Classement d’Étape à La Rochelle pour les Têtes d’Affiche socialistes

Classement d'Étape à La Rochelle pour les Têtes d'Affiche socialistes

L’Université d’Été du Parti socialiste a finalement donné le spectacle qu’on attendait de lui à La Rochelle, celui d’un parti divisé, englué dans des dissensions intestines et ses combats d’ego, enfermé dans ses turpitudes et les combinaisons florentines. Des sommets sont atteints cette année, avec la remise du mandat de son chef et l’ouverture des grandes manœuvres de succession à la tête de la famille socialiste. 10 semaines nous séparent du Congrès de Reims, mais des courants se dessinent à présent, et les prétendants sérieux au fauteuil de 1er Secrétaire se dégagent.

> Martine Aubry remporte la victoire d’étape et conquiert le maillot à pois du meilleur grimpeur. Confortablement reconduite en mars à la mairie de Lille, la créatrice des 35 heures apparaît de plus en plus comme un symbole d’opposition à la régression sociale. Ses adversaires ont tellement décrié la réforme de la durée légale du travail que le nom de son initiatrice est devenu une référence incontournable à l’intérieur, comme à l’extérieur de l’hexagone. Après sa réélection, la fille de Jacques Delors est ouvertement sollicitée pour prendre la succession de François Hollande, alternative crédible à l’inflation des prétendants. Reste à trouver une architecture et un périmètre à un rassemblement qui reste à faire… Laurent Fabius a renouvelé son souhait qu’elle en prenne la tête. Au fond, il y a trois offres pour les militants, résume un de ses proches : le mystico-people avec Royal, le socialisme libéral de Delanoë et la gauche décomplexée des reconstructeurs, à condition que ses architectes soient à la hauteur.


> Bertrand Delanoë est consacré meilleur opposant à Sarkozy par Le Figaro à la rentrée politique, avancée au 16 août en raison des risques de récession pour l’économie française et de la tension internationale. Ce statut plombe un parcours politique remarquable, quoique tardif, et fait naître un soupçon de connivence avec le pouvoir en place chez les militants et les sympathisants socialistes, d’autant plus qu’il s’est récemment proclamé libéral. C’est en conquérant la mairie de Paris à la droite en 2002 qu’il est sorti du rôle des utilités, qu’il a réussi à se faire valoir comme un chef putatif par son camp. Bertrand Delanoë conserve donc le maillot jaune à l’issue de l’étape de La Rochelle, où il a pris soin de ne faire de tort à personne et où il a réussi à se rapprocher de François Hollande et de son appareil partisan. Il conserve le soutien de la presse or, Laurent Joffrin, son porte-plume, l’a toutefois admis mercredi : aucune majorité claire ne se dessine au sein du Parti socialiste !


> François Hollande effectue la plus belle opération du week-end, en remontant en tête du peloton. Décrié depuis 1 an et demi au sein de son parti pour n’avoir pas entrepris le travail doctrinal nécessaire à la reconquête du pouvoir, accusé de ménager constamment la chèvre et le chou, le 1er Secrétaire a tout d’abord ironisé sur les discussions entre Martine Aubry, Pierre Moscovici et Laurent Fabius : on m’a souvent reproché la synthèse, mais je vois que certains en font des plus miraculeuses que les miennes, a-t-il déclaré samedi à la presse. Puis il a tenu à dédramatiser le climat interne, évoquant un phénomène légitime de préparation de congrès, pour finalement s’en prendre à ses détracteurs lors de son discours de clôture dimanche, en parlant du risque d’ingouvernabilité du parti : il faut que ce parti soit dirigé, il faut un pôle central, on ne peut pas être dans la dispersion, la fragmentation, dans l’émiettement. Plusieurs milliers de socialistes l’ont acclamé debout, scandant tous ensemble, tous ensemble, socialistes ! Au 1er rang, l’applaudissaient les anciens premiers ministres Pierre Mauroy et Michel Rocard, ainsi que Bertrand Delanoë, Martine Aubry et Pierre Moscovici, prétendants déclarés ou potentiels à sa succession. À 54 ans, le député de Corrèze n’entend pas jeter l’éponge : je ne fais pas mon discours d’adieu, vous me reverrez, je ne pars pas ; je change seulement de rôle.


