Théâtre : Ivanov…

Théâtre : Ivanov…

« La Mouette » est emblématique du théâtre de Tchekhov, mais « Ivanov » est sans doute sa pièce la plus curieuse et la plus intéressante (Philippe Adrien).
Actuellement l’on peut voir cet excellent drame au Théâtre de la Tempête…

D’emblée avec IVANOV, on est dans le théâtre tchekhovien : une langue dépouillée, à la fois drôle et mélancolique, des personnages surfant tels des skateboarders sur les routes incertaines de l’Existence, souriant/grimaçant au pain de la routine, esquissant des émotions aussitôt contredites par des silences ou de nouveaux mots/maux, suggérant à l’infini les fêlures cachées…

« Prisonnier de l’inutile », tel pourrait être le leitmotiv du personnage type de Tchekhov comme l’emblématique Ivanov, sujet central de la pièce éponyme. L’univers empreint de pitoyable quotidienneté du célèbre écrivain russe offre là un amusant rapprochement au titre de Gérard Manset (1), chantre contemporain de la tranquille désespérance.
« Personne n’a compris avec autant de clairvoyance et de finesse le tragique des petits côtés de l’existence, écrivait déjà il y a un siècle Gorki à propos de cet homme à l’art « impitoyable ».

Avec grand talent, Philippe Adrien, après « La mouette », s’est frotté à ce drame datant de 1887, oeuvre relativement peu connue du répertoire de Tchekhov. Drôle d’oiseau que cet Ivanov, antihéros à la fois archaïque (le poids de son érudition !) et moderne (le poids de son aigreur !) Un intellectuel déprimé, abandonnant travail, ruminant échecs… Un personnage à multiples facettes semblant marqué par le sceau de la fatalité. « Ivanov est agnostique ; il apparaît néanmoins marqué, quasiment stigmatisé par certaine interprétation du dogme qui porte à la souffrance et au sacrifice dans une quête infinie de Dieu », signale Adrien.
Ivanov est-il un sage ? un philosophe ? un pur ? un crétin ? un mythomane ? un narcissique un suicidaire ? un prétentieux ? un fou ? un imposteur ? Peut-être tout ça à la fois et rien de tout ça…

Face à ce personnage compliqué, joué avec brio par Scali Delpeyrat ([que l’on pouvait voir dans HAMLET, mise en scène de Philippe Adrien, 1997]), se dresse une autre haute figure à travers celle du docteur Lvov (interprété par Olivier Constant). Dans un style littéraire des plus naturalistes, Tchekhov le décrit ainsi en 1888 dans sa Lettre à Souvarine : « C’est le type même de l’homme honnête, droit, ardent, mais étroit d’esprit. Il regarde chaque évènement, chaque personne à travers un cadre étroit et juge de façon préconcue. » (2)

Nul doute : Tchekhov se sent plus proche du premier : « Si le public sort du théâtre avec la conviction que les Ivanov sont des salauds et les docteurs Lvov de grands hommes, alors il me faudra prendre ma retraite et envoyer ma plume au diable. » (3).

IVANOV est un grand cru théâtral. Une pièce tonique, moderne, mise en scène avec une redoutable efficacité…

(1) sortie ce mois-ci d’un nouvel opus de Gérard Manset : « Manitoba ne répond plus », Capital Records, 2008
(2) « Tout ce que Tchekhov a voulu dire sur le théâtre », traduction Catherine Hoden, l’Arche Editeur, 2007

(3) ibid

IVANOV
de Anton Tchekhov
mise en scène Philippe Adrien
Théâtre de la Tempête - Salle 1
23 septembre - 9 novembre 2008

durée spectacle : 2 h 15

Horaires
du mardi au samedi 20h
dimanche 16h
Tarifs
plein tarif 18 €
tarifs réduits 13 € et 10 €
mercredi tarif unique 10 €

Cartoucherie Route du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

métro : Château-de-Vincennes, puis navette Cartoucherie ou bus 112

Rencontres...

- jeudi 25 septembre après la représentation, avec l’équipe de création.
- lundi 29 septembre à 19 h, à la librairie du Globe – 67 bd Beaumarchais, 75003 Paris :
lecture-rencontre autour du spectacle, avec Philippe Adrien, Vladimir Ant et des comédiens.
- dimanche 19 octobre à l’issue de la représentation : « Ivanov et la mélancolie »,
rencontre publique avec Roland Chemama, psychanalyste (auteur de Dépression. La grande névrose contemporaine) et Philippe Adrien.

A signaler : « La Cerisaie » au théâtre Silvia Montfort (du 17 septembre au 2 novembre
2008)