Art & Civilisation

Art & Civilisation

Parce que l’art est intrinsèquement lié à la construction d’une civilisation, parce que toute expression artistique est incompréhensible sans la connaissance de son héritage et donc de son histoire, les Editions du Rouergue ont eu l’idée de créer cette nouvelle collection pour donner à tous l’accès aux informations essentielles et indispensables à qui s’intéresse à l’histoire du monde, ou s’apprête à voyager.

Le premier titre de cette collection qui, d’ici 2009, aura traité d’une douzaine de sujets (la Renaissance, la Grèce, l’art précolombien, perse, tibétain, indien, roman, africain …) s’ouvre par l’art byzantin, l’un des plus brillants qui soit. Mené de mains de maître par Tania Velmans, ancienne directrice de recherche au CNRS, dirigeant actuellement les Cahiers Balkaniques après avoir co-dirigé les Cahiers Archéologiques, et nous avoir livré en 2006 un étonnant et magnifique Rayonnement de Byzance chez Thalia, ce livre-là est le maître étalon du B.A.BA pour qui veut s’instruire tout en s’offrant un plaisir de lecture et de contemplation rarement apaisé malgré la centaine de photographies qui viennent ponctuer le propos.

Le livre s’ouvre sur une carte, une reconstitution de Constantinople
au VIème siècle afin de nous offrir un point de comparaison, car Byzance est née en trois temps : 324-330 (Constantin 1er
fonde Constantinople ; en 395 l’Empire romain est scindé en deux, l’empire d’Orient est né, il sera le plus performant ; au VIIème siècle, c’était devenu un état autoritaire, à la société hiérarchisée). Pour comprendre les Byzantins il faut appréhender la Parousie, d’où découla les icônes. D’ailleurs, l’empereur était lui-même une icône puisque son portrait recevait les mêmes hommages que sa personne …
L’architecture est à observer à partir du IVème siècle où les premières églises furent construites, avec comme point d’orgue Sainte-Sophie, dont la nef centrale est un pur ravissement … Mais d’autres merveilles vous attendent, comme Sainte-Ripsime (Arménie), Sainte-Sophie et Saint-Pantéleimon (Macédoine) ou le monastère de Ravanica (Serbie) sans parler du monastère de Gracania (Kosovo).

L’étude des icônes et de leur tradition nous apprend, par exemple, que les traits du visage étaient soumis à une stricte symétrie, les personnages sont immobiles, isolés les uns des autres. Ainsi, l’on créé des personnages dématérialisés et on les situe dans un espace privé de références rationnelles. Cette optique impose que les personnages sacrés doivent être impassibles et sereins puisqu’ils connaissent Dieu.
Mais dès 711, une querelle iconoclaste vit le jour à cause du culte exagéré des icônes : des doctrines furent prodiguées mais la zizanie régna jusqu’à ce que la régente Théodora et le patriarche Méthode y mettent fin le 11 septembre 843 … Commença alors l’ère de l’humanisme byzantin engendré par la victoire des iconophiles, qui se traduisit par toutes les merveilles que l’on peut désormais admirer …
Un autre aspect est aussi admirablement abordé, c’est celui des arts mineurs qui, dans leur ensemble, représentent un véritable trésor dont les seules miniatures comportent plusieurs milliers de pièces. Grande sculpture et bas-relief, ivoire et tissus, sans oublier les métaux précieux qui forment une suite d’objets représentant aussi bien des sujets profanes que religieux.

La page centrale s’ouvre en double, sur une chronologie d’un côté et une étude de la cathédrale du monastère de Miroza, à Pskov (Russie) avec une coupe de la nef et les différentes icônes situées et expliquées. Ponctué par un glossaire et un index, ce premier opus est une merveille. Même si vous ne partez pas en voyage prochainement, nourrissez votre esprit, comme cela TF1 ne pourra plus s’y insinuer pour vous vendre du Coca …

