une nouveauté dans l’histoire du mouvement socialiste et aura un coût, prédisait de son côté dès avant le vote Pascal Perrineau, directeur du Cevipof de Sciences-Po.


La solution de convoquer un Conseil national est propre à faire émerger une solution de compromis, en proposant un 1er Secrétaire délégué de transition qui puisse être suffisamment consensuel pour préserver la cohésion du Parti socialiste. La candidature de Julien Dray, membre du Bureau national, pourrait resurgir dans les heures ou les jours qui viennent pour s’avérer une solution profitable à tout l’appareil et propre à éviter une scission au sein du parti.

 

 


Perdu, malade, aveugle et sourd… C’est la fracture
Au sein d’un camp qui se querelle à temps complet,
Ce n’est pas neuf, et nous savons ce vieux couplet !
Mais aujourd’hui personne, en fait, n’a la pointure…


Ce sont ces cavaliers qui n’ont plus leur monture,
Errant sans cesse à pied, ils vont quand ça leur plaît,
Il faut quelqu’un de ferme en somme, un peu replet,
Pour mettre un drame en rangs autour d’une ossature.


Un homme a tout pour plaire hormis son goût discret
Pour l’ordre et les chahuts, pour l’ombre et le concret,
C’est trop pour eux et pas assez pour tout le monde !


Sans chef, sans but, des faits font foi face au futur
Dans un désordre immense et que l’angoisse émonde,
Leur barque est sur la grève, à l’eau, nec mergitur