Nadine Trintignant, une mère tout simplement ...

Nadine Trintignant, une mère tout simplement ...

Comme beaucoup d’entre nous, ma première impression fut négative, de voir si vite un livre sur la mort de Marie Trintignant en librairie. Comme beaucoup d’entre nous, ma première impression déboucha sur une sorte de colère en constatant que ledit livre était écrit par sa mère. Comme beaucoup d’entre nous, ma première impression fut un rejet total.
Puis la réflexion a porté ses fruits, les témoignages arrivèrent, les déclarations des uns et des autres. Puis Nadine parla. Et la lumière se fit.

Soyons honnêtes d’entrée de jeu : ce drame people n’intéresserait personne si, justement, il n’impliquait pas des people. Il convient donc de résonner sur le bon postulat de départ, et non comme le blaireau de base qui se dit choqué alors qu’il décrie ce qu’il consomme et ce qui le nourrit : le sensationnel.
Une femme battue à mort par son compagnon, cela est triste à dire, c’est intolérable mais c’est banal, disons que cela fait partie du paysage social de notre quotidien, et que tout le monde s’en fout, ou presque. Vieux relent de machisme, d’imbécillité, d’égoïsme, etc.
Or, ici, qu’avons-nous ?
Une femme battue à mort par son compagnon ? Non, mais une actrice de cinéma tuée par un chanteur, c’est mieux. C’est de bon ton pour ouvrir le 20 heures. Alors là, gros plan, champagne, envoyés spéciaux, direct télé, Vivendi qui ressort les albums de Noir Désir dans les bacs,… Tout est bon pour faire de l’audience … et un tas de fric.

Mais tout le monde se plante.
Comme d’habitude, la caméra ne regarde pas dans la bonne direction.
Après s’être apitoyé sur la malheureuse victime, on oublie les vivants, comme toujours. Pointé du doigt, le meurtrier baisse la tête, mais pas trop. Il doit se défendre, donc il commence sa petite campagne de sensibilisation, s’invente des excuses, demande pardon ... Mais quid de la famille de la victime ? Elle demeure au fond du trou. Seule.
Alors pourquoi ce livre ?
Sans doute parce que la douleur était trop forte. Parce qu’il y a quatre jeunes garçons,aussi, qui n’ont plus de maman. Parce qu’un jour il faudra bien leur avouer la vérité. Parce que cette société hypocrite que nous construisons chaque jour par notre silence doit être réformée, et que l’opportunité d’être entendue ne doit pas être laissée de côté.
Nadine Trintignant se sert de sa notoriété, et de celle de sa fille, pour pousser un coup de gueule, un cri de colère, un cri de douleur, un cri d’amour ? Oui, et alors ? Mais que faisons-nous d’autre, nous tous qui écrivons, et plus particulièrement ici, au Mague, si ce n’est de profiter d’une vitrine pour tenter vaille que vaille de faire passer des idées, de dénoncer des injustices, de provoquer des débats ? De tenter de faire bouger les choses, en somme.

Seul le silence est condamnable.
Comment osons-nous nous proclamer « société civilisée » alors que nos jeunes filles sont victimes de tournantes dans les cités, qu’elles n’osent plus s’habiller en filles, pliées en deux sous le joug des garçons dans les lycées, ces petits machos qui ne sont capables que de frapper une fille s’ils sont au moins cinq contre une ?
Comment osons-nous donner des leçons de vie aux autres alors que nous nous taisons sur nos maux au lieu de les combattre ?
Nadine Trintignant a écrit ce livre pour elle, soit. Mais aussi pour provoquer des réactions. Pousser les gens à parler. Même Kristina Rady, la femme de Cantat, qui avoua le jour du drame avoir été battue, s’est rétractée par la suite. La peur la ronge. Sous couvert de protéger son fils, elle ment. Alors que lui ne réclamera que la vérité quand il sera en âge de comprendre. Mais elle a peur. Peur de ce salopard de Cantat qui risque de la battre de nouveau quand il sortira, si jamais elle parle.
Alors moi aussi je dis cela suffit !

Nadine Trintignant devait écrire ce livre, aussi, pour rétablir la vérité.
Car, comme je le disais plus haut, désormais, seul le meurtrier a voix au chapitre. La famille de la victime, tout le monde s’en fout. Un chanteur assassin c’est quand même mieux pour ouvrir le 20 heures qu’une famille en deuil.
Or, Cantat, par avocat interposé, n’arrête pas de dire que Marie était « hystérique », le petit vaurien, il rejette sa responsabilité sur un prétendu état psychologique faible de sa compagne. Comme si cela excusait quoi que ce soit. Minable petit mec. S’il avait un minimum de culture, cet abruti saurait que l’on ne touche jamais une femme, même avec une rose. Et ça se dit chanteur engagé. Il n’y a qu’à écouter et/ou voir son groupe sur scène, Noir Désir est d’une violence extrême. Tant les paroles que les comportements gestuels des membres du groupe. Tout cela dégage une puanteur malsaine … Mais passons, nous ne sommes point là pour faire le procès du groupe rock.
Nadine Trintignant écrit pour rétablir la vérité. Puisque d’un côté il y a les médias pour dépeindre la version Cantat (conférence de presse de Noir Désir pour soutenir son chanteur vedette : on n’est quand même à deux doigts de l’indécence, ici, non ?), il doit y avoir l’autre pendant, la version de Marie, par la voix de sa mère. Je trouve cela équitable.

Nadine Trintignant avoue, avec une humanité extraordinaire, vouloir se battre pour sa fille. Donc, ne pas hésiter à entrer dans la polémique, jusqu’à influencer le procès.
Comment laisser passer la version qui dit que la violence que Cantat exprimait sur scène se soit retourné contre lui ? Ne va-t-on pas le plaindre bientôt, le pauvre chéri. C’est exactement l’application du syndrome que ces malades développent : ils frappent leur femme, puis s’effondre en larmes, pardon, pardon, et bientôt retournent la culpabilité sur la victime, pour mieux recommencer plus tard. C’est tout contre Marie que cette violence s’est abattue, il ne faudrait pas l’oublier !
Comment parler de crime passionnel ? « Tuer quelqu’un, ce n’est pas de l’amour ni de la passion », dit Nadine Trintignant. « Quand on rencontre une femme de 40 ans (avec 4 enfants) on doit accepter son passé, sinon ce n’est pas de l’amour, mais de la possession. »

L’action associative, sera après le procès. Nadine Trintignant est tout à fait prête à apporter son soutien pour aider la cause des femmes battues. Mais après.
Après le procès. Après avoir pu, su, endiguer, canaliser cette haine qui l’habite, et dont, tout aussi humainement, humblement, elle avoue s’être laissée dominer. Cette haine qui vous mange tous les jours le peu de calme que vous avez. Cette haine qui vous aide à tenir bon aussi. Mais qu’il faudra bien, un jour, faire taire.

D’où la thérapie du livre. D’où l’engagement pour défendre la vérité et la mémoire de sa fille perdue.
Qui ne réagirait pas de la sorte ? Qui pourrait laisser filer après l’assassinat de son enfant par un fou furieux ?
Vous ?
Moi, non.