Le deuxième tome est consacré à l’art de la Chine. Ecrit par Christine Kontler, sinologue et docteur d’état en science des religions, il nous plonge dans l’immensité d’un territoire de plus de 10 millions de kilomètres carrés.
Tout commence en 400 avant J.C. (pour mémoire la fondation de l’empire remonte à 221 avant J.C.) avec un vaste ensemble culturel appelé Yangshao, du nom du premier village découvert au Henan. Les objets étonnent par leur qualité, leur diversité et leur nombre. Les formes de poterie sont stables et mesurées, les motifs abordent le répertoire complet : lignes, points, volutes, losanges, etc.
La dynastie royale des Shang voit l’apogée de l’écriture et du bronze, entre le XIV ème et le XI ème siècle avant J.C. On y distingue deux grandes catégories d’objets (les outils, armes, instruments de musique d’une part, et les vases sacrés d’autre part). Puis les Zhou s’installent au pouvoir jusqu’en 771 avant J.C. Naissent alors les grands courants de pensée et les écoles de sagesse. Un corpus important a permis une étude de qualité sur cette dynastie royale : inscriptions sur les os, vase de bronze et livres sur soie. Grâce aux objets funéraires qui évoquent la vie quotidienne des défunts les chercheurs ont pu reconstituer les modes de vie de l’époque.
Nul doute que la culture des nomades fut une grande source de vitalité pour la civilisation chinoise antique, remarquable, en retour, par sa capacité à l’assimiler.

Du bouddhisme naquit le premier des arts sacrés de la Chine ; il fut introduit vers la fin des Han à la faveur d’échanges sur les routes de la soie qui traversaient l’Eurasie. Né en Inde au VI ème siècle avant J.C. il obligea, pour la première fois de son histoire, la Chine a faire face à une tradition religieuse puissante qui avait aussi un art et une architecture qui lui étaient totalement étrangers. Après plusieurs siècles de conciliations mutuelles, la Chine se convertit et le bouddhisme chinois vit son apogée se situer entre le VII ème et le IX ème siècle, sous la dynastie des Tang. Outre les nombreuses statues, de nombreux lieux de culte jalonnent les pistes caravanières le long de la route de la soie. Les plus représentatifs étant le temple suspendu sur la montagne sacrée du Nord (province du Shanxi) ou celui de Mogao, à Dunhuang (province du Gansu). Le pays se couvrit d’ensembles rupestres avec les peintures murales, leur statuaire modelée et peinte ou leurs sculptures en bas et haut-relief souvent taillées à même le roc.

Ici ce sont les arts de la vie qui ponctuent ce très bel album dont la traditionnelle page centrale doublée s’ouvre sur un tableau chronologique des dynasties chinoises, et à l’intérieur une étude de la tombe de la dynastie Han, où fut enterrée la marquise de Dai.
En Chine, c’est le monde en petit (en recréant la nature à petite échelle) des jardins et des peintures qui prédominent. Les premiers jardins datent des débuts de la période impériale, c’étaient des jardins d’acclimatation ou de grands parcs avec leurs milliers d’espèces végétales et leurs animaux exotiques … Les liens entre arts du jardin et arts de la peinture étant étroits, on pouvait considérer qu’un jardin était une peinture en trois dimensions, tandis qu’une peinture était un jardin en deux dimensions … L’art de l’écriture et de la gravure fixèrent pour la postérité les Trois Perfections : la calligraphie, la poésie et la peinture. Mais d’autres facettes moins connues sont aussi étudiées comme le feng shui (l’art des sites et de la géomancie) sans oublier les fêtes traditionnelles, tout un panel des plus attrayants qui font de la Chine l’une des civilisations les plus fascinantes, désormais ouverte à tous. Il suffit de se procurer ce livre et de prendre un billet d’avion ...

Tania Velmans, L’art byzantin, coll. "Rendez-vous avec … Art et Civilisation", relié 195 x 285, 100 photos et 30 dessins, éditions du Rouergue, avril 2007, 72 p. – 18,00 €

Christine Kontler, L’art de la Chine, coll. "Rendez-vous avec … Art et Civilisation", relié 195 x 285, 100 photos et 30 dessins, éditions du Rouergue, avril 2007, 72 p. – 18,00 €