François Hollande démasqué


> Julien Dray reste en embuscade. Sans se montrer désagréable, il dénonce les luttes intestines qui ont terni l’image de l’Université d’Été et se place en rassembleur. Il s’est rapproché de François Hollande au lendemain de la défaite de la présidentielle, mais c’est en impromptu qu’il s’invite au pot de l’amitié que les partisans de Ségolène Royal ont organisé vendredi dans la salle de l’Oratoire après le discours d’ouverture de la Présidente de Charentes-Poitou. Interrogé à la télévision, Julien Dray se la joue modeste : j’ai 53 ans maintenant, donc j’ai appris à me retenir, et je pense que, justement, l’autorité du 1er Secrétaire à venir, qui remplacera François Hollande, doit se construire dans son refus de ces tractations, de ces négociations. Pour l’essentiel, il campe sur ses positions et se réserve pour le sprint final : quand je lis les textes de Bertrand Delanoë, François Hollande et Ségolène Royal, je ne vois pas d’énormes différences à moins de vouloir cultiver virgules et nuances, et pourrait correspondre au profil que Le Canard enchaîné dessine pour le successeur de François Hollande, un 2nd couteau laissant la voie libre, en 2012, à un présidentiable qui s’appellerait Hollande François… Un ticket à l’américaine ?


> Laurent Fabius apparaît lui aussi dans une telle configuration, en soutenant la motion de Martine Aubry, qui convient au positionnement à gauche de l’ancien 1er ministre de François Mitterrand depuis son rejet de la constitution européenne en 2005. Ce n’est cependant pas du goût de tout le monde, et Pierre Mauroy affirme à France-Soir que les rapprochements qui semblent s’opérer entre les uns et les autres, et le moins que je puisse dire, c’est que tout cela ne me plaît pas. Il y a des spécialistes des opérations tordues, et je pense que c’est totalement contraire à l’esprit du rassemblement dont nous avons besoin. Le problème est que l’ancien 1er ministre de François Mitterrand voue une rancune tenace à son successeur à Matignon, mais il est aussi le mentor de Martine Aubry et soutient sa motion.


> Jean-Christophe Cambadélis a payé l’addition politique du fameux déjeuner à la Brasserie des Flots. Gaëtan Gorce, son collègue de la Nièvre, décrit le personnage : il est toujours tenté de multiplier les diversions et les bifurcations, au point de se retrouver dans un labyrinthe dont il n’arrive plus lui-même à sortir ! Le président de cette Université d’Été, militant de l’OCI à 20 ans, comme Lionel Jospin, est considéré comme le porte-flingue de Dominique Strauss-Kahn. Aux yeux de jeunes militants, il représente l’apparatchik par excellence, rompu aux combinaisons politiciennes et aux tractations en coulisses. Interrogé sur l’annonce du ralliement de son frère ennemi Pierre Moscovici à Gérard Collomb et Jean-Noël Guérini, le député de Paris estime que la nuance porte sur deux choses : la première est le préalable de la candidature de Pierre Moscovici. La seconde est de savoir si l’on procède tous ensemble, ou par étapes. Il n’y voit que des nuances d’emboîtement, ajoutant tout de même qu’il faut faire l’emboîtement sans perdre personne… Un jugement qu’il peut désormais s’appliquer à lui-même.


> Ségolène Royal est toujours en chasse-patates, car elle se sait complètement marginalisée au Parti socialiste. Elle a ouvert la manifestation en prononçant le discours d’ouverture de l’Université d’Été, agaçant de nouveau ses auditeurs avec une formule christique dont la presse a fait ses choux gras. Puis elle s’est éclipsée, non sans s’être affichée un instant avec son ex, afin de joindre le geste à la parole. David Assouline justifie sa posture en expliquant que son courant est le seul à avoir une position digne et cohérente au milieu du barnum de La Rochelle. On est les seuls à ne pas être dans les combinaisons contre-nature, on veut un congrès de la clarification, pas des petits arrangements entre ennemis, prétend-t-il. La conscience tranquille, il ne craint pas d’être minoritaire au congrès de Reims : ça ne nous fait pas peur, mais c’est loin d’être fait.


