Sarkozy et les balles à blanc

Un mot sur l’anecdote, à bien des égards
passionnante, qui vient de plonger l’armée française dans le
désarroi. Le 29 Juin 2008, un sergent tire à balles réelles
sur des spectateurs venus assister en famille à une journée
portes ouvertes du 3e Régiment de parachutistes d’infanterie
de Marine.

Bilan, 17 blessés. Contre-sens, hébétude,
incompréhension... comment en est-on arrivé là ? croit-on
pouvoir s’interroger aussitôt. Et chacun de rechercher le
coupable afin de mieux enterrer l’affaire une fois les
responsabilités établies. Mais l’anecdote mérite de survivre
à cet emballement médiatique. En vérité, le lapsus est
superbe.

Car enfin, voici qu’une armée en passe de
paupérisation, trahie années après années par une classe
politique sourde à la spécificité et aux exigences du combat
militaire, promise enfin à la dissolution géopolitique sous
l’impulsion d’un président moins gaulliste que jamais, voici
que cette armée se soustrait à la comédie à laquelle on
entend — d’ailleurs insensiblement — la condamner. On
s’attendait à des balles à blanc, on vit claquer des balles
réelles : voici que le Réel fait irruption en plein milieu de
la kermesse organisée. Gageons que ce lapsus d’une
limpidité admirable se répétera dans l’avenir sous des
formes variées. On dit que notre Président aurait traité nos
militaires d’irresponsables, alors même que ce geste
irresponsable est venu nous rappeler qu’une armée n’a
peut-être pas pour vocation de tirer des balles à blanc afin
de divertir les foules. Pouvait-on espérer de Nicolas
Sarkozy une intelligence réelle de la situation ?

Non, bien
sûr. Entre le Président indigné et le sergent distrait, le
moins sérieux des deux n’est pas celui que l’on croit.