Nicolas Sarkozy : la haine de soi

Nicolas Sarkozy : la haine de soi

« Tout ce que tu dis parle de toi, singulièrement quand tu parles des autres ».
Paul Valéry
Je ne doute pas que, dans le privé, Nicolas Sarkozy soit un homme charmant. Je lui reconnais du charme, de l’intelligence, de la sensibilité. Je ne doute pas qu’il puisse être un ami délicieux. Je ne doute pas de ses convictions, ni de sa sincérité.

Mais il y a une chose dont je doute — et ce n’est pas lui faire injure ; je doute de sa capacité à diriger un pays, ce pays, par exemple, qui est la France.

Je doute que Nicolas Sarkozy ait cette humilité de l’ego qui sied à la fonction de chef d’État.

Que Nicolas Sarkozy ait fait un rêve, oui je crois qu’il le fait plus que jamais ce vieux rêve : être président de la République française.
Je crois qu’il veut cela, obstinément, maladivement, je crois qu’il est prêt à tout sacrifier pour ce rêve, ce rêve qui est devenu un absolu. Mais l’absolu c’est la mort ! L’absolu n’existe pas. L’absolu n’est pas un lieu de l’âme où l’on se repose. L’absolu n’est pas humain en ce sens qu’il est indépassable. Être président de la République n’est qu’une étape dans le processus du vivant. Si ce pouvoir n’est pas tenu à distance, s’il est le symbole de l’accomplissement de soi, s’il est un but en soi, il y a danger. Et voilà qui m’inquiète : il semble bien que tel soit le cas pour Nicolas Sarkozy. Aussi devra-t-il aller de plus en plus loin, de plus en plus fort, de plus en plus dangereusement. La voie qu’il a choisie, il ne pourra pas en déroger, il ne pourra pas bifurquer ; il lui faudra, il sera, il deviendra de plus en plus violent, de plus en plus instable.
La violence engendre la violence, tout le monde sait cela. Cette violence, on ne cessera de la lui apporter sur un plateau d’argent. Elle lui collera à la peau. Tout le temps, toujours. Il aura beau invoquer Blum, Jaurès, Camus, plus rien désormais n’y fera. C’est trop tard. L’image est figée. Le tableau est signé de la main du destin. Ce père fouettard-là n’a pas la grande histoire pour l’excuser.

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Au bout de cela pointe le despostisme. Il pointe déjà, il est déjà là, dans la ligne de mire. Le rapport de force est le fonds de commerce de Nicolas Sarkozy. Rappelons-nous : « Surveiller et punir » (Michel Foucault), et ceci encore : « Ce que vous êtes parle si fort que l’on n’entend plus ce que vous dites. (Jefferson.) Ce qu’est Nicolas Sarkozy, c’est ce qu’il a voulu. Il a voulu cela pour conquérir le pouvoir. Ce pouvoir il l’a. Il l’a eu au prix de la violence. Il l’a voulu au nom de son désir de pouvoir. On voit que ce pouvoir qu’il a aujourd’hui ne lui suffit déjà plus. Celui qu’il pourrait avoir demain (celui de chef d’État) bientôt ne lui suffira pas non plus. Après le pouvoir sur les corps il faut celui des âmes. C’est un refrain connu.

Tout dans ce que Nicolas Sarkozy donne à voir de lui-même confirme cela : que tout doit s’articuler autour de sa seule personne. L’espace autour de lui est saturé de son image. Et cette image, je le crois, j’en suis sûr, j’en suis absolument certain, il ne l’aime pas. Il ne l’aime pas pour les raisons que l’on sait. Alors, alors, je vous prie de bien me lire : cette image il n’aura de cesse de la sublimer, d’en faire une icône. « Le culte du moi » (et je ne fais ici que citer un livre de Barrès), le culte de soi est avant tout la haine de soi.
Et c’est ici le paradoxe suprême : les despotes ne s’aiment pas.

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Rien ne s’oppose plus radicalement à la fraternité que le pouvoir, le pouvoir vécu comme une victoire. Le pouvoir est une défaite. Le pouvoir est une défaite de l’humain.
C‘est en cela que j’aime Ségolène Royal : ce pouvoir elle n’en veut que pour n’avoir pas à l’exercer, à l’imposer. Le pouvoir qui vise à se nier lui-même n’est pas le pouvoir, tout le pouvoir.
« C’est le fort qui tend la main, dit Nicolas Sarkozy, pas le faible. »
Fort, faible. Ce sont ses mots, oui, ses mots, ses maux. Tout est là. Le fort, le faible. Cela a encore un sens pour lui, et ce sens s’il le sent faiblir il veut le rétablir. La fable du fort et du faible ne devrait pas être autre chose que la fable de l’aveugle et du paralytique.

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Pour finir, ceci que j’adresse à Nicolas Sarkozy : « Si vous voulez ressentir la paix, devenez la paix », (James F. Twyman). Mais, voulez-vous que je vous dise : je crois qu’il est trop tard.
Moi qui aime la paix, moi qui n’ai pas de pouvoir et qui n’en veux pas, moi qui aime les gens, moi qui ressemble à tant de gens, moi qui n’ai pas peur des femmes, moi qui suis pas beau, moi qui ne suis pas riche, moi qui ne suis plus jeune, moi qui crois en l’humain, j’ai voté, je vote et voterai Ségolène Royal.