Les Empreintes ADN en Question après le Meurtre du petit Valentin

Les Empreintes ADN en Question après le Meurtre du petit Valentin

Sauvagement poignardé lundi soir de la semaine dernière, Valentin Crémault a reçu 44 coups de couteau alors qu’il jouait dans la rue. L’enquête piétine et s’oriente tous azimuts, des moyens spectaculaires étant mis en œuvre pour retrouver la piste du ou des meurtriers… Au centre du débat, la question du fichage ADN dont les pouvoirs publics sont prêts à faire une grande cause nationale !

L’enquête de gendarmerie tient pour l’instant sur l’analyse ADN du sang retrouvé sur les vêtements de la victime ainsi que sur une porte en bois. Une empreinte qui ne correspond pas aux 717.000 traces déjà mises en fiches par les gendarmes et les policiers français. L’ADN est, pour l’heure, leur principal atout. Les gendarmes disposent d’une empreinte génétique masculine inconnue relevée sur le jogging de la victime et sur une porte en bois. Un couple de marginaux recherché a été interpellé dimanche en milieu d’après-midi dans l’Ardèche. Considéré comme le principal suspect par le parquet, l’homme, Stéphane Moitoiret, 39 ans, a été décrit par le Procureur général de Lyon, Jean-Olivier Viout, comme un psychopathe.


Le couple a séjourné dans un local paroissial à Saint-Sorlin-en-Bugey, dans l’Ain, sur la porte duquel une empreinte génétique similaire à celle relevée sur la scène du crime a été trouvée. Il y a une forte suspicion que l’ADN masculin inconnu, relevé à la fois sur le corps, les vêtements de l’enfant et les gouttes de sang maculant plusieurs rues de Lagnieu, soit celui de l’homme recherché, a indiqué Jean-Paul Gandolière, Procureur de la République de Bourg-en-Bresse. Le local de Saint-Sorlin-en-Bugey, situé à quelques kilomètres des lieux du crime, n’avait pas eu d’autre occupant que ce couple ces derniers temps, a-t-il expliqué : l’homme est le suspect principal de l’affaire. Le couple avait été contrôlé par des gendarmes peu après 19h00 le lundi 28 juillet quelques heures avant le crime, à Leyment, à 4 Km des lieux du crime. L’homme et la femme avaient alors affirmé être des pèlerins originaires d’Australie, venus en mission en France, toujours selon le procureur.


Les enquêteurs ont d’ores et déjà établi, grâce à des témoignages et des bandes de vidéo-surveillance, que le couple se trouvait sur place au moment où le crime a été commis. Il a en effet passé la nuit dans le local paroissial d’un village voisin, à Saint-Sorlin. Dès que nous avons appris ce renseignement, nous nous sommes dès hier transportés sur les lieux avec des techniciens en investigation criminelle, a expliqué le magistrat. Là, les enquêteurs ont trouvé sur la porte d’entrée une trace de sang qui correspond à l’ADN relevé notamment sur le jogging de Valentin. L’homme, originaire de Creil, mesurant 1,70 m et portant les cheveux mi-longs, et la femme, 49 ans, originaire de Cambrai, portant les cheveux longs et se déplaçant avec un chat noir tenu en laisse, ont été qualifiés de dangereux par Jean-Paul Gandolière.

Quand le ministère public mène l’enquête…


Égarés par l’absence de mobile et de témoin, les enquêteurs de la Gendarmerie se concentrent sur leur travail et déploient tous les moyens mis à leur disposition pour diriger leurs investigations dans la bonne direction pendant une semaine entière. Les nouvelles expertises, une dizaine en tout, dont les résultats sont attendus aujourd’hui portent sur tous les gens qui ont approché Valentin dans les heures précédant le drame. Les membres de la famille du garçon ont déjà été mis hors de cause, l’empreinte découverte ne correspondant pas au génotype des parents biologiques, précise le procureur. Il n’y aura pas de prélèvement systématique sur la population de Lagnieu, souligne le parquet de Bourg-en-Bresse. Les enquêteurs s’intéressent entre autres à une bande de jeunes présents lundi soir à proximité des lieux du crime. Plusieurs personnes ont d’ores et déjà été auditionnées et chacune a fait l’objet d’un prélèvement d’ADN à des fins de comparaison. Se préparant à une enquête de longue haleine, le procureur devait recevoir les parents de Valentin jeudi afin de leur expliquer la procédure judiciaire qui va désormais se poursuivre. Dans la mesure où nous n’avons aucune suspicion particulière, nous recherchons les personnes qui ont séjourné à Lagnieu peu avant le meurtre, surtout celles qui n’y habitent pas en temps normal, reconnaît-il…


