Alexandre côté Jardin

Alexandre côté Jardin

Ce zèbre-là traîne son air de romantique angoissé depuis bien des années dans le microcosme littéraire français, on s’est habitué à lui, il fait partie du paysage, sa tignasse touffue, son œil inquiet et traumatisé nous préviennent de ses arrivées médiatiques comme dans un rituel préétabli et lancinant. Tout le monde connaît son nom même sans même avoir lu aucun de ses chefs d’œuvre. On l’a vu à la télé, ça suffit pour se faire une idée du bonhomme, il a la tête de l’emploi, il est cohérent. La société a semble t’il besoin d’un " Alexandre Jardin " avec sa tête de premier de la classe et ses mèches en bataille dérangée, c’est une sorte de garde fou qui rassure.

Jardin, c’est un Punching Ball dont on aime se moquer même si on regrette aussitôt son geste et que l’on se dit que cela n’est certainement pas de sa faute s’il est comme cela et qu’il y a sans doute des gens plus dangereux que lui à titiller, à épingler. " Oui ", mais Jardin est terriblement énervant de nature, celui qui " refuse toute esquive de la vie " a un don certain pour attirer les claques et les critiques en tous genres. C’est le " casse couilles " de service, le mec collant que l’on a tous connu à la cour de recréation, le garçon pas méchant mais qui nous fait perdre tout sang froid, le mec qui insupporte de manière intrinsèque. Alexandre c’est le beau frère cultivé et psychotique que l’on évite à tous les repas de famille ou communions, l’individu qui cherche toujours à vous emmener dans ses délires obsessionnels et à qui il est difficile de dire non. Jardin c’est l’histoire d’un homme pas totalement fini dans sa tête qui joue perpétuellement à être heureux. La " Litterary Story " d’un apprenti BHL de supermarché qui réfléchit trop et n’importe comment, mais qui sait toujours, quoi qu’il arrive, en tirer des vérités creuses pour égayer ses pages de romans fleuves noyés par les bons sentiments. Jardin a un don inimitable pour gâcher du papier à gros tirages.

Son créneau c’est l’amour furieux, la folie douce affective, les paris stupides et les stratagèmes niais pour surprendre l’autre car on n’ose pas trop lui être infidèle. Cela se défend, bien entendu, mais c’est dramatiquement utopiste et simplet même s’il y a un public qui ne demande que ce genre de programmes pour rêver en littérature et se sortir de sa misère affective entre deux émissions de " C’est mon choix "..

Il faut dire à sa décharge que cet éternel " vieux jeune " cumule, depuis sa plus tendre enfance de névrosé chronique, bon nombre de casseroles à son joli derrière. De prime abord, en plus d’être un écrivain mièvre pour midinettes, Jardin a reçu, la palme du " plus mauvais réalisateur du siècle " et cela ce n’est tout de même pas la moindre des prouesses artistiques. On se souvient avec une mélancolie horrifiée de son " Fanfan " qu’il aurait dû appeler plus justement " GnanGnan ", de son zèbre enfantin, de son " oui " insupportable et puéril et de ses autres niaiseries cinématographiques récentes dont il vaut mieux taire les noms, par pudeur.

Jardin c’est l’anti-réalisateur par excellence qui n’a rien compris au Cinéma et qui ne sait que le nourrir de ses errances poétiques et nunuches, en oubliant la base de tout en la matière ; on n’adapte pas de vieilles recettes simplettes qui ne fonctionnent que sur les gamines et les ménagères de TF1 sur grand écran. Sinon, cela fait des flops gentillets qui encombrent les salles obscures et les rediffusions télévisées du dimanche soir. C’est une règle infaillible

" La véritable maturité n’est-elle pas de s’enfanter chaque jour. "

(Le petit Sauvage, p. 100) AJ

Autre handicap de taille, c’est le lourd collier génétique que notre écrivain pour dames arbore à son cou, car il faut savoir que cet enfant de Neuilly est fils et petit fils d’écrivain. Son " Zubial " de père est l’auteur du célèbre " Nain jaune " ce qui fera, entre autres, qu’Alexandre courra toute sa vie après ce succès-là, qu’il sera toute son existence terriblement instable. Et si le grand père n’a rien publié, Alexandre est bien plus prolixe et nous sort à intervalles réguliers un morceau choisi de ses gamineries à deux euros et de sa philosophie qui touche des sommets l’art de ne rien dire avec des mots savamment orchestrés. Alexandre Jardin sera un auteur de second ordre toute sa vie, surtout si on le compare à son père, Pascal, lui qui était un dialoguiste au talent insolent. On ne peut l’aimer que comme on aime un film de série B, au second degré. Il est bien trop léger, pétillant et, surtout si inconsistant dans le fond. S’il n’avait, en fait, écrit qu’un seul livre dans le ton, qui lui est maintenant attaché, et s’il s’était renouvelé, au fur et à mesure, peut-être aurait-il pu devenir un écrivain digne de ce nom. Mais sa vie est un échec, une course effrénée pour ressembler à ce père charismatique et queutard trop tôt disparu.

Pourtant, Jardin a pour lui un incontestable sens de la formule, même si, à trop s’en servir, on sent trop bien le faiseur, le garçon un peu laborieux qui se regarde écrire des choses légères et géniales et qui s’en félicite... Aujourd’hui, il en est réduit à refaire toujours le même mauvais livre. Libérons enfin Alexandre du petit jardin à produire des best sellers dans lequel il s’est enfermé lui-même depuis trop longtemps ! !