Avec Mahmoud Darwich les liens sont les sentiments

Avec Mahmoud Darwich les liens sont les sentiments

Quand un homme ne retient plus ses mots pour protéger le lieu du passage vers un nom étranger cerné d’eucalyptus il transcende le poème en étendard. Et quoiqu’il en dise, ce chant ne lui appartient plus : malgré l’amère saveur que cela lui laisse dans la bouche, il sait que les banderoles continuent à proclamer qu’il n’a jamais été là. Et pourtant …

Toutes traces balayées dans l’éther du monde finissant, ce recueil – comme les autres – n’en est pas moins présent, témoin irrévérencieux d’une politique coloniale qui nie l’Histoire alors que les Palestiniens sont d’ici, là et bien là comme tatouages d’une main dans le poème suspendu.
Ces traces demeurent ici, elles passent là, peut-être, mais sans nous elles ne connaîtraient pas les mots qui nomment les arbres, qui nomment les oiseaux, le ciel et le vent rassemblés … Sans lecteur ces âmes n’auraient pas de repos après avoir été frappées par la foudre, alors nous devons aussi savoir que l’amertume ira se glisser dans les veines, gâchant un peu notre plaisir. Et même si l’amour vaincra, si le plaisir ira irradier son sel pour mieux conspuer la mort qui rode, le goût de pèche de sa bouche aura tourné le temps d’un éclair. Comme si le jour naissant, au moment de quitter la couche, il faudra renfiler son habit de combattant alors que l’on ne rêve que d’aller cueillir les olives qui arrivent à terme ; mais l’occupant ne l’entend pas de cette oreille …

Hallée comme les chants anciens de moissons,
brune de la piqûre de la nuit,
blanche tant l’eau a ri
lorsqu’elle s’approcha de la source …
Tes yeux sont en amande,
deux blessures de miel, tes lèvres,
deux tours de marbre, tes jambes
deux oiseaux, tes mains sur mes épaules
et je tiens de toi une âme qui volette
autour du lieu.

En chantant la paix, Mahmoud Darwich ne joue-t-il pas avec une figure de style en ces temps troublés ? Sans doute, mais il doit continuer à être le chantre d’un autre possible que l’éternel affrontement entre les clans ennemis. Sans doute doit-il poursuivre son œuvre au-delà des critiques et des détournements pour continuer à parler d’amour et à célébrer la femme et les plaisirs.
C’est pour cela que l’on retrouve dans ce recueil les thèmes déjà abordés dans Le lit de l’étrangère avec, en guise d’ombre qui sent l’ail et le sang, un long poème en forme d’hommage à Edward Saïd, qui clôt le livre dans un retour sur soi-même. Mariant la poésie à la pensée de Saïd, Darwich donne à voir un possible dans l’opaque destinée du peuple palestinien qui s’est enfoncé dans le non-lieu.

Mahmoud Darwich, Comme des fleurs d’amandiers ou plus loin, poèmes traduits de l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar, coll. "Mondes arabes", Actes Sud, septembre 2007, 132 p. – 18,00 €


PS –
Mahmoud Darwich sera en France du 3 au 12 octobre 2007 : retrouvez ici toutes les infos sur les différentes manifestations auxquelles il participera.

A signaler également la parution simultanée du magnifique récit écrit pendant le siège de Beyrouth, en 1982, Une mémoire pour l’oubli, réédité cette année dans la collection Babel.