Contrairement aux usages, l’enquête est apparemment diligentée par le Parquet, contrairement aux usages et au droit français ! C’est tout du moins ce qu’il est donné à lire au fil des dépêches d’agence, où seuls communiquent les avocats généraux. Tandis que dans bon nombre d’affaires politiques, les informations qui filtrent dans la presse sont soustraites au juge d’instruction par des moyens frauduleux, dans celle-ci le Parquet est maître de la communication. 2 pistes sont principalement retenues par ceux que Rachida Dati s’est plue à nommer ses collaborateurs, les vagabonds et leurs empreintes génétiques. Pour le moment, l’ADN n’a pas parlé : il ne correspond ni à celui des parents de l’enfant ni à aucune des empreintes répertoriées dans le Fichier national autorisé des Empreintes génétiques (FNAEG). Les nouvelles expertises, une dizaine en tout, dont les résultats n’ont pas été probants, portent sur tous les participants au dernier repas de Valentin et à un certain nombre de profils ciblés.


Les enquêteurs s’intéressent entre autres à ces jeunes qui se trouvaient près des lieux du crime. Plusieurs personnes ont d’ores et déjà été auditionnées et chacune a fait l’objet d’un prélèvement d’ADN à des fins de comparaison. Vendredi soir, dans la région de Valence, dans la Drôme, un jeune homme qui avait été aperçu à Lagnieu en train de maltraiter son chien a été entendu. Son profil génétique est également passé au crible. Les gendarmes ont en fait l’intention de retrouver et d’entendre toutes les personnes qui se trouvaient lundi soir à Lagnieu et qui ne résident pas dans la commune. Il n’y a pas de piste précise pour le moment, mais, chaque jour qui passe, nous affinons, prévenait dès vendredi Jean-Paul Gandolière, du ministère public…


D’autres indices mènent cependant à la piste satanique. L’analyse de l’ordinateur familial par un technicien informatique visant à déterminer si les activités de Valentin sur Internet peuvent l’avoir mené à une mauvaise rencontre devrait, elle aussi, livrer prochainement des résultats. Le couple actuellement en garde-à-vue a été identifié grâce à un renseignement capital provenant d’une enquête de voisinage de la gendarmerie. Des témoignages faisaient en particulier état de la présence de 2 personnes errantes avec un chat noir au bout d’une ficelle aperçues à Lagnieu ou à proximité au moment du meurtre dans la soirée du 28 juillet, a expliqué le magistrat. C’est donc la concordance du comportement insolite de Stéphane Moitoiret et de sa compagne avec les rituels diaboliques qui ont dirigé les soupçons des enquêteurs vers le couple de routards ! Il ne reste plus qu’à les confondre en confrontant leurs empreintes génétiques avec les indices ADN retrouvés sur le corps de l’enfant et sur la porte en bois devant laquelle il a été retrouvé.

Pourquoi saisir les empreintes génétiques d’un maximum de gens ?


Le fichier des empreintes génétiques est un outil moderne et efficace qui promet d’obtenir des résultats comparables à ceux du fichier automatisé des empreintes digitales, considère le ministère de l’Intérieur… Créé en 1998, FNAEG est commun à la Police nationale et à la Gendarmerie. La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles l’a créé en limitant son champ d’application aux seules infractions de nature sexuelle : viols, agressions et exhibitions sexuelles, infractions liées à la pédophilie… Il ne traitait alors qu’une part frange très spécifique de la délinquance. En outre, cette loi limitait la conservation des profils génétiques aux seules personnes définitivement condamnées ainsi qu’aux traces non identifiées.


Il a été constamment enrichi et les catégories de personnes susceptibles d’y laisser aussi leur empreinte. Le FNAEG était destiné par la Loi Guigou du 18 juin 1998, dans son article 28, à recueillir les empreintes génétiques des personnes impliquées dans les infractions à caractère sexuel, mais Nicolas Sarkozy a remarqué en arrivant au ministère de l’Intérieur en 2001, toutes les opportunités que lui offrait un tel fichier. Les lois successives, qu’il a initiées ou auxquelles il a participées ont renforcé toujours un peu plus son champ d’application : la Loi du 15 novembre 2001 relative à la Sécurité quotidienne, dans son article 56, la Loi du 18 mars 2003 sur la Sécurité intérieure, dans son article 29, la Loi du 9 mars 2004 dite Loi Perben, dans son article 47, la Loi du 12 décembre 2005, dans son article 18, la Loi sur les Violences conjugales du 4 avril 2006 dans son article 17, la Loi relative à la Prévention de la Délinquance du 5 mars 2007, dans son article 42… Les traces biologiques peuvent être relevées à partir de cheveux, de poils, de salive, de sang, de peau ou de sperme laissés sur les lieux d’une infraction. D’une manière générale, tout ce qui contient des gènes peut être analysé en laboratoire.


