Ségo à Sarko

Ségo à Sarko

Politik fiction ou politik friction, voilà ce que j’aimerais entendre de la bouche de Mme Royal au soir du débat télévisé. Non pas que je sois un socialiste convaincu. Mais il me semble que Monsieur Sarkozy a le talent d’inverser les rôles, que contrairement à ce qu’on entend, il pratique bien plus la victimisation que ce que ses concurrents ne pratiquent la diabolisation. Il me paraîtrait intéressant que ses adversaires soulignent plus souvent ses contradictions, sa capacité à leur reprocher des attitudes qui sont les siennes. Bref, voici un petit essai de diatribe virtuelle de Ségolène Royal à destination de Nicolas Sarkozy.

Ségolène Royal, mercredi 2 mai 2007 à 21h11, sur un plateau de télé, à Nicolas Sarkozy :

« Monsieur, Sarkozy, je suis ravie que ce débat puisse avoir lieu, que vous acceptiez enfin la confrontation des idées, la confrontation des projets. Car si pour faire bonne figure, vous parlez souvent d’ouverture, on ne peut pas dire pour autant que vous soyez très ouvert au dialogue.

Tout d’abord, et au sein même de votre parti, vous avez empêché le déroulement de véritables élections primaires, en verrouillant le débat et en empêchant l’expression d’idées contradictoires, ce qui en dit long sur vos méthodes. Pendant ce temps, je me suis confronté à mes concurrents du Parti Socialiste, et au choix des militants, pour donner à ma candidature sa légitimité, et faire naître de ce débat un véritable projet collectif. Vous avez raillé nos élections primaires, mais précisément parce que vous êtes incapable d’une démarche aussi démocratique, une démarche d’ouverture. Et depuis votre élection à la tête du parti, il faut bien admettre que tout l’UMP ne doit plus parler que d’une seule voix : la vôtre.

Ensuite, et avant le premier tour, vous avez refusé le débat que François Bayrou a proposé aux quatre favoris des sondages. J’ai accepté cette proposition. Monsieur Le Pen lui-même l’a acceptée. Vous seul êtes capable de refuser une confrontation pourtant si digne d’intérêt, si fructueuse, et si hautement démocratique, qui aurait constitué une véritable nouveauté dans cette campagne, un vrai renouveau dans la façon de s’adresser à la population de notre pays. Les Français doivent savoir que cette attitude révèle profondément votre mode de fonctionnement, bien loin de vos discours d’ouverture. Aujourd’hui enfin, vous acceptez ce débat, car vous y êtes plus ou moins obligé par la tradition républicaine. Mais non sans avoir moqué la confrontation que j’ai eue avec Monsieur Bayrou entre ces deux tours. Et je tiens à vous dire deux choses à ce sujet, à vous et à tous les Français qui nous regardent, sur la façon dont vous cherchez parfois à inverser les rôles.

Tout d’abord, vous reprochez à vos adversaires de vous diaboliser. Mais c’est vous qui jouez cette carte, c’est vous qui jouez la victimisation. Car vous avez violemment critiqué ce débat. Vous l’avez qualifié de « ridicule », vous avez parlé de « politique de caniveau », en faisant mine de vous situer bien au-dessus de ça. En nous accusant, Monsieur Bayrou et moi-même, de vous attaquer avec violence, alors que jamais nous n’avons utilisé ni lui ni moi des formules aussi agressives. Au nom de quoi, Monsieur Sarkozy, la confrontation d’idées entre deux candidats qui ont recueilli plus de 15 millions de voix au premier tour d’une élection présidentielle, serait-elle ridicule ? Au nom de quoi s’agirait-il, comme vous l’avez également dit, d’une « confiscation du débat démocratique », alors que c’est précisément le contraire. Vous avez décidément une bien piètre opinion de la démocratie en refusant ce débat aux 15 millions d’électeurs concernés. Ou en comparant comme vous l’avez fait le second tour de l’élection présidentielle à une finale de Coupe du Monde de football. Je ne suis pas ici pour jouer au football avec vous Monsieur Sarkozy, ni pour me livrer à un match de boxe. Les Français attendent un débat, vous le leur avez refusé pendant des mois. Je ne m’y suis jamais opposée.

La seconde chose que je veux vous dire sur votre façon d’inverser les rôles au sujet de ma rencontre avec Monsieur Bayrou, concerne votre façon de critiquer de soi-disant manœuvres politiciennes. Mais vous savez pourtant bien que c’est tout le contraire : la majorité des députés UDF ont rallié votre camp, souvent dans la perspective de petits arrangements pour les élections législatives. Voilà où sont les opérations d’états-majors, les manœuvres de systèmes. C’est votre façon à vous, sans discussion ni dialogue, de récupérer certains cadres historiques de l’UDF. Mais vous savez bien Monsieur Sarkozy que les 19% d’électeurs de Monsieur Bayrou ne sont pas des sympathisants historiques de l’UDF. Ils ont été séduits par le projet de Monsieur Bayrou, par son désir de renouveler et moderniser la vie politique, au-delà des clivages traditionnels. Et c’est pour cela que contrairement à vous, je n’ai pas hésité à le rencontrer, et c’est pour cela que contrairement à ce que vous dites, je vous ai laissé à vous et à l’UMP les manœuvres d’appareil, pendant que je me concentrai sur le dialogue et l’ouverture, qui intéresse les électeurs bien plus que les manœuvres des partis. Je ne partage pas toutes les idées de Monsieur Bayrou, nous l’avons clairement dit et assumé lui et moi. Mais nous partageons ensemble un désir de faire de la politique autrement. Un désir de modernité, de diversité, ouvert au débat et à la confrontation des idées, ouvert aux réformes parlementaires qui rénoveront durablement notre démocratie.

Pendant que vous vous confortez dans un rôle de victime, pendant que vous reprochez aux autres les méthodes qui sont les vôtres, pendant que, motivé par vos ambitions personnelles, vous court-circuitez le débat dans une logique d’immobilisme, je propose aux Français et aux électeurs de tous bords une véritable politique de dialogue, d’ouverture, un véritable désir d’avenir. »