Théâtre : Coco Chanel et Hemingway sur le ring artistique

Théâtre : Coco Chanel et Hemingway sur le ring artistique

"Place Vendôme août 1944" est une pièce d’orfèvre, un petit bijou précieux de la création qui ne fait pas que briller et plaire, mais qui donne aussi du sens et fait passer un moment rare d’élégance théâtrale à la française. En pleine guerre, dans un Paris occupé, l’auteur Alain Houpillart écrit la rencontre fictionnel entre deux monstres sacrés : Gabrielle dite "Coco" Chanel qui a passé la guerre au Ritz et Ernest Hemingway qui vient délivrer l’Hôtel mythique dans un joyeux état d’ébriété.

Comme dans la "Princesse de Clèves", la rencontre imaginaire, poétique et dramatique se fait dans un haut lieu du luxe, comme la vitrine magnifique d’un spectacle cousu avec une grâce de petits mains expertes et un regard d’esthète. Sauf que là en plus il y a du rythme, du dynamisme, une vraie drôlerie communicative et un enthousiasme formidable servi par un beau texte, une mise en scène de toute beauté et un extraordinaire numéro d’acteurs.

"Place Vendôme août 1944" est un spectacle complet et divertissant. Tous les ingrédients en font un plateau de théâtre diablement réussi et jubilatoire.
Au départ il y a cette vraie bonne idée de confronter deux êtres que tout oppose et d’ensuite s’amuser par le jeu d’une écriture fine et bien dosée à en faire un Couple mythique de Théâtre pendant une heure et quart.

Chanel et Hemingway sont dans un palace parisien, il est saoulard, mal fagoté, vantard, excessif et brailleur, elle est élégante, mesurée, érudite, cassante, prétentieuse et sûre de sa Gloire passée.

En plein conflit mondial Coco et Ernest s’offrent une joute verbale sur un Ring artistique qui alterne entre un décor très épuré et des projections d’images d’archives.
Tout y passe, de la philosophie de comptoir à la plus pertinente des critiques sur l’état d’Art à travers les vicissitudes de la vie, du name droping aux affres de la Reconnaissance.
La Guerre est un joli alibi, un beau décor pour que le drame s’opère, pour que les maques tombent. Peu à peu le faux couple improbable se livre, s’enthousiasme, s’affronte, l’un prend des coups, l’autre panse les plaies.

Il y a une grande intelligence et une justesse implacable dans l’écriture de la pièce qui est à la fois didactique et imaginative, vraisemblable et surréaliste.
L’intérêt de l’affaire naît de la confrontation entre Chanel et Hemingway, c’est dans la dualité qu’ils apparaissent uniques. L’un éclaire l’autre. Ils se mettent en scène tour à tour pendant toute la durée de la pièce.


Alain Houpillart fait ici des débuts d’auteur très prometteurs avec cette pièce en forme de collage étrange dotée d’une force et d’une beauté à couper le souffle et doublée d’un grand sens ce qu’est l’essence même du Théâtre. Tous les plans de l’exposition et de la narration sont de haut vol, le premier, le second comme l’arrière plan. On est dans un modèle du genre, à la fois attractif, ludique, pertinent, impertinent, posant de multiples questionnements essentiels et surtout nous confrontant à notre propre histoire et notre manière intime d’envisager l’Art.

Egalité parfaite au final de cette danse de salon mêlée à un combat intemporel de boxe artistique à la gloire de la beauté et de l’intelligence. La Mode et la Littérature en sortent grandi. Le Théâtre en marieur d’un soir des genres réussit la plus belle des unions éphémères.

Mentions spéciale pour la mise en scène pleine de tact, de justesse et d’intelligence de la scène de Martine Coste, Un numéro d’acteurs prodigieux de Sophie Leclercq et Jean Marc Foissac et un travail sur la photo tout à faire remarquable, de la maquilleuse et du créateur des lumières.

A voir absolument.

Auteur : Alain Houpillart
Metteur en scène : Martine Coste
Création son et images : Fabrice Gerardi
Création lumières : Christopher Mélice
Création maquillage et coiffures : Karine Meyer
Avec Sophie Leclercq et Jean Marc Foissac


Du 27 mars au 9 juin, du mardi au samedi à 20h (Relâche les 1er et 8 mai). Salle Vicky Messica. Durée : 1h15 au Théâtre des Déchargeurs. à Paris. Métro Chatelet, Sortie Rivoli. A côté de H&M.

Auteur : Alain Houpillart
Metteur en scène : Martine Coste
Création son et images : Fabrice Gerardi
Création lumières : Christopher Mélice
Création maquillage et coiffures : Karine Meyer
Avec Sophie Leclercq et Jean Marc Foissac


Du 27 mars au 9 juin, du mardi au samedi à 20h (Relâche les 1er et 8 mai). Salle Vicky Messica. Durée : 1h15 au Théâtre des Déchargeurs. à Paris. Métro Chatelet, Sortie Rivoli. A côté de H&M.