Déjeuner People à La Rochelle


> Lionel Jospin n’était pas venu à La Rochelle depuis 2006, où il était revenu sur son échec de 2002. Dans une intervention assez courte, il rappelle que les stratégies doivent nécessairement différer d’un pays à l’autre : grande coalition en Allemagne, alliance avec des partis régionaux en Espagne, transformation en Parti démocrate en Italie… et surtout, Union de la Gauche en France. C’est l’occasion de rappeler que, en 1981, 1988 et 1997, cette stratégie a été un succès. Pour le 1er ministre, rompre avec cette stratégie serait une erreur, même si les autres composantes de la gauche se sont affaiblies. Il estime que les socialistes doivent maintenir ce cap, à l’opposé de ce qui a été fait lors de la dernière campagne présidentielle, notamment l’hésitation des derniers jours. Dans le public, Bertrand Delanoë et Élisabeth Guigou hochent la tête, et boivent du petit lait. Le retraité de la politique reprend ainsi l’antienne de son ouvrage L’impasse, publié après la présidentielle, et s’inscrit dorénavant dans l’évocation d’un passé révolu. Il soutient Bertrand Delanoë.


> Marie-Noëlle Lienemann a rejoint le député européen Benoît Hamon pour lui offrir le soutien de la fraction la plus radicale du Parti socialiste. L’objectif est de rassembler toutes les contributions gauchistes et parvenir à compter 15% à 20% des militants pour imposer ses vues contre la mondialisation, le libre-échange et le traité de Lisbonne à la fraction majoritaire au congrès de Reims. En faisant alliance avec les amis d’Henri Emmanuelli, elle étoffe son poids politique au sein du parti, où de nombreux cadres et militants de la vieille garde socialiste conservent une influence non négligeable, et s’engouffre dans le champ laissé soudain vacant par Laurent Fabius, qui s’est recentré.


> Benoît Hamon s’ancre à gauche du parti socialiste en s’alliant à Marie-Noëlle Lienemann, dans une posture minoritaire et intransigeante Lors d’un point-presse, il a affirmé sa volonté d’interpeller les socialistes autour des grandes questions, un crayon à la main, en parlant de politique. Élargir encore un peu son influence pourra lui permettre d’infléchir les orientations fondamentales du parti au congrès de Reims, pourvu de miser sur la bonne échappée. C’est alors qu’il pourra prétendre au maillot blanc du meilleur jeune.


> Arnaud Montebourg est le grand perdant de la session des Universités d’Été 2008. En abandonnant Pierre Moscovici, qu’il avait accueilli la semaine précédente à Frangy-en-Bresse pour Martine Aubry, il porte sur lui la marque des traîtres, et son image, qui s’est dégradée au cours de la campagne présidentielle, apparaît irrémédiablement ternie. Il ne parvient plus à retrouver l’influence qu’il dans le parti au tournant du millénaire, et de trublion, il est passé combinard.


Arnaud Montebourg analyse le PS


> Pierre Moscovici avait reçu mercredi l’appui d’une 10aine de dirigeants socialistes proches de Dominique Strauss-Kahn et de signataires de la contribution de Bertrand Delanoë. Jeudi matin, il a refusé sur France Inter cette proposition : quand on vous tend la main ça fait toujours plaisir, mais non, je ne vais pas retirer ma candidature devant celle de Bertrand Delanoë car je fais l’analyse que le parti socialiste ne doit pas se présidentialiser maintenant. Samedi, Pierre Moscovici est lâché en rase campagne par Arnaud Montebourg. Construire une alliance nouvelle avec Gérard Collomb, le maire de Lyon, et Jean-Noël Guérini, le chef de file des socialistes des Bouches-du-Rhône, ne lui sera pas facile, car ils ont toujours envie de rejoindre Martine Aubry, et rentreront un jour ou l’autre dans le rang.


> Jean-Luc Mélanchon sait qu’il n’a plus rien à gagner.


La Lanterne Rouge

 

 


Si tous, ils sont venus se prendre en embuscade
Pour faire un mauvais coup et se marcher dessus,
Alors qu’ils ont mission de tendre au consensus,
Ils sont pourtant bien loin de porter l’estocade !


Sont-ils sans doute au front ou sur la barricade ?
Non, puisqu’ils sont entre eux dans le long processus
Pour mettre un terme à tant d’échecs si mal perçus,
Regardez-les s’y prendre, et puis passez muscade…


Sauront-ils dans quatre ans de la sorte être au point
Pour prendre place, ou bien vont-ils servir d’appoint ?
D’aucuns sont prêts à prendre au prochain coup la place.


Que feront-ils demain s’ils n’y sont plus présents ?
On dirait qu’ils sont las, qu’il faut qu’on les remplace,
Nul ne comprend, mais c’est ainsi depuis dix ans.