Srebenica Raison d’État
Pourquoi n’a-t-on pas arrêté Radovan Karadzic, le chef politique des Serbes de Bosnie et Ratko Mladic, général en chef des forces militaires dans la région ? La collaboratrice du procureur du Tribunal international pour la Yougoslavie Carla Del Ponte lève un coin du voile sur les manipulations incessantes dont les magistrats chargés du dossier du massacre de Srebenica ont été l’objet. Florence Hartmann, porte-parole du procureur et précédemment correspondante de presse en Yougoslavie pour Le Monde révèle dans un livre à paraître aujourd’hui un certain nombre de tractations et de manœuvres dilatoires destinées à faire capoter l’instruction et les missions qui lui ont été confiées le 25 mai 1993 par les Nations-Unies pour juger à La Haye des violations graves du droit international humanitaire perpétrées sur le territoire de la Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991. Ainsi, la traque des deux responsables serbes de Bosnie a-t-elle été constamment entravée par les autorités françaises, anglaises et américaines, les forces militaires des grandes puissances partie prenantes dans le règlement du conflit et leurs services secrets. En ce qui concerne le commandant en chef de l’armée de la République serbe de Bosnie, la France n’a jamais levé le doute sur les circonstances de la libération de ses pilotes le 12 décembre 1995, deux jours après la signature des accords de Dayton dans les salons de l’Élysée. Des échanges téléphoniques entre les dirigeants serbes font état d’une promesse de Jacques Chirac garantissant l’impunité à Ratko Mladic en échange de la libération des pilotes, promesse toutefois démentie par le président lors d’une rencontre avec Carla Del Ponte en juin 2003 à l’Élysée. Après ces accusations très graves formulées par Florence Hartmann, on peut légitimement se demander si la mort de Slobodan Milosevic le 11 mars 2006 dans sa cellule, au sujet de laquelle des mauvaises langues ont parlé d’empoisonnement, n’est pas effectivement suspecte.
Ils auront échappé tous deux au châtiment
Qu’on réserve aux tyrans comme à leurs acolytes :
Si la nation n’a pas condamné ses élites,
C’est que le tribunal n’en a pas l’agrément.Ces scélérats, dix ans sont cachés carrément
Pour des raisons d’État ; des rapports insolites
Lui sont remis, gênant ses desseins prosélytes,
Ses magistrats se sont bornés au boniment !Pourquoi donc entraver des missions légitimes
Et ne jamais laver le sang de leurs victimes ?
Leur principal suspect est mort sans un verdict.Un criminel, faut-il toujours qu’on le châtie ?
À la justice, on est tous devenu addict
Mais la paix quelquefois mérite une amnistie.