Des huées à Bayreuth : Katharina Wagner scandalise le public par ses iconoclastes "Maîtres chanteurs"

Des huées à Bayreuth : Katharina Wagner scandalise le public par ses iconoclastes "Maîtres chanteurs"

Visiblement, il n’y a pas que le Tour de France qui suscite de la polémique
actuellement. A Bayreuth, la tranquillité n’était pas aussi de mise. Et pour
cause, le public a dés les premiers jours refusé toute passivité en
réagissant vivement aux prestations des metteurs en scène. Mais on retiendra
certainement les intenses huées, relayées par la presse mondiale, dont a
fait l’objet Katharina Wagner.

En effet, le metteur en scène allemand Katharina Wagner a reçu un accueil
houleux mercredi soir à Bayreuth à l’issue de la première d’une nouvelle
production iconoclaste des "Maîtres chanteurs", essuyant de copieuses huées
à peine couvertes par les applaudissements.

L’arrière-petite-fille de Richard Wagner, âgée de 29 ans, fait ses débuts
de metteur en scène sur la Colline verte avec ce spectacle programmé en
ouverture du 96e festival consacré aux opéras du compositeur, qu’il
clôturera le 28 août. Il faut dire Katharina Wagner était d’autant plus
attendue qu’elle fait figure de favorite pour succéder à la tête du
festival à son père Wolfgang Wagner, 87 ans, qui règne depuis 1951 à
Bayreuth.

"Les Maîtres chanteurs de Nuremberg" (1868), seul drame comique du
compositeur, est une affaire de famille sur la Colline sacrée. Depuis 1956,
il n’a été monté que par des Wagner : avant Katharina, Wieland en a signé
deux mises en scène, Wolfgang trois. A distance du dépouillement atemporel
qui a fait la notoriété de son oncle et des mises en scène en costumes
d’époque de son père, la jeune femme a opté pour une esthétique résolument
contemporaine.

Le livret du compositeur situe l’action dans la Nuremberg (Allemagne) du
16e siècle, où un jeune homme (Walther) tente d’obtenir la main de celle
qu’il aime (Eva) en acceptant de participer à un concours de chant.
Katharina Wagner semble ne pas se soucier de cette trame amoureuse,
préférant voir dans cet opéra "une histoire qui parle d’art et du conflit
entre tradition et innovation", comme elle l’a précisé à la presse.
Walther est d’abord un peintre qui s’active avec assurance et
décontraction, baskets aux pieds, dans un décor d’académie des beaux-arts
avec bustes de grands hommes (Dürer, Kleist, Hölderlin...) sur les côtés.
Hans Sachs, qui le soutient, est un écrivain aux pieds nus et non un
cordonnier. A la fin du Ier acte, la transposition semble encore du goût
d’un large public, qui étouffe une protestation bien isolée.

Mais, en toute vraisemblance, la grogne s’intensifie à l’issue du IIe acte,
après une pluie de gags (main du destin vacillante, baskets chutant des
cintres...) qui débouche sur un joyeux désordre, avec débauche de peinture
et de nudité. Les protestations seront nettement plus soutenues au tomber de
rideau.

Katharina Wagner a un compte à régler avec "Les Maîtres chanteurs"
en général et en particulier avec l’histoire de l’oeuvre à Bayreuth, où
elle fut la seule représentée en 1943 et 1944, quand le message final de
Sachs ("L’art préserve la nation à l’heure des périls") prêtait à
d’évidentes récupérations.
Pour mieux contester leur détournement par Hitler, le metteur en scène
bouscule les grandes figures de la culture allemande (Bach, Goethe, Schiller
ou encore... Wagner), affublée de grosses têtes et condamnés à toutes les
pitreries. Katharina Wagner compense par une direction d’acteurs vive et un
sens de l’humour communicatif, un propos touffu voire confus et qui prend
de grandes libertés avec le texte.

Ainsi, selon plusieurs observateurs, Il y a du courage, sinon de
l’inconscience, à s’attaquer de cette manière à des "Maîtres chanteurs"
toujours sensibles sur la Colline sacrée. Une grande partie du public y a
sans doute vu un crime de lèse-Wagner, et l’a bruyamment manifesté.

Mais
dieu merci, personne n’a soupçonné encore une quelconque tentative de
dopage.