Un exemple des possibilités inouïes que peuvent apporter les empreintes ADN a été donné au moment de la campagne pour les élections présidentielles du 6 mai 2007. Une affaire un peu particulière et particulièrement grave a fait jaser : 2 mineurs de 17 ans et un majeur de 18 ans ont été interpellés, puis jugés pour le vol d’un scooter un peu particulier, de par l’identité de son propriétaire, l’un des fils de Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait déclaré le vol de son cyclomoteur le 7 janvier 2007 à Neuilly. Le scooter a été retrouvé à Bobigny 10 jours plus tard. Un phénomène assez rare puisque sur les 200 deux-roues volés chaque jour en France, moins d’un sur dix est retrouvé. Mais cette fois, selon Le Parisien, les policiers ont employé des moyens importants : signalé sur un parking par une habitante de Bobigny quelques jours après le vol, l’engin a pu être identifié comme appartenant au fils de Nicolas Sarkozy grâce à un relevé d’empreinte et deux prélèvements ADN. Un policier explique que l’enquête a été bien menée avec des moyens habituels. C’est un avis que ne partage pas Frédéric Brodziak, le représentant des Motards en Colère. Selon lui, cette histoire n’est pas représentative du quotidien des motards ; en cas de vol, à chaque fois, on nous répète que n’avons aucune chance de retrouver notre deux-roues, s’étonne-t-il.


De nombreuses énigmes judiciaires auraient été élucidées si les techniques utilisées en criminologie avaient été aussi performantes qu’aujourd’hui. Dans un passé récent, si les recherches ADN avaient été pratiquées, les investigations sur la disparition d’Agnès Leroux, l’assassinat de Ghislaine Marchal, de Gregory Vuillemin, la mort de Sophie Toscan du Plantier auraient suivi un autre cours. Mais la science n’a pas réponse à tout en matière judiciaire : un exemple saillant est fourni par l’affaire de l’assassinat de Ghislaine Marchal à Mougins. Son jardinier marocain, Omar Raddad avait été condamné en 1994 à 18 ans de prison pour homicide volontaire et gracié, puis libéré après 7 ans de détention. Ses avocats avaient saisi la cour de Révision de la Cour de Cassation afin qu’il soit rejugé. La cour a décidé, en novembre 2002, que le jeune homme ne le serait pas. Elle a suivi les réquisitions de l’avocat général, Laurent Davenas, qui avait estimé en 2002, que les contre-expertises graphologiques réalisées par la défense n’étaient pas un élément nouveau susceptible d’entraîner la réouverture d’un procès. Il avait conclu que les expertises génétiques, mettant en évidence sur l’inscription Omar m’a tuer la présence d’un ADN différent de celui du jardinier étaient certes un élément nouveau, mais qu’elles n’étaient pas de nature à faire naître un doute sur la culpabilité, comme l’exige la loi.


Malheureusement, les tests ADN ne permettent pas toujours d’établir une preuve irréfutable, pense Me Olivier Proust, avocat au Barreau de Paris, auteur d’un livre sur les Grandes Erreurs judiciaires en 2006. Il précise cependant qu’à l’heure actuelle, l’ADN apparaît comme l’un des moyens les plus sûrs d’établir une preuve. Les progrès réalisés ces dernières années en matière d’expertise génétique ont certainement permis d’élucider un grand nombre d’énigmes : tel est le cas de l’affaire Caroline Dickinson, une collégienne anglaise de 13 ans assassinée dans une auberge de jeunesse en 1996. Le juge Renaud Van Ruymbeke a ordonné une vaste analyse d’ADN sur 268 hommes du bourg de Plaine-Fougères, qui aura essentiellement l’intérêt de disculper ses habitants ! C’est par une simple vérification de routine effectuée à Detroit, aux États-Unis, par un officier de l’Immigration, après être tombé sur le nom d’Arce Montes sur un article du Sunday Times, qui permit aux agents français de retrouver la trace de l’agresseur présumé.

La mode est à la police technique et scientifique :


En 2008, dix ans après sa création, le fichier des empreintes génétiques contient plus de 763.261 traces, 46.000 dossiers sont ajoutés chaque mois. Il contient 177.728 condamnés, 425.000 mis en cause, et 30.000 traces inconnues. Pourtant, les résultats qu’il donne sont très inférieurs aux statistiques concernant les élucidations des crimes et délits, qui s’est établi à 37,65% en avril 2008, soit une hausse de 3,37% par rapport à celui enregistré en avril de l’année précédente, qui atteignait 34,28%, selon un bilan d’activité des services publié par la Direction générale de la Police nationale. En revanche, il invite à renforcer la répression, puisque les mises en cause ont augmenté de 15,39% et les gardes-à-vue de 11,89% sur la même période. Les taux d’élucidation des atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes (homicides, coups et blessures, viols, etc.) est de 62,70%, avec une augmentation des gardes-à-vue de 10,47% et des mises en cause de 11,85%.


Tout en se plaisant à le comparer au fichier des empreintes digitales, qui contient à l’heure actuelle plus de 2,87 millions de données, le ministère de l’Intérieur réaffirme sa volonté d’étendre au maximum le champ des investigations dévolues au FNAEG… L’article 706-56 du Code de Procédure pénale prévoit le délit de refus de se soumettre au prélèvement pour les personnes mises en cause. Les peines prévues sont d’1 an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende et, si l’auteur des faits est condamné pour crime, 2 ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende, ces peines ne peuvent se confondre avec celles déjà subies. Cet article punit également le fait pour une personne faisant l’objet d’un prélèvement, de commettre ou de tenter de commettre des manœuvres destinées à substituer à son propre matériel biologique le matériel biologique d’une tierce personne, avec ou sans son accord, un délit puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende ! Pour les personnes condamnées, le refus du fichage génétique entraîne la suppression des remises de peine. L’article 706-55 indique que la décision de l’effacement revient au procureur de la République lorsque leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. Le procureur fait connaître sa décision à l’intéressé par lettre recommandée. S’il n’a pas ordonné leur effacement, cette personne peut saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l’instruction.


L’opportunité d’un tel outil a tendance à faire oublier à nos hauts fonctionnaires de l’Intérieur que l’essentiel du travail policier est fait de routine et d’imagination. C’est à Conan Doyle qu’il revient le bénéfice largement abusif d’avoir mis les méthodes scientifiques des détectives à la mode. Son héros Sherlock Holmes est-il ainsi constamment mis en scène à plat ventre aux fins de rechercher sur un tapis une trace de pas qui lui permettrait de confondre le coupable de l’énigme proposée par le brave inspecteur Lestrade… Et pourtant, la solution ne surgit des indices laissés involontairement par le coupable dans aucune des histoires inventées par l’écrivain écossais ! Ceux-ci apparaissent en fait des éléments de la progression dramatique de l’intrigue, et surtout des éléments du décor. C’est à chaque fois le génie de déduction du génial enquêteur qui permet de résoudre le problème, à l’abus de substances opiacées, et non ses compétences avérées en chimie. Le succès de Sherlock Holmes dans la littérature populaire n’est pas le fruit du hasard, puisque ses premières enquêtes coïncident avec l’obsession criminelle générée par les forfaits de Jack l’Éventreur, non résolus à ce jour, et l’essor de la police scientifique, essentiellement liée au bertillonnage et à la dactyloscopie.


L’écrivain britannique étant lui-même passionné par les travaux d’Alphonse Bertillon, il propose 2 références au criminologue français dans ce qu’il est convenu d’appeler le canon des aventures de Sherlock Holmes. Au cours d’un trajet en train dans l’affaire du Traité Naval, Watson nous dit que Sherlock Holmes manifesta une admiration enthousiaste pour les travaux du savant français. Son intérêt portait notamment sur le système de mensurations. Dans Le Chien des Baskerville, le Docteur Mortimer laisse sous-entendre que Sherlock Holmes serait le deuxième plus grand expert européen en matière de criminologie et il précise que l’œuvre de Bertillon est sans rivale. Cette remarque froisse le limier britannique, mais il accepte quand même, en dépit de sa contrariété, d’écouter la légende des Baskerville. Rappelons également que Sherlock Holmes pourrait avoir connu ces méthodes lors de son séjour à Lyon en 1887, alors qu’il pourchassait le baron Maupertuis. Il dut en effet rencontrer le Docteur Lacassagne qui dirigeait alors le laboratoire de sciences médico-légales et qui était un partisan inconditionnel du bertillonage.


Le parcours d’Alphonse Bertillon (1853-1914) vaut également d’être rappelé. Sans talent particulier en dépit des brillantes carrières scientifiques de son père et de son frère cadet, il entre à la Préfecture de Police en 1878 comme simple commis aux écritures. La Sûreté connaissait alors de grandes difficultés dans le domaine de l’identification des criminels. En fait, il n’y avait aucune méthode, ce qui ne manquait pas de poser de gros problèmes de recherche dans les énormes fichiers disparates dont disposaient alors les policiers. L’idée de Bertillon fut d’imaginer, de concevoir et de mettre en place une méthode simple et logique pour cette identification. Patiemment, à force de ténacité, il réussit à imposer son point de vue à l’administration. En 1882, on l’autorise à essayer sa méthode anthropométrique et il fallut s’incliner devant les brillants résultats qu’il obtient. En 1885, l’identification par les mesures est recommandée par le ministère. Devenu chef du service de l’Identité judiciaire, Alphonse Bertillon voit ses méthodes se répandre dans le monde entier. Il peut être considéré comme un des fondateurs de la police scientifique. Le premier, il appliqua l’anthropologie à la criminologie. Il est l’inventeur du portrait parlé, de la classification colorimétrique des yeux, il utilise la photographie dans les recherches judiciaires en standardisant les prises de vue (face et profil, éclairage…), et met au point un nouvel appareil de photographie métrique. En revanche, il s’est déconsidéré en intervenant comme expert en graphologie au procès du capitaine Dreyfus, mais peut-être fut-il aveuglé, comme beaucoup de Français, par ses opinions politiques…


Se référer à l’œuvre littéraire de Conan Doyle au sujet d’un crime horrible et bien réel, comme celui qui a frappé le petit Valentin, n’est pas incongru. L’affaire qui déchaîne les passions aujourd’hui en France est à bien des égards comparable aux plus belles affaires résolues par Sherlock Holmes : un crime affreux, l’absence de mobile apparent et des indices matériels qu’il convient de trouver sont les trois grands ressorts des énigmes policières réelles ou imaginaires… Il en est d’ailleurs une qui trouva sa solution dans l’imagination d’un grand poète, et ce n’est pas fortuit : c’est l’utilité même de toute forme de poésie que d’exprimer l’indicible. Ainsi le génie d’Edgar Poe ne s’est-il pas seulement destiné à offrir des œuvres extraordinaires à la postérité, mais il a aussi permis de résoudre un crime dans Le Mystère de Marie Roget, or les autorités de New York, sourdes aux élucubrations d’un résident de Baltimore, n’ont arrêté l’assassin que plusieurs mois après. Edgar Poe a cependant trouvé la solution grâce au seul pouvoir de son imagination et en consultant les journaux, à l’instar de son célèbre héros romanesque, le chevalier Dupin.


Il n’est donc pas nécessaire de mettre en fiches le plus possible de Français, un travail fastidieux et toujours inachevé, aux résultats toujours contestables, puisqu’il revient toujours aux principes de déduction et au flair des enquêteurs de résoudre un problème. La foi aveugle dans le progrès scientifique et l’impression de tout maîtriser en contrôlant les populations grâce à des systèmes de classement statistiques ne sont que de savants prétextes à la paresse intellectuelle. Si l’enquête sur le meurtre du petit Valentin a soudain rebondi dimanche, il ne revient pas aux empreintes génétiques de retrouver le ou les auteurs présumés du crime, elles permettront seulement de confondre ou de disculper les suspects. Le fichier des empreintes ADN n’aura d’ailleurs servi qu’à mettre un certain nombre de personnes suspectées déjà hors de cause. Mais si Stéphane Moitoiret est inculpé, c’est à cause de son chat noir, qui à mis aux gendarmes la puce à l’oreille !

 

 


Cette idée a séduit le crime et la beauté :
Le désir de bien faire et l’arrogance insigne
Ont tous les deux offert de l’émotion le signe
Que la folie humaine a nos cœurs exalté !


Si l’examen des faits a permis la clarté
Qui surgit aux dépens de l’auteur qui les signe,
La valise est restée au fond dans la consigne
Tant qu’il cherche un mobile à tant de vanité.


Or, l’artiste a surtout le grand dessein d’exclure
Le crime écrit sans cœur par le soin de conclure,
Car le mal absolu n’est pas un des beaux-arts !


Donnez-lui un couteau : il touche au cœur un môme,
Mais s’il prend un crayon par les plus grands hasards
Il touche au cœur les gens et n’est plus